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Le Grelot: journal illustré, politique et satirique — 7.1877

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https://doi.org/10.11588/diglit.6810#0147
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LE GRELOT
_....._ —

La nuit du 3 au 4 septembre.

Pendant la nuit du 3 au 4 septembre, une multi-
tude d'employés de la tille, munis d'immenses échel-
les, de cordagps, de mâts, et de quantités fabuleuses
d'écussons et d'étendards, pavoisèrent toutes les mai-
sons de la capitale de drapeaux tricolores, portant en
lettres noires, se détachant sur le blanc, les mots
de ;

VIVE LA REPUBLIQUE!

A chaque angle des rues se dressèrent des tro-
phées autour d'écussons aux armes déjà République.

Partout des faisceaux de licteurs surmontés- de
bonnets phrygiens; partout des triangles égalitaires,
des mains fraternellement unies, portant les initiales
R. F., resplendissant en lettres d'or au soleil levant :

Sur toutes les places, des statues de la Liberté, et
sur leurs socles, toutes les dates glorieuses qui mar-
quèrent les étapes de la France vers la lumière et
l'indépendance :

1789
14 Juillet
Nuit du 10 Août
22 septembre 1792
1830
1848
4 Septembre 1870

Enfin, des fleurs, des trophées autour des statues
des hommes illustres qui combattirent pour la liberté.

Des couronnes de roses à Spartacus, à Voltaire.

Des fleurs sur le tombeau de Jean-Jacques.

Et des voiles de deuil sur tout ce qui peut rappe-
ler le souvenir des hommes sinistres qui opprimè-
rent le peuple, sur les statues de Louis XIII, Louis
XIV, Napoléon Ior, dans son hideux costume romain.
La colonne, portait ainsi un immense crêpe, au-
dessus de son lût glorieux et pavoisé.

La Matinée

Dès sept heures du matin, des agents, en grand
uniforme, l'air joyeux, le cœur débordant d'allé-
grésse, apparurent par escouades dans les rues, et
réveillèrent les habitants par des cris vigoureux et
convaincus de

YIYE LA REPUBLIQUE!!!

Les Parisiens se mirent aux fenêtres et firent cho-
rus avec une vigueur et un entrain incomparables.

Ils descendirent dans la rue; et aussitôt les agents
se précipitèrent sur eux... pour leur serrer les mains,
sans menottes, avec effusion.

L'entousiasme fut indescriptible. Les Corses, sur-
tout, embrassèrent chaleureusement les citoyens et
les citoyennes, en criant :

— Quel bonheur !... braves républicains, voilà 7
ans que vous avez flanqué par terre Badinguet. Oh !
vous êtes de bien braves gens!

Vers huit heures, des employés de l'Imprimerie
nationale vinrent distribuer dans tous les kiosques et
chez tous les libraires des exemplaires des Droits de
rilomme, ressuscité exprès pour la circonstance, im-
primé et répandu gratuitement, aux frais du Gouver-
nement.

' On offrit 25 francs par jour, au ministère de l'in-
térieur, à tous les hommes de bonne volonté qui
voulaient bien se charger de colporter en province
des journaux républicains.

DIX HEURES

A dix heures, on placarda partout des affiches
blanches, sur lesquelles les Parisiens lurent avec une
joie égale à leur étonnement, ces mots :

liberté. égalité. fraternité

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Citoyens, \

Le Gouvernement est heureux d'affirmer aujour-
d'hui son attachement, et même son amour passionné,
pour la République et les institutions républicaines.

Cet amour l'a poussé à sacrifier toute sa popula-
rité.

S'il a dissout la Chambre, c'est parce qu'il ne la
trouvait pas assez républicaine.

Craignant de voir l'Opportunisme compromettre
gravement la réalisation de réformes urgentes, il lui
a porté le coup mortel.

Il a persécuté les républicains, pour leur donner
le prestige du martyre.

Livrant le pouvoir absolu aux réactionnaires, il a

(tennis aux populations urbaines et rurales de juger
eur conduite abusive, illégale, égoïste, et leur a fait
voir ce que valaient, dans la bouche de ces ennemis
de nos libertés, les grands mots d'ordre, de sécurité
sociale, de propriété, de famille et de religion qu'ils
ont sans cesse sur les lèvres.

Maintenant que le peuple est éclairé, il peut aller
aux urnes : Elles seront ouvertes le dimanche 23 sep-
tembre.

On nous pardonnera, espérons-nous, la légère il-
légalité que nous commettons en convoquant les
électeurs un jour trop tard : nous voulions que toutes
les bonnes nouvelles leur parvinssent en môme
temps, à cet anniversaire béni.

Maintenant notre tâche est achevée.

Le peuple est libre de conquérir sa liberté, et il la
conquerra.

