I
7™ ANNEE. — N° 332
PABIS ET DEPARTEMENTS : 15 CENTIMES LE, NUMERO
19 AOUT 1877
REDACTION
77, r. Neuve-des-Petits-Champs
PARIS
ABONNEMENTS
PARIS ET DÉPARTEMENTS
Un an........... 8 fr.
Six mois........ 4
Trois mois....... 2
ADRESSER
Lettres et Mandats à M. Madré,
directeur-gérant,
77, r. Neuve-des-Petits-Champs.
ADMINISTRATION
77, r. Neuve-det-Petit$-Champ*
PARIS
ABONNEMENTS
PAYS DE L'UNION POSTALE
Un an....... lOfr. »
Six mois.... S »
Trois mois... Z KO
ANNONCES
Au bureau du Journal
et chex
M. BEAUDOIN, 9, pl. de la Bonne.
LA SEMAINE
Quand M. Saint-Genest se contentait de
faire le Jérémie à deux cents francs l'article,
il n'était que ridicule ; maintenant que, four-
bissant sa grande latte, il provoque à la
guerre civile en poussant le gouvernement à
des mesures extrêmes,
Il ne cesse pas d'être grotesque,
Mais il devient odieux.
Ce Pierre-l'Ermite de caserne ne cesse de
prêcher la croisade contre la République,
contre la liberté, contre ses confrères, les
journalistes libéraux dont il demande la sup-
pression en encourageant les ministres du
16 Mai à établir l'état de siège.
L'état de siège!
Et pourquoi ? juste ciel !
L'ennemi est-il à nos portes?
Le canon de la guerre civile broie-t-il des
poitrines françaises ?
Que craint M. Saint-Genest?
Que désire-t-il ?
Ce qu'il craint, je vais vous le dire :
Il craint que les prochaines élections ne
fassent table rase des audacieux qui ont eu
l'audace de jouer le 16 Mai la plus dange-
reuse des parties ;
Il craint que la République, affirmée cette
fois par une écrasante majorité, ne brise sa
plume ébréchée et ne la condamne à un éter-
nel silence ;
Il craint que le public, justement la sséde
ses rengaines prudhommesques, de ses pi-
toyables lazzis, de ses cris d'oison plumé tout
vif, ne le renvoie, et définitivement, à sa
théorie. (Quelle perte pour la littérature !)
Ce quïl désire ?
Parbleu ! ce n'est point difficile à deviner.
Il désire le retour du régime du sabre et
des conseils de guerre ;
Par file à droite 1 en avant !... arche I...
Une 1... deusse !... une !... deusse !...
« Ah 1 le bel état
Que celui de soldat ! »
Quoiqu'il en dise, c'est un clérical, et sa
bonne épée est trempée dans l'eau de Lourdes.
Il désire le rétablissement de je ne sais
quelle autocratie militaire, où les bourgeois
affolés iraient prendre le matin le mot d'ordre
de la place qu'il leur donnerait, lui, Saint-
Genest 1 le sauveur de la France 1
Sans cela, pas de salut 1
Le pays est perdu !
Guerre à la République qui fait les esprits
libres et les cœurs indépendants 1
Sus aux têtes rouges !
Vite l'état de siège et des coups de trique !
* *
Allons, allons, monsieur Saint-Genest, vous
devenez fou, si vous êtes de bonne foi.
Et je veux bien vous accorder ce seul et
unique mérite.
Mais, de grâce, par intérêt pour votre ave-
nir littéraire, arrètez-vous dans votre pi-
toyable campagne !
Songez-y bien !
A force de travailler dans la boutique du
barbier Figaro, vous ne prenez pas garde que
votre sabre est devenu un rasoir.
Et si mal repassé encore que vous écor-
chez les clients !
Je ne vous demande pas de passer à l'en-
nemi et de défendre une cause que vous at-
taquez avec le plus indigne parti pris ;
Nous n'avons pas besoin de vous i... grâce
à Dieu !...
Mais, par égard pour vous-même, cessez
de devenir l'objet de la risée générale : de
vos coreligionnaires que vous fatiguez de vos
boniments, de vos ennemis qui lisent vos ho-
mélies en haussant les épaules.
