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L'ART DU VITRIER.
CHAPITRE III.
Des Lanternes publiques, tant de verre en plomb qu'à réverbère,
pour éclairer pendant la nuit les rues des grandes Villes ; SC des
petites Lanternes en ufage dans les rèjouijsances publiques.
Origine de
l'usage d'é-
clairer les
rues des gratis
des Villes
pendant la
nuit.
S i l'on en croit plusieurs Auteurs tant an-
ciens que modernes, à la tête desquels un
Savant Prélat Italien («), place Saint Clé-
ment d'Alexandrie (b) , l'usage d'éclairer les
rues des grandes Villes pendant la nuit pana
des Egyptiens aux autres Nations. Nous
voyons Tertullien (c), se plaindre de ce que
les portes des maisons des Chrétiens étoient
alors plus éclairées que celles des Païens
même. Rien de plus probant sur cet usage
que ce que nous en apprend M. de Valois,
dans ses notessur divers Auteurs de l'Antiqui-
té. Il y cite avec éloge les dépenses que sai-
soit Constantin pour éclairer les rues de
Constantinople les veilles de Noël & de
Pâque, avec plus de profusion qu'on n'avoit
coutume de le saire les autres jours, & qui
effaçoit celle des illuminations des Egyptiens
à la sête de Minerve (d). M. de Valois nous
apprend encore (e), que ces illuminations
étoient journalières dans plusieurs grandes
Villes, & l'une de leurs principales décora-
tions i que le soin d'allumer ces lampes &
de les entretenir d'huile, étoit confié par les
Magistrats à de pauvres Gagnes-deniers ; que
la solie impétueuse de ceux qui, dans un
excès de débauche, auroient coupé , à coups
de sabres ou d'épées , les cordes auxquelles
on les suspendoit, étoit regardée comme un
attentat punissable ; que l'interruption de
partie de ces lumières publiques étoit d'usa-
ge dans les jours de tristelTe & de deuil.
Nous voyons dans Saint Basile (f), qu'il en
regarde la celsation comme une des calami-
tés la plus dure que sa Ville Episcopale eût
supportée de la part de l'Empereur. Il la sait
aller de pair avec l'interdiûion des lieux de
public exercice. Nous entendons auffi Pro-
(a) Ciampini, Vetsr. monim.çart. frimi cap. zi°.fag.
190.
(b) Stromat. lib. i°.
\c) De Idololatriâ, ». 10. Voyez encore Cazalius,
àe veteribus JEgyptiontm momimentis. Fortim. Liceti, de
Lucernis antiquis.
( d) Henri de Valois, notes sur la vie de Conftan-
tin , par Eusebe de Céfarée.
(e) Notes fur Ammien Marcellin , & sur plufieurs
Harangues de Libanius. Amm. Marcell. dit au liv. 14.
circà initium : ( Gallus ) Vefperi per tabernas palabatur
&; compita. ... Et hœc confidenter agebat in urbe ( An-
tiochiâ ) ubi pernotlantium iumimtm claritudo dierum si-
let imitari fulgorem.
(/) Voyez la 74'. ( aliis 375e.) Lettre de Saint Basile
le Grand, à Martinien.
cope (a) blâmer Justinien de s'être emparé
de tous les revenus des Villes, qui par-là se
voyoient hors d'état d'entretenir les lumiè-
res publiques ; il dit que ce Prince les a pri-
vées de leur plus douce consolation. Enfin
Saint Jérôme (b) rapporte qu'un jour, dans
la chaleur d'une violente dispute, quelques
Lucisériens ayant brisé les lampes publiques,
s'étoient retirés si échauffés, qu'à la faveur
des ténèbres ils se crachoient au visage.
