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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
deux figurines opposées l’une à l’autre : des légendes espagnoles,
inscrites au milieu des fleurs, font penser à Goya. Une sorte de
kobold, assis au milieu d’énormes flacons, est comme suspendu au
réseau des plantes par une toile d’araignée; ce gnome aux instincts
matériels est le symbole du corps : cl cuerpo. L’autre vision est l’âme,
l aima : une femme enlevée vers le ciel par de grandes ailes
blanches. Deux mots, qui brillent au-dessus de la guirlande en lettres
dorées, saluent la lumière divine qui
tombe à Ilots par l’ouverture vitrée :
Deas, elles.
Les mêmes guirlandes peintes
serpentent autour d’une grande glace,
à l’entrée du « look-out »,et un petit
plateau d’étain, incrusté dans le fron-
ton du cadre, répète les mêmes mots
latins.
Victor Ilugo a composé un cadre
du même genre, quatre mois avant
de quitter Guernesey. En mai 1870,
il écrit cinq vers amusants pour son
petit-fils, sur un cadre de sapin :
Passereaux et rouges-gorges,.
Venez cDs airs et des eaux,
Venez tous faire vos orges,
Messieurs les petits oiseaux,
Chez Monsieur le petit Georges.
Tout autour de la glace, il lance
un vol de passereaux qui traversent
l’air comme s’ils avaient été des-
sinés au vol par un Japonais. A
Paris, quelques mois plus tard, Victor Hugo, descendu chez son
ami Paul Meurice, entreprend la décoration d’un grand cadre
destiné à son plus beau dessin : le Burcj à la croix. Les plantes
grimpantes qui se traînent au pied de la noire forteresse portent des
UNE FEMME-FLEUR
PANNEAU DÉCORÉ PAR VICTOR HUGO
(Maison de Victor Hugo.)
fleurs inconnues, qui ressemblent à des fleurs de la Passion; quel-
ques oiseaux volettent parmi les branches, avec des papillons. Autour
du dessin tragique, revu dans les jours de deuil, un sourire de la
nature parle d’espérance : Spes, dit le mot tracé au-dessus des deux
dates (5 septembre 1870-2 février 1871) et du nom de Victor Hugo.
Les deux cadres dédiés au petit-fils et à l’ami sont probablement
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
deux figurines opposées l’une à l’autre : des légendes espagnoles,
inscrites au milieu des fleurs, font penser à Goya. Une sorte de
kobold, assis au milieu d’énormes flacons, est comme suspendu au
réseau des plantes par une toile d’araignée; ce gnome aux instincts
matériels est le symbole du corps : cl cuerpo. L’autre vision est l’âme,
l aima : une femme enlevée vers le ciel par de grandes ailes
blanches. Deux mots, qui brillent au-dessus de la guirlande en lettres
dorées, saluent la lumière divine qui
tombe à Ilots par l’ouverture vitrée :
Deas, elles.
Les mêmes guirlandes peintes
serpentent autour d’une grande glace,
à l’entrée du « look-out »,et un petit
plateau d’étain, incrusté dans le fron-
ton du cadre, répète les mêmes mots
latins.
Victor Ilugo a composé un cadre
du même genre, quatre mois avant
de quitter Guernesey. En mai 1870,
il écrit cinq vers amusants pour son
petit-fils, sur un cadre de sapin :
Passereaux et rouges-gorges,.
Venez cDs airs et des eaux,
Venez tous faire vos orges,
Messieurs les petits oiseaux,
Chez Monsieur le petit Georges.
Tout autour de la glace, il lance
un vol de passereaux qui traversent
l’air comme s’ils avaient été des-
sinés au vol par un Japonais. A
Paris, quelques mois plus tard, Victor Hugo, descendu chez son
ami Paul Meurice, entreprend la décoration d’un grand cadre
destiné à son plus beau dessin : le Burcj à la croix. Les plantes
grimpantes qui se traînent au pied de la noire forteresse portent des
UNE FEMME-FLEUR
PANNEAU DÉCORÉ PAR VICTOR HUGO
(Maison de Victor Hugo.)
fleurs inconnues, qui ressemblent à des fleurs de la Passion; quel-
ques oiseaux volettent parmi les branches, avec des papillons. Autour
du dessin tragique, revu dans les jours de deuil, un sourire de la
nature parle d’espérance : Spes, dit le mot tracé au-dessus des deux
dates (5 septembre 1870-2 février 1871) et du nom de Victor Hugo.
Les deux cadres dédiés au petit-fils et à l’ami sont probablement