Taisez-vous ! ..
Et, croyez-moi!... ne nous forcez pas à avoir
un jour de la mémoire !
Maintenant, s'il vous faut absolument l'état
de siège pour vous rendre heureux, qu'on nous
le donne !
Nous verrons à qui il profitera !
***
Un joli four, c'est celui de la brochure Or-
dinaire publiée avec tant de fracas par le
Figaro.
A entendre les réactionnaires des feuilles
dévouées, ces quelques pages du député du
Rhône, si cruellement étrillé par la justice,
devaient pulvériser M. Gambetta et le réduire
en miettes imperceptibles.
En effet, M. Ordinaire reproche à ce der-
nier :
1° De ne plus porter de chapeaux crasseux
ni de bottes éculées ;
2* De jouer à la bouillotte ;
3° De payer lorsqu'il perd ;
4° D'avoir un coupé, quand l'impériale de
l'omnibus devrait lni suffire ;
Etc., etc.
Vous voyez que quand un homme en ar-
rive là, ce doit être évidemment le dernier
des misérables.
Là-dessus, M. Ordinaire s'en va t'en guerre,
et sans rien articuler de précis, sans citer un
fait palpable, il verse sur la tête de Gam-
betta un pot de méchantes calomnies à mots
couverts qui ne peuvent scandaliser que les
imbéciles, mais qui laissent les hommes de
bon sens parfaitement froids.
C'est ce qui est arrivé.
On hausse les épaules et voilà tout.
C'a été encore un pétard manqué.
Pauvres conservateurs !
Se donner tant de mal pour arriver à un si
frêle résultat !
Ah! ma parole d'honneur, c'est à s'en
abonner au Paris-Journal, de désespoir!...
»
* *
Çà continue à aller gaîment.
Tous les jours, révocations de maires,
Interdiction de ventes des journaux répu-
blicains,
Vexations de toutes sortes,
Misères de toute espèce,
Procès faits à de pauvres diables de colpor-
teurs qui n'ont que le produit de leurs jour-
naux pour vivre,
Et ceci,
Et cela,
Et une foule d'autres choses encore!...
Allez, monsieur, allez !
Plus vous en ferez, plus nous serons con-
tents.
Car vous donnez chaque jour votre mesure
et les électeurs sauront se souvenir, soyez
tranquilles 1
Ils seront fixés sur votre valeur et voteront
en conséquence.
Ne vous gênez donc pas, de grâce !
Où il y a de la gêne, il n'y a pas de plaisir,
n'est-ce pas?
Et il sera bien juste qu'à un moment donné,
vous vous amusiez... pour notre argent!
Et vous vous amuserez... je vous en ré-
ponds ! Nicolas Flammèche.
FEUILLES AO VERT
Il y a une chose que peu de parisiens
savent :
C'est que chacun des pavés de Paris coûte
un franc à la Ville ; il ne revient pas à moins
pour être extrait de la carrière, amené à Paris,
débité, taillé et mis en place.
De sorte qu'à Paris, tout le monde marche
liUéralement sur des pièces de vingt sous, ce
qui est toujours flatteur, surtout quand on n'a
pas un rond dans sa poche.
On voit que décidément nous sommes bien
le premier peuple de la terre.
***
Mais si au moins, ces chers pavés duraient
toujours :
S'ils étaient placés là une fois, pour tout de
bon, et qu'on n'eût plus à s'en inquiéter;
Mais il s'en faut qu'il soit ainsi : il y a tant
de voitures dans Paris,
Et tant de gens qui ont des clous à leurs
souliers !
En quelques années, ils sont usés, il faut les
renouveler, car il n'y a qu'un seul pavé qui
serve toujours, quoiqu'on en fasse depuis le
commencement du monde un usage perpétuel,
C'est le pavé de l'ours.
Ah ! si Paris avait pour ses rues des pavés
de cette solidité!!...
***
Y a-t-il des tètes après lesquelles on l'a jeté
L'a-t-on lancé sur assez de crânes,
Et pourtant il dure toujours, il reste tou-
jours aussi solide, aussi lourd, aussi résistant.
