GAZETTE DES BEAUX-ARTS
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Nous arrivons ainsi à 1920, qui apporte des nouveautés intéressantes. La silhouette
change. D’abord la taille est nettement marquée à sa place naturelle ; la jupe, moins
courte, devient très légère et gracieuse par l'innovation des grandes pointes dites
« mouchoirs », ajoutées des deux côtés, retenues seulement à la taille et dépassant
le bas de la jupe. Cette idée se répétera à l’infini avec toutes les modifications
imaginables. Elle mérite son succès.
La grande fureur de la danse pose à la couture des problèmes spéciaux. Et voilà
la « robe à danser ». Un tout petit corsage,
plat, simple, virginal, une jupe volumineuse,
immense, que gonflent à droite et à gauche des
cercles invisibles. C’est presque la crinoline,
mais sans son encombrante cage. Saluons la
silhouette de la « robe à danser ». Nous nous
garderons bien de la même politesse pour le
grand succès de la saison : les Dos Nus. En
1920 la robe de soirée ne comporte qu’une
jupe ; le corsage se réduit à un tout petit carré
de 25 à 3o centimètres posé devant, attaché à
la taille et retenu aux épaules par une attache
aussi invisible que possible; un point, c’est
tout. A aucune époque les femmes ne furent
aussi dévêtues que cet hiver-là. Beaucoup
même ont mis de côté les bas et posé les pieds
directement dans les souliers. Il est vrai que
lorsqu’elles portaient des bas elles les choisis-
saient si transparents que la jambe entière
n’avait pas de secrets. Et ce désir immodéré du
laisser-voir ne se manifeste pas qu’aux lumières ;
il est de toutes les heures.
Janvier. Il fait très froid. Madame est au coin
de son feu et, comme elle est toute seule, elle
s’est habillée chaudement d’un douillet peignoir
ouatiné. Elle lit. Elle se sent à son aise. Tout
à coup, un sursaut, la pendule a tinté. Il est
4 heures : « Vite, Mariette, ma robe de tulle,
je sors ! » Et Mariette, en un tour de main, habille Madame. Regardez maintenant :
les bras nus jusqu’aux épaules ; le corsage largement échancré et fort transparent.
Autrefois c’était là une tenue de dîner ; à présent c’est la classique toilette d’après-midi.
Cet hiver-là a subi le charme des costumes paysans et étrangers. Nous avons vu
la large manche bretonne à grande bande de velours noir ; les tabliers à bavettes ont
inspiré bien des modèles, et le flot de rubans de nos mariées villageoises a orné des
robes de jeunesses. Sans interruption se sont suivis les vestes des moujicks, les
broderies roumaines, les châles espagnols à allure superbe, qu’ils soient d’étoffe
ROBE DU SOIR
PAR MADELEINE VIO N NET (I g a I)
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Nous arrivons ainsi à 1920, qui apporte des nouveautés intéressantes. La silhouette
change. D’abord la taille est nettement marquée à sa place naturelle ; la jupe, moins
courte, devient très légère et gracieuse par l'innovation des grandes pointes dites
« mouchoirs », ajoutées des deux côtés, retenues seulement à la taille et dépassant
le bas de la jupe. Cette idée se répétera à l’infini avec toutes les modifications
imaginables. Elle mérite son succès.
La grande fureur de la danse pose à la couture des problèmes spéciaux. Et voilà
la « robe à danser ». Un tout petit corsage,
plat, simple, virginal, une jupe volumineuse,
immense, que gonflent à droite et à gauche des
cercles invisibles. C’est presque la crinoline,
mais sans son encombrante cage. Saluons la
silhouette de la « robe à danser ». Nous nous
garderons bien de la même politesse pour le
grand succès de la saison : les Dos Nus. En
1920 la robe de soirée ne comporte qu’une
jupe ; le corsage se réduit à un tout petit carré
de 25 à 3o centimètres posé devant, attaché à
la taille et retenu aux épaules par une attache
aussi invisible que possible; un point, c’est
tout. A aucune époque les femmes ne furent
aussi dévêtues que cet hiver-là. Beaucoup
même ont mis de côté les bas et posé les pieds
directement dans les souliers. Il est vrai que
lorsqu’elles portaient des bas elles les choisis-
saient si transparents que la jambe entière
n’avait pas de secrets. Et ce désir immodéré du
laisser-voir ne se manifeste pas qu’aux lumières ;
il est de toutes les heures.
Janvier. Il fait très froid. Madame est au coin
de son feu et, comme elle est toute seule, elle
s’est habillée chaudement d’un douillet peignoir
ouatiné. Elle lit. Elle se sent à son aise. Tout
à coup, un sursaut, la pendule a tinté. Il est
4 heures : « Vite, Mariette, ma robe de tulle,
je sors ! » Et Mariette, en un tour de main, habille Madame. Regardez maintenant :
les bras nus jusqu’aux épaules ; le corsage largement échancré et fort transparent.
Autrefois c’était là une tenue de dîner ; à présent c’est la classique toilette d’après-midi.
Cet hiver-là a subi le charme des costumes paysans et étrangers. Nous avons vu
la large manche bretonne à grande bande de velours noir ; les tabliers à bavettes ont
inspiré bien des modèles, et le flot de rubans de nos mariées villageoises a orné des
robes de jeunesses. Sans interruption se sont suivis les vestes des moujicks, les
broderies roumaines, les châles espagnols à allure superbe, qu’ils soient d’étoffe
ROBE DU SOIR
PAR MADELEINE VIO N NET (I g a I)