Fiers de cette œuvre, heureux du bonheur de tous,
nous nous retirons, boucs émissaires de toutes les
fautes, de toutes les petites fourberies qu'il a fallu
commettre pour acquérir ce grand résultat, et nous
rentrons dans l'obscurité, prêts à supporter sans mot
dire toutes les calomnies, toutes les injures dont on
voudra nous accabler, en nous disant clans notre for
intérieur, avec orgueil et joie :

Grâce à nous, enfin, chacun peut librement crier
ce que nous crions de tout cœur aujourd'hui :

VIVE LÀ REPUBLIQUE!!...

le gouvernement.

A.la lecture de cette proclamation, l'enthousiasme
des Parisiens s'éleva à une hauteur que n'atteignit ja-
mais aucun ballon, même le Zénith.

Une foule immense se porta à l'Elysée et à la
place Bauveau, et y acclama le Gouvernement avec
une frénésie incroyable.

On força les portes des ministères, on emporta en
triomphe M. de Fourtou ; on cria : vive de Bro-glie,
em deux syllabes, et M. Brunet reçut 200 kilogr. de
couronnes de fleurs... de rhétorique.

DOMINE SALffllI FAC REPDBLIffl

— Tout va bien!... Tout va bien !... cria toute la
foule. Il n'y a plus maintenant que les jésuites qui
puissent nous taquiner. Mais, pour ceux-là, voilà
assez longtemps qu'ils nous roulent, il faut que cela
finisse. Une bonne fois pour toutes, mettons-les à la
raison.

— Mais nous n'avons pas d'armes, dirent quel'
ques-uns.

— A quoi bon des armes?... Ces gens-là ne se
chassent pas à coups de fusil ni à coups de trique.
On les prend simplement par les oreilles et on leur
fait faire quelques pas sur la route de Rome, leur
patrie, où ils filent ensuite escobarder selon leur boi>
plaisir.

Vers deux heures de l'après-midi, un rassemble'
ment assez fort se dirigea vers le quartier Saint-Sul'
pice ; mais, en débouchant sur la place, il rencontra
une procession brillante, chantant un Domine salvuif
fac Rempublicam, avec des voix d'une harmonie à faire
pâlir de rage les séraphins et autres choristes célestes*

— Ah! Ah!., dit la foule en écoutant ces pieu*
cantiques, comme ils y mettent de l'entrain mainte-
nant !..

— Laissez-les en repos, dit un homme du Gouver
nement. Qu'ils agissent ainsi qu'il leur plaira : dafl*
un mois ils seront séparés de l'Etat!..

LA MARSEILLAISE

Au même moment, déboucha à l'autre extrémi^
de la place la musiqne de la Garde Républicain^
qui entonna magistralement la Marseillaise, que ceO1
mille voix accompagnèrent en un chœur formidable

Là procession ne trouva rien de mieux à faire qaef
de se taire, et rentra précipitamment dans l'église f

LES FÊTES

Toute la journée se passa en fêtes de toute sorte-
Cent orateurs firent des discours devant les diverse5
statues de la Liberté : des détachements de troupe*
allèrent présenter les armes à la colonne de Juillet
aux statues de Voltaire, de Jeanne-d'Arc, de Spar-
tacus, aux tombeaux des grands hommes du Pan
théon,

Gambetta fut promené triomphalement sur les boU'
levards, et Popaul dit Canada, conduit avec nof
moins d'apparat à Pélagie, pour y tirer ses deux mo*
de clou.

Le soir, toutes les maisons et les places publique'
furent illuminées, des bustes de la République circU'
lèrent sur des'chars pavoisés, les cris de :

Vive la République !..

Retentirent partout, accompagnés de pétards, $
fusées, de pièces d'artifice, et de morceaux patriote
ques, exécutés par cent fanfares.

Enfin,à minuit, un feu d'artifice gigantesque fut tir1
sur l'arc de triomphe, et, après le bouquet, mil'1'
apparitions annoncèrent à la fois que le Maréchal'
voulant inaugurer le règne de la véritable Répf
blique par un acte de clémence, donnait :

A tous les condamnés politiques
Amnistie pleine et entière.

De formidables cris de joie, de remerciement
d'acclamations frénétiques, s'élevèrent alors, et.

Et les malheureux Parisiens que la trompe^
Morphée berçait de ces beaux rêves, s'éveillèrefl1
alors, en entendant du tumulte dans la rue. CoV
rant à leur fenêtre, ils virent que ce bruit était pr<>'
duit par un citoyen, qui protestait contre des agefl^
qui l'emmenaient au poste, comme auteur de tapa^r
nocturne, parce qu'il avait crié : Vive la Républiq^'
après dix heures du soir.

Henry VaudémonV.

Pans___Imprimerie L. EUGONIS, 5#, rue N.-D.-de-Lorette.

Le Directeur-Gérant : j. Mad?uî.

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