Qui ne croiroit à la seule inspeclion de
ce que nous venons de rapporter en saveur
de l'ancienneté de l'usage des lumières pu-
bliques pendant la nuit, que nous ne soyons
en état de le saire remonter très-haut dans
notre France , au moins dans la Capitale £
Car comme remarque sort bien le Commis-
saire la Marre (c), si toutes les Nations dis-
ciplinées ont pris des précautions extraordi-
naires contre les périls noâurnes, dans quel-
le Ville plus que dans Paris , où pendant que
tout est calme pour les gens de bien , une
soule de scélérats savorisés par les ténèbres
qui les cachent, s'efforcent d'exécuter leurs
pernicieux dess'eins : dans quelle Ville , dis-
je , sut-il plus néceffaire d'étendre ces foins
qui doivent veiller à la sureté de ses Habi-
tants ! Cependant l'établissement qui y sut rjate des
sait des lanternes publiques , qu'auroit pu in- lantemespu-
diquer l'usage , très-connu des anciens , des ^ues a Pa~
lanternes portatives (d) , ne date que du
mois de Septembre 1667.
C'eft aux foins infatigables de M. de la
Reynie, décoré le premier par Louis XIV
de la charge de Lieutenant Général de Police ,
que les Pariliens doivent , outre l'établisfe-
ment du Guet, le nétoyement des rues , 8c
plufieurs autres beaux Règlements qui s'ob-
servent encore de nos jours , celui des Lan-
ternes publiques : établilfement auquel les
fuccefleurs de ce grand Magiftrat se font
efforcés de donner la perfection.
Ces premières Lanternes étoient à huit Lanterne*
_ à seau.
(a) Anecdote de la vie de Juftinien.
(b) Dialogue contre les Lucifériens.
(c) Traite' de la Police.
(d) Voyez fur cet ufage chez les Anciens, Pline,
Liv. VIII, Chapitre XV. La corne du bœuf fauvage ,
nommé Unis, qui fe coupoit par lames très-minces Se
tranfparentes, fervoit à cet effet. Plaute parle de ces
lanternes de cornes dans le prologue de fon Amphitryon,
ainfi que Martial, Liv. XIV, Epigr. 6i.
pans
L'ART DU VITRIER.
CHAPITRE III.
Des Lanternes publiques, tant de verre en plomb qu'à réverbère,
pour éclairer pendant la nuit les rues des grandes Villes ; SC des
petites Lanternes en ufage dans les rèjouijsances publiques.
Origine de
l'usage d'é-
clairer les
rues des gratis
des Villes
pendant la
nuit.
S i l'on en croit plusieurs Auteurs tant an-
ciens que modernes, à la tête desquels un
Savant Prélat Italien («), place Saint Clé-
ment d'Alexandrie (b) , l'usage d'éclairer les
rues des grandes Villes pendant la nuit pana
des Egyptiens aux autres Nations. Nous
voyons Tertullien (c), se plaindre de ce que
les portes des maisons des Chrétiens étoient
alors plus éclairées que celles des Païens
même. Rien de plus probant sur cet usage
que ce que nous en apprend M. de Valois,
dans ses notessur divers Auteurs de l'Antiqui-
té. Il y cite avec éloge les dépenses que sai-
soit Constantin pour éclairer les rues de
Constantinople les veilles de Noël & de
Pâque, avec plus de profusion qu'on n'avoit
coutume de le saire les autres jours, & qui
effaçoit celle des illuminations des Egyptiens
à la sête de Minerve (d). M. de Valois nous
apprend encore (e), que ces illuminations
étoient journalières dans plusieurs grandes
Villes, & l'une de leurs principales décora-
tions i que le soin d'allumer ces lampes &
de les entretenir d'huile, étoit confié par les
Magistrats à de pauvres Gagnes-deniers ; que
la solie impétueuse de ceux qui, dans un
excès de débauche, auroient coupé , à coups
de sabres ou d'épées , les cordes auxquelles
on les suspendoit, étoit regardée comme un
attentat punissable ; que l'interruption de
partie de ces lumières publiques étoit d'usa-
ge dans les jours de tristelTe & de deuil.