Et le journal Le Français, vient d'en faire
l'essai cette semaine sur l'occiput du Maréchal.
« Assurément, dit ce journal qui doit avoir
beaucoup d'esprit puisqu'on ne lui en voit
jamais dépenser, — Si M. Thiers revenait à la
présidence,
« Le Maréchal ne serait pas inquiété,
« Mais peut-être bien qu'il pourrait devenir
inquiétant ;
« Et qu'arriveraiHl s'il mettait alors la part
d'autorité qui s'attache à sa personne au ser-
vice d'une ambition qui ne serait peut-être pas
républicaine. »
***
On ne, dit pas avec plus d'insolence à un
chef d'État qu'on le tient pour un homme
capable de tout.
Et qu'on le croit disposé à devenir un fac-
tieux dès qu'il ne se sentira plus le maître.
S'il y avait quelque bon sens dans les con-
seils du gouvernement, Le Français aurait déjà
reçu une citation à comparaître en justice pour
outrage au Maréchal, car jamais la Lanterne et
le Mot d'Ordre ne se permirent pour leurs
mois de prison et leurs milliers de francs
d'amende de secouer de pareils paillassons sur
la tête du Président.
***
^ Entre nous la question est drôle.
Elle se réduit en ceci : si le Maréchal, une
fois sa présidence finie, s'essayait à un pro-
nunciamento, lui enverrait-on une tarte à la
crème ou des gendarmes?
J'opine pour les gendarmes,
Et je trouve le Français impudent de forcer
les gens à lui faire une pareille réponse.
Supposons que quelqu'un dise :
« Si M. Besley fils, directeur du Français,
quite la rédaction de ce journal parce qu'on
lui en a montré la porte,
« Et que, ne sachant quoi faire de ses dix
doigts, il finisse par se laire pincer en glissant
des portées dans quelque tripot clandestin des
Batignolles ou de Montmartre, qu'arrivera-t-il?»
Je pense que M. Besley fils s'écriera :
« Quel est le malotru, le goujat, le mal élevé
qui se permet de telles hypothèses sur mon
compte. »
Eh bien!
Il semble à tout le monde que les supposi-
tions qu'il émet sur le compte du maréchal
sont tout au moins aussi injurieuses.
Et que si j'étais à la place du président, je
l'enverrais dans le canton de Neufchatel, faire
avec son père, ex-directeur de la Banque sous
la Commune, de ces petits fromages qui laissent
à cent lieues les petits Gervais.
***
Il faut décidément que l'on nous prenne
pour do fiers imbéciles, pour nous envoyer
des dépèches comme celle-ci :
— A Vienne comme à Pesth, on croit que
l'entrevue d'Ische n'a eu aucun caractère poli-
tique. Les deux alliés se sont fait simplement
une visite courtoise____
A qui diable espère-t-on faire avaler cette
couleuvre?
Il nty- a que les honnêtes commerçants de la
rue Saint-Denis, ou les employés et petits ren-
tiers du Marais,
Qui s'en vont rendre visite à un ami,
Uniquement pour avoir le plaisir de lui ser-
rer la main.
De causer avec lui,
Et de fumer une pipe en sa compagnie,
En buvant un bock et en faisant une partie
de dominos.
***
Mais pour les empereurs,
Dès qu'ils se dérangent pour aller voir un
de leurs bons consins,
Vous pouvez être sûrs qu'il y a quelque
anguille sous roche.
Ils espionnent soigneusement ce qui se
passe chez leur confrère.
S'inquiètent vivement de sa santé,
Cherchent à savoir s'il est devenu gâteux,
Si ses ministres sont des crétins ou des rou-
blards,
S'il a de l'argent,
Des troupes,
Du crédit,
Et, en le quittant, se disent :
— Ce cher cousin, se porte vraiment bien,
Il me faudra attendre au moins trois ans
pour lui administrer la râclée que je lui réserve
depuis si longtemps.
***
Le gouvernement dont les Français jouissent,
s'occupe beaucoup des employés de chemins
de fer,
Qui, dit-il, sont des agents radicaux,
Et des agents dangereux,
Qui font une propagande acharnée,
Et sèment des paroles révolutionnaires tout
le long de la voie, pendant que le train est
lancé à grande vitesse.
