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FRAGMENTS D ARCHITECTURE ET DE SCULPTURE
saurait y avoir de doute. L'ancien temple avait été brûlé par Darius en /i()4, après
la prise et la destruction de Milet, mais nous savons aussi par Hérodote que le grand
roi lavait préalablement pillé1. Bien mieux, dans les belles fouilles qu d dirige avec
tant de succès, M. de Morgan a retrouvé à Suse lune des offrandes du Didymeion
que s était appropriées Darius. G est un énorme osselet de bronze, sur le plat duquel
est gravée nue inscription encore inédite : la forme des lettres et l'orthographe ont
sulïi à prouver que I Vpollon nommé dans la dédicace est le dieu de Didymes2. Les
offrandes laissées par Darius étaient donc en dehors du temple et sans aucun doute
elles décoraient surtout la Voie Sacrée.
Le texte de Strabon nous fournit encore, semblc-t-il, un renseignement inté-
ressant sur l'étal d âme des Milésiens au lendemain du terrible châtiment que leur
avait infligé Darius, quand les survivants du désastre commencèrent à repeupler et
reconstruire la ville. L'idée ne leur vint pas de rebâtir le temple incendié, ni même
de dégager la source prophétique cachée sous les ruines. Didymes ne compta plus
pour eux et nous admettrions volontiers que la région voisine fut même abandonnée.
Cependant, immobiles sur la Voie Sacrée, les vieilles figures de marbre continuaient
de sourire et les bons de grimacer, au même endroit où les avaient plantés les pieux
donateurs, témoins d un âge plus heureux. Le silence les enveloppa pendant près de
deux siècles. \ lui l'époque d'Alexandre et Milet forma le projet de rebâtir son grand
sanctuaire. La Voie Sacrée avait gardé intacte sa parure de l'ancien temps : Milet n'y
loucha pas. elle se contenta sans doute de refaire la toilette de ces vieux marbres,
de consolider la route où devaient passer tant de lourdes charges et de l'entretenir
régulièrement. Le vieux cadre subsistait tout entier.
Il en fut ainsi pendantde longs siècles, jusqu'au jour où les Byzantins convertirent
en château fort le temple, depuis longtemps abandonné. Pour fortifier la plate-forme
du temple même, ils se servirent des marbres que leur fournissait celui-ci, assises
des murs, tambours de colonne, blocs de l'architrave et de la frise. Pour les lignes
qu'ils construisirent en avant des ruines, notamment sur le long côté Nord et dans
la dépression que longeait la Voie Sacrée, ils employèrent, entre autres matériaux,
des monuments encore en place sur la Voie même'. On se rappelle que les travaux
de notre première campagne furent dirigés sur ce coté du temple, très près par
conséquent de la Voie Sacrée; or, c'est dans la grande tranchée de 18<j5 que nous
avons successivement découvert :
i. Hérodote, \ I, 19.
a. L'osselet a été présenté à l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres dans la séance du
9 mars 1902. L'inscription sera publiée par l'un de nous dans le tome VI des Mémoires de In Délégation
en Perse.
3. Voy. plus haut, p. 48.
FRAGMENTS D ARCHITECTURE ET DE SCULPTURE
saurait y avoir de doute. L'ancien temple avait été brûlé par Darius en /i()4, après
la prise et la destruction de Milet, mais nous savons aussi par Hérodote que le grand
roi lavait préalablement pillé1. Bien mieux, dans les belles fouilles qu d dirige avec
tant de succès, M. de Morgan a retrouvé à Suse lune des offrandes du Didymeion
que s était appropriées Darius. G est un énorme osselet de bronze, sur le plat duquel
est gravée nue inscription encore inédite : la forme des lettres et l'orthographe ont
sulïi à prouver que I Vpollon nommé dans la dédicace est le dieu de Didymes2. Les
offrandes laissées par Darius étaient donc en dehors du temple et sans aucun doute
elles décoraient surtout la Voie Sacrée.
Le texte de Strabon nous fournit encore, semblc-t-il, un renseignement inté-
ressant sur l'étal d âme des Milésiens au lendemain du terrible châtiment que leur
avait infligé Darius, quand les survivants du désastre commencèrent à repeupler et
reconstruire la ville. L'idée ne leur vint pas de rebâtir le temple incendié, ni même
de dégager la source prophétique cachée sous les ruines. Didymes ne compta plus
pour eux et nous admettrions volontiers que la région voisine fut même abandonnée.
Cependant, immobiles sur la Voie Sacrée, les vieilles figures de marbre continuaient
de sourire et les bons de grimacer, au même endroit où les avaient plantés les pieux
donateurs, témoins d un âge plus heureux. Le silence les enveloppa pendant près de
deux siècles. \ lui l'époque d'Alexandre et Milet forma le projet de rebâtir son grand
sanctuaire. La Voie Sacrée avait gardé intacte sa parure de l'ancien temps : Milet n'y
loucha pas. elle se contenta sans doute de refaire la toilette de ces vieux marbres,
de consolider la route où devaient passer tant de lourdes charges et de l'entretenir
régulièrement. Le vieux cadre subsistait tout entier.
Il en fut ainsi pendantde longs siècles, jusqu'au jour où les Byzantins convertirent
en château fort le temple, depuis longtemps abandonné. Pour fortifier la plate-forme
du temple même, ils se servirent des marbres que leur fournissait celui-ci, assises
des murs, tambours de colonne, blocs de l'architrave et de la frise. Pour les lignes
qu'ils construisirent en avant des ruines, notamment sur le long côté Nord et dans
la dépression que longeait la Voie Sacrée, ils employèrent, entre autres matériaux,
des monuments encore en place sur la Voie même'. On se rappelle que les travaux
de notre première campagne furent dirigés sur ce coté du temple, très près par
conséquent de la Voie Sacrée; or, c'est dans la grande tranchée de 18<j5 que nous
avons successivement découvert :
i. Hérodote, \ I, 19.
a. L'osselet a été présenté à l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres dans la séance du
9 mars 1902. L'inscription sera publiée par l'un de nous dans le tome VI des Mémoires de In Délégation
en Perse.
3. Voy. plus haut, p. 48.