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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 30.1903

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Nr. 2
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Bertaux, Émile: Victor Hugo, [2]: artiste
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https://doi.org/10.11588/diglit.24812#0183

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162

GAZETTE DES BEAUX-ARTS

verticales, unies par une barre horizontale, tracent une initiale : l’H
du nom de Hugo.

La grande lettre de faïence est une signature qui fait corps avec
une œuvre d’art; elle est encore un monument de l’orgueil qui s’est
exalté dans les poèmes d’exil et dans les dessins où les deux mots
Victor Hugo s’élevaient plus haut que les tours. L’H démesurée
imposait à la vénération des invi tés les deux jambages que Vacque-
rie, nouveau venu à Paris, saluait, découpés sur le ciel par les tours
de Notre-Dame. Elle dominait la salle comme la statue d’un nom.

Victor Hugo a fait de sa maison et de.ses meubles, comme autre-
fois des acteurs qui jouaient ses drames, les confidents de scs pensées
et les hérauts de ses paroles. Plus d’un bahut de vieux chêne,
plus d’un fauteuil brodé portent, comme la livrée d’une gloriole
puérile et mensongère, les armoiries que le châtelain de Hauteville
prétendait avoir héritées d’un Hugo du xvie siècle. La grande lettre
qui trône sur la cheminée de faïence est la reine géante d’un petit
peuple d’inscriptions, gravées sur les lambris de chêne, appliquées
en lettres de bois découpé, dessinées en clous de cuivre sur des
peaux tendues comme un tambour sonore.

Le décor, animé par le verbe du poète, devient symbole. Une
antithèse écrite est exprimée dans deux attitudes plastiques : sur
l’étagère de la grande cheminée faite de bois barbares, une statuette
de chêne baisse la tête vers un livre : in libro ; une autre a quitté
le livre des yeux et regarde le ciel : ad cœ'wn. Les trois petites pein-
tures hollandaises qui font corps avec les lambris de la salle à man-
ger deviennent des prophéties de LatTranchissement social. Dans
une taverne, un reitre est empoigné par deux paysans : c’est la
Fin du soldat ; un rustre se prend de querelle avec un homme à
chausses bariolées : c’est la Fin du seigneur ; une femme en fouette
une autre; Victor Hugo voit dans les cotillons des soutanes et grave
au-dessus de la paysannerie : Fin du prestre. Ainsi les mots ne sont
pas la traduction littérale d’une figurine ou d’une scène; que les
murs ou les fauteuils parlent de religion ou de philosophie, de l’exil
ou de l’avenir, toujours ils prononcent un oracle du même dieu.

Pour entendre dans toute sa sonorité la voix qui continue de re-
tentir sur les murs de Hauteville House, il suffira de promener ses
regards autour de la salle à manger de faïence. Devant 1’II solennelle
un fauteuil est adossé au mur; un dais de bois le surmonte ; les bras
massifs et carrés du meuble sont reliés par une chaîne. Ce fauteuil
interdit est préparé devant la table de famille pour les ancêtres
 
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