Cela est effrayant,
Il y a là un péril terrible pour la société,
Et il y a un moyen de le conjurer,
C'est de forcer les Compagnies à n'employer
que des hommes ne sachant ni lire, ni écrire,
Muets,
Et méchants !
Comme cela, s'ils font des discours aux popu-
lations,
Et s'ils répandent des brochures subversives,
C'est que le diable lui-même s'en mêlerai...
***
Le 9 août dernier était l'anniversaire du
couronnement de Louis-Philippe, ce prince
qui promettait tant avant d'être sur le trône.
Comme beaucoup de princes, d'ailleurs,
Et qui tint si peu,
Comme tous.
Cela me suggère cette pensée :
Les souverains sont comme les chevaux,
Quand ils sont couronnés, ils perdent trois
quarts de leur valeur.
***
Le nommé Jacques Montant, vient d'être
condamné à dix jours de prison, pour avoir
crié : «A bas la République 1... »
Ainsi pour avoir crié : « A bas la Répu-
blique!... » on a dix jours de prison.
C'est bon à savoir.
Et pour essayer de l'y jeter?
M. de Fourtou, renseignez-nous donc là-des-
sus le plus vite possible?...
***
La semaine dernière, 4,600 pèlerins sont
partis pour Sainte-Anne, en Bretagne, près
d'Auray, et non l'asile d'aliénés.
On pourrait aisément s'y tromper.
***
Bon encore un miracle 1..
Au fait, il y avait longtemps !
Marie-Madeleine Grépet, écrit à SainMRégis,
un saint que je n'avais pas l'honneur do con-
naître,
Pour lui demander qu'il lui rende un bras
droit.
Et non-seulement le saint,
Par retour du courrier,
Lui envoie un bras droit,
Mais aussi des oreilles
Et une langue.
Ainsi maintenant les saints font du zèle,
Tout comme les agents de l'ordre moral,
Cela pourra leur jouer un vilain tour,
Comme il arriva il y a quelques vingt ans
au Père Fourier, qui il est vrai, n'était que
Bienheureux,
7™ ANNEE. — N° 332
PABIS ET DEPARTEMENTS : 15 CENTIMES LE, NUMERO
19 AOUT 1877
REDACTION
77, r. Neuve-des-Petits-Champs
PARIS
ABONNEMENTS
PARIS ET DÉPARTEMENTS
Un an........... 8 fr.
Six mois........ 4
Trois mois....... 2
ADRESSER
Lettres et Mandats à M. Madré,
directeur-gérant,
77, r. Neuve-des-Petits-Champs.
ADMINISTRATION
77, r. Neuve-det-Petit$-Champ*
PARIS
ABONNEMENTS
PAYS DE L'UNION POSTALE
Un an....... lOfr. »
Six mois.... S »
Trois mois... Z KO
ANNONCES
Au bureau du Journal
et chex
M. BEAUDOIN, 9, pl. de la Bonne.
LA SEMAINE
Quand M. Saint-Genest se contentait de
faire le Jérémie à deux cents francs l'article,
il n'était que ridicule ; maintenant que, four-
bissant sa grande latte, il provoque à la
guerre civile en poussant le gouvernement à
des mesures extrêmes,
Il ne cesse pas d'être grotesque,
Mais il devient odieux.
Ce Pierre-l'Ermite de caserne ne cesse de
prêcher la croisade contre la République,
contre la liberté, contre ses confrères, les
journalistes libéraux dont il demande la sup-
pression en encourageant les ministres du
16 Mai à établir l'état de siège.
L'état de siège!
Et pourquoi ? juste ciel !
L'ennemi est-il à nos portes?
Le canon de la guerre civile broie-t-il des
poitrines françaises ?
Que craint M. Saint-Genest?
Que désire-t-il ?
Ce qu'il craint, je vais vous le dire :
Il craint que les prochaines élections ne
fassent table rase des audacieux qui ont eu
l'audace de jouer le 16 Mai la plus dange-
reuse des parties ;
Il craint que la République, affirmée cette
fois par une écrasante majorité, ne brise sa
plume ébréchée et ne la condamne à un éter-
nel silence ;
Il craint que le public, justement la sséde
ses rengaines prudhommesques, de ses pi-
toyables lazzis, de ses cris d'oison plumé tout
vif, ne le renvoie, et définitivement, à sa
théorie. (Quelle perte pour la littérature !)