Nous voyons dans Saint Basile (f), qu'il en
regarde la celsation comme une des calami-
tés la plus dure que sa Ville Episcopale eût
supportée de la part de l'Empereur. Il la sait
aller de pair avec l'interdiûion des lieux de
public exercice. Nous entendons auffi Pro-
(a) Ciampini, Vetsr. monim.çart. frimi cap. zi°.fag.
190.
(b) Stromat. lib. i°.
\c) De Idololatriâ, ». 10. Voyez encore Cazalius,
àe veteribus JEgyptiontm momimentis. Fortim. Liceti, de
Lucernis antiquis.
( d) Henri de Valois, notes sur la vie de Conftan-
tin , par Eusebe de Céfarée.
(e) Notes fur Ammien Marcellin , & sur plufieurs
Harangues de Libanius. Amm. Marcell. dit au liv. 14.
circà initium : ( Gallus ) Vefperi per tabernas palabatur
&; compita. ... Et hœc confidenter agebat in urbe ( An-
tiochiâ ) ubi pernotlantium iumimtm claritudo dierum si-
let imitari fulgorem.
(/) Voyez la 74'. ( aliis 375e.) Lettre de Saint Basile
le Grand, à Martinien.
cope (a) blâmer Justinien de s'être emparé
de tous les revenus des Villes, qui par-là se
voyoient hors d'état d'entretenir les lumiè-
res publiques ; il dit que ce Prince les a pri-
vées de leur plus douce consolation. Enfin
Saint Jérôme (b) rapporte qu'un jour, dans
la chaleur d'une violente dispute, quelques
Lucisériens ayant brisé les lampes publiques,
s'étoient retirés si échauffés, qu'à la faveur
des ténèbres ils se crachoient au visage.
Qui ne croiroit à la seule inspeclion de
ce que nous venons de rapporter en saveur
de l'ancienneté de l'usage des lumières pu-
bliques pendant la nuit, que nous ne soyons
en état de le saire remonter très-haut dans
notre France , au moins dans la Capitale £
Car comme remarque sort bien le Commis-
saire la Marre (c), si toutes les Nations dis-
ciplinées ont pris des précautions extraordi-
naires contre les périls noâurnes, dans quel-
le Ville plus que dans Paris , où pendant que
tout est calme pour les gens de bien , une
soule de scélérats savorisés par les ténèbres
qui les cachent, s'efforcent d'exécuter leurs
pernicieux dess'eins : dans quelle Ville , dis-
je , sut-il plus néceffaire d'étendre ces foins
qui doivent veiller à la sureté de ses Habi-
tants ! Cependant l'établissement qui y sut rjate des
sait des lanternes publiques , qu'auroit pu in- lantemespu-
diquer l'usage , très-connu des anciens , des ^ues a Pa~
lanternes portatives (d) , ne date que du
mois de Septembre 1667.
C'eft aux foins infatigables de M. de la
Reynie, décoré le premier par Louis XIV
de la charge de Lieutenant Général de Police ,
que les Pariliens doivent , outre l'établisfe-
ment du Guet, le nétoyement des rues , 8c
plufieurs autres beaux Règlements qui s'ob-
servent encore de nos jours , celui des Lan-
ternes publiques : établilfement auquel les
fuccefleurs de ce grand Magiftrat se font
efforcés de donner la perfection.
Ces premières Lanternes étoient à huit Lanterne*
_ à seau.
(a) Anecdote de la vie de Juftinien.
(b) Dialogue contre les Lucifériens.
(c) Traite' de la Police.
(d) Voyez fur cet ufage chez les Anciens, Pline,
Liv. VIII, Chapitre XV. La corne du bœuf fauvage ,
nommé Unis, qui fe coupoit par lames très-minces Se
tranfparentes, fervoit à cet effet. Plaute parle de ces
lanternes de cornes dans le prologue de fon Amphitryon,
ainfi que Martial, Liv. XIV, Epigr. 6i.
pans