Ce quïl désire ?
Parbleu ! ce n'est point difficile à deviner.
Il désire le retour du régime du sabre et
des conseils de guerre ;
Par file à droite 1 en avant !... arche I...
Une 1... deusse !... une !... deusse !...
« Ah 1 le bel état
Que celui de soldat ! »
Quoiqu'il en dise, c'est un clérical, et sa
bonne épée est trempée dans l'eau de Lourdes.
Il désire le rétablissement de je ne sais
quelle autocratie militaire, où les bourgeois
affolés iraient prendre le matin le mot d'ordre
de la place qu'il leur donnerait, lui, Saint-
Genest 1 le sauveur de la France 1
Sans cela, pas de salut 1
Le pays est perdu !
Guerre à la République qui fait les esprits
libres et les cœurs indépendants 1
Sus aux têtes rouges !
Vite l'état de siège et des coups de trique !
* *
Allons, allons, monsieur Saint-Genest, vous
devenez fou, si vous êtes de bonne foi.
Et je veux bien vous accorder ce seul et
unique mérite.
Mais, de grâce, par intérêt pour votre ave-
nir littéraire, arrètez-vous dans votre pi-
toyable campagne !
Songez-y bien !
A force de travailler dans la boutique du
barbier Figaro, vous ne prenez pas garde que
votre sabre est devenu un rasoir.
Et si mal repassé encore que vous écor-
chez les clients !
Je ne vous demande pas de passer à l'en-
nemi et de défendre une cause que vous at-
taquez avec le plus indigne parti pris ;
Nous n'avons pas besoin de vous i... grâce
à Dieu !...
Mais, par égard pour vous-même, cessez
de devenir l'objet de la risée générale : de
vos coreligionnaires que vous fatiguez de vos
boniments, de vos ennemis qui lisent vos ho-
mélies en haussant les épaules.
Taisez-vous ! ..
Et, croyez-moi!... ne nous forcez pas à avoir
un jour de la mémoire !
Maintenant, s'il vous faut absolument l'état
de siège pour vous rendre heureux, qu'on nous
le donne !
Nous verrons à qui il profitera !
***
Un joli four, c'est celui de la brochure Or-
dinaire publiée avec tant de fracas par le
Figaro.
A entendre les réactionnaires des feuilles
dévouées, ces quelques pages du député du
Rhône, si cruellement étrillé par la justice,
devaient pulvériser M. Gambetta et le réduire
en miettes imperceptibles.
En effet, M. Ordinaire reproche à ce der-
nier :
1° De ne plus porter de chapeaux crasseux
ni de bottes éculées ;
2* De jouer à la bouillotte ;
3° De payer lorsqu'il perd ;
4° D'avoir un coupé, quand l'impériale de
l'omnibus devrait lni suffire ;
Etc., etc.
Vous voyez que quand un homme en ar-
rive là, ce doit être évidemment le dernier
des misérables.
Là-dessus, M. Ordinaire s'en va t'en guerre,
et sans rien articuler de précis, sans citer un
fait palpable, il verse sur la tête de Gam-
betta un pot de méchantes calomnies à mots
couverts qui ne peuvent scandaliser que les
imbéciles, mais qui laissent les hommes de
bon sens parfaitement froids.
C'est ce qui est arrivé.
On hausse les épaules et voilà tout.
C'a été encore un pétard manqué.
Pauvres conservateurs !
Se donner tant de mal pour arriver à un si
frêle résultat !
Ah! ma parole d'honneur, c'est à s'en
abonner au Paris-Journal, de désespoir!...
»
* *
Çà continue à aller gaîment.
Tous les jours, révocations de maires,
Interdiction de ventes des journaux répu-
blicains,
Vexations de toutes sortes,
Misères de toute espèce,
Procès faits à de pauvres diables de colpor-
teurs qui n'ont que le produit de leurs jour-
naux pour vivre,
Et ceci,
Et cela,
Et une foule d'autres choses encore!...
Allez, monsieur, allez !
Plus vous en ferez, plus nous serons con-
tents.
Car vous donnez chaque jour votre mesure
et les électeurs sauront se souvenir, soyez
tranquilles 1
Ils seront fixés sur votre valeur et voteront
en conséquence.
Ne vous gênez donc pas, de grâce !
Où il y a de la gêne, il n'y a pas de plaisir,
n'est-ce pas?
Et il sera bien juste qu'à un moment donné,
vous vous amusiez... pour notre argent!
Et vous vous amuserez... je vous en ré-
ponds ! Nicolas Flammèche.
FEUILLES AO VERT
Il y a une chose que peu de parisiens
savent :
C'est que chacun des pavés de Paris coûte
un franc à la Ville ; il ne revient pas à moins
pour être extrait de la carrière, amené à Paris,
débité, taillé et mis en place.
De sorte qu'à Paris, tout le monde marche
liUéralement sur des pièces de vingt sous, ce
qui est toujours flatteur, surtout quand on n'a
pas un rond dans sa poche.
On voit que décidément nous sommes bien
le premier peuple de la terre.
***
Mais si au moins, ces chers pavés duraient
toujours :
S'ils étaient placés là une fois, pour tout de
bon, et qu'on n'eût plus à s'en inquiéter;
Mais il s'en faut qu'il soit ainsi : il y a tant
de voitures dans Paris,
Et tant de gens qui ont des clous à leurs
souliers !
En quelques années, ils sont usés, il faut les
renouveler, car il n'y a qu'un seul pavé qui
serve toujours, quoiqu'on en fasse depuis le
commencement du monde un usage perpétuel,
C'est le pavé de l'ours.
Ah ! si Paris avait pour ses rues des pavés
de cette solidité!!...
***
Y a-t-il des tètes après lesquelles on l'a jeté
L'a-t-on lancé sur assez de crânes,
Et pourtant il dure toujours, il reste tou-
jours aussi solide, aussi lourd, aussi résistant.
Et le journal Le Français, vient d'en faire
l'essai cette semaine sur l'occiput du Maréchal.
« Assurément, dit ce journal qui doit avoir
beaucoup d'esprit puisqu'on ne lui en voit
jamais dépenser, — Si M. Thiers revenait à la
présidence,
« Le Maréchal ne serait pas inquiété,
« Mais peut-être bien qu'il pourrait devenir
inquiétant ;
« Et qu'arriveraiHl s'il mettait alors la part
d'autorité qui s'attache à sa personne au ser-
vice d'une ambition qui ne serait peut-être pas
républicaine. »
***
On ne, dit pas avec plus d'insolence à un
chef d'État qu'on le tient pour un homme
capable de tout.
Et qu'on le croit disposé à devenir un fac-
tieux dès qu'il ne se sentira plus le maître.
S'il y avait quelque bon sens dans les con-
seils du gouvernement, Le Français aurait déjà
reçu une citation à comparaître en justice pour
outrage au Maréchal, car jamais la Lanterne et
le Mot d'Ordre ne se permirent pour leurs
mois de prison et leurs milliers de francs
d'amende de secouer de pareils paillassons sur
la tête du Président.
***
^ Entre nous la question est drôle.
Elle se réduit en ceci : si le Maréchal, une
fois sa présidence finie, s'essayait à un pro-
nunciamento, lui enverrait-on une tarte à la
crème ou des gendarmes?
J'opine pour les gendarmes,
Et je trouve le Français impudent de forcer
les gens à lui faire une pareille réponse.
Supposons que quelqu'un dise :
« Si M. Besley fils, directeur du Français,
quite la rédaction de ce journal parce qu'on
lui en a montré la porte,
« Et que, ne sachant quoi faire de ses dix
doigts, il finisse par se laire pincer en glissant
des portées dans quelque tripot clandestin des
Batignolles ou de Montmartre, qu'arrivera-t-il?»
Je pense que M. Besley fils s'écriera :
« Quel est le malotru, le goujat, le mal élevé
qui se permet de telles hypothèses sur mon
compte. »
Eh bien!
Il semble à tout le monde que les supposi-
tions qu'il émet sur le compte du maréchal
sont tout au moins aussi injurieuses.
Et que si j'étais à la place du président, je
l'enverrais dans le canton de Neufchatel, faire
avec son père, ex-directeur de la Banque sous
la Commune, de ces petits fromages qui laissent
à cent lieues les petits Gervais.
***
Il faut décidément que l'on nous prenne
pour do fiers imbéciles, pour nous envoyer
des dépèches comme celle-ci :
— A Vienne comme à Pesth, on croit que
l'entrevue d'Ische n'a eu aucun caractère poli-
tique. Les deux alliés se sont fait simplement
une visite courtoise____
A qui diable espère-t-on faire avaler cette
couleuvre?
Il nty- a que les honnêtes commerçants de la
rue Saint-Denis, ou les employés et petits ren-
tiers du Marais,
Qui s'en vont rendre visite à un ami,
Uniquement pour avoir le plaisir de lui ser-
rer la main.
De causer avec lui,
Et de fumer une pipe en sa compagnie,
En buvant un bock et en faisant une partie
de dominos.
***
Mais pour les empereurs,
Dès qu'ils se dérangent pour aller voir un
de leurs bons consins,
Vous pouvez être sûrs qu'il y a quelque
anguille sous roche.
Ils espionnent soigneusement ce qui se
passe chez leur confrère.
S'inquiètent vivement de sa santé,
Cherchent à savoir s'il est devenu gâteux,
Si ses ministres sont des crétins ou des rou-
blards,
S'il a de l'argent,
Des troupes,
Du crédit,
Et, en le quittant, se disent :
— Ce cher cousin, se porte vraiment bien,
Il me faudra attendre au moins trois ans
pour lui administrer la râclée que je lui réserve
depuis si longtemps.
***
Le gouvernement dont les Français jouissent,
s'occupe beaucoup des employés de chemins
de fer,
Qui, dit-il, sont des agents radicaux,
Et des agents dangereux,
Qui font une propagande acharnée,
Et sèment des paroles révolutionnaires tout
le long de la voie, pendant que le train est
lancé à grande vitesse.
Cela est effrayant,
Il y a là un péril terrible pour la société,
Et il y a un moyen de le conjurer,
C'est de forcer les Compagnies à n'employer
que des hommes ne sachant ni lire, ni écrire,
Muets,
Et méchants !
Comme cela, s'ils font des discours aux popu-
lations,
Et s'ils répandent des brochures subversives,
C'est que le diable lui-même s'en mêlerai...
***
Le 9 août dernier était l'anniversaire du
couronnement de Louis-Philippe, ce prince
qui promettait tant avant d'être sur le trône.
Comme beaucoup de princes, d'ailleurs,
Et qui tint si peu,
Comme tous.
Cela me suggère cette pensée :
Les souverains sont comme les chevaux,
Quand ils sont couronnés, ils perdent trois
quarts de leur valeur.
***
Le nommé Jacques Montant, vient d'être
condamné à dix jours de prison, pour avoir
crié : «A bas la République 1... »
Ainsi pour avoir crié : « A bas la Répu-
blique!... » on a dix jours de prison.
C'est bon à savoir.
Et pour essayer de l'y jeter?
M. de Fourtou, renseignez-nous donc là-des-
sus le plus vite possible?...
***
La semaine dernière, 4,600 pèlerins sont
partis pour Sainte-Anne, en Bretagne, près
d'Auray, et non l'asile d'aliénés.
On pourrait aisément s'y tromper.
***
Bon encore un miracle 1..
Au fait, il y avait longtemps !
Marie-Madeleine Grépet, écrit à SainMRégis,
un saint que je n'avais pas l'honneur do con-
naître,
Pour lui demander qu'il lui rende un bras
droit.
Et non-seulement le saint,
Par retour du courrier,
Lui envoie un bras droit,
Mais aussi des oreilles
Et une langue.
Ainsi maintenant les saints font du zèle,
Tout comme les agents de l'ordre moral,
Cela pourra leur jouer un vilain tour,
Comme il arriva il y a quelques vingt ans
au Père Fourier, qui il est vrai, n'était que
Bienheureux,