208 G. JÉQUIER. [4]
Donner au mort dans son tombeau une couche qui n'est autre que la déesse elle-
même , c'est le placer dans le sein de la divinité où s'opérera le processus de la renais-
sance. De plus, par suite de l'identification très ancienne de Nouït, la déesse-ciel M,
avec Hathor, le mort qui est recueilli par cette dernière est, par ce fait même,
admis directement dans le ciel des dieux.
La signification du lit hathorien est donc claire : pour accueillir le mort dès son
arrivée dans l'autre monde, la déesse est transformée en un lit sur lequel il pourra
reposer en attendant le moment où sa transformation spirituelle en âme vivante sera
chose accomplie.
Gomme nous l'avons vu, le lion est l'animal adopté d'une façon presque constante
pour servir de support aux lits grands ou petits, soit qu'il se présente dans son entier,
soit par ses quatre membres seulement, Ce choix provient-il uniquement de considé-
rations artistiques ou plutôt d'un sens symbolique attaché à la figuration même du
lion? C'est évidemment cette dernière hypothèse qui est la plus plausible : reposer sur
le dos du plus redoutable des fauves est la meilleure assurance contre tous les dangers
provenant d'animaux nuisibles.
En plus de cela, le lion joue un rôle important comme agent de résurrection dans
la doctrine funéraire héliopolitaine qui, au Nouvel Empire surtout, rivalise avec le
dogme osirien : il se trouve placé à l'entrée et à la sortie du monde infernal et forme
ainsi le double lion Aker ^v.^'2^ par lequel tout être, homme ou dieu, doit passer
pour pénétrer dans l'abîme liquide du Nou et en sortir régénéré et plein de vie.
Je crois reconnaître le même principe dans les grands lits d'accouchement sur les-
quels sont mis au monde les pharaons de la XVIIIe dynastie et dont les côtés parais-
sent formés non pas d'un seul corps de lion, mais de deux avant-trains de lion soudés
ensemble (3), qui rappellent de façon très suggestive le double lion Aker. De même
que le soleil sort au matin de l'autre monde par une des bouches d'Aker, de même
son descendant, l'enfant-roi, vient au monde sur un meuble qui symbolise l'entrée et
la sortie du Douât et par là même du Nou, source de toute vie.
L'un de ces lits serait donc l'agent permettant au défunt de pénétrer dans le monde
inférieur, l'autre d'en sortir ressuscité. Reste le troisième, pour lequel nous n'avons
pas de point de comparaison direct; ici le corps même de l'animal ne présente pas de
(1) Ad. Rusch, Die Entwickeîung der Himmelsgôtlin Nut zu einer Totengoltheit, p. i3 (Mitlheilungen der
Vorderasial.-âg. Ges., 1922).
(2) Cette représentation se trouve souvent dans les tableaux des hypogées royaux de Thèbes. La plus typi-
que est celle qui est reproduite dans Cuampollion, Notices descriptives, If, p. 584-586, et qui se retrouve
également au papyrus n° 3276 du Louvre (inédit).
(3) Jéquier, Bull, de rinsl. franc, du Caire, XIX , p. ho.
Donner au mort dans son tombeau une couche qui n'est autre que la déesse elle-
même , c'est le placer dans le sein de la divinité où s'opérera le processus de la renais-
sance. De plus, par suite de l'identification très ancienne de Nouït, la déesse-ciel M,
avec Hathor, le mort qui est recueilli par cette dernière est, par ce fait même,
admis directement dans le ciel des dieux.
La signification du lit hathorien est donc claire : pour accueillir le mort dès son
arrivée dans l'autre monde, la déesse est transformée en un lit sur lequel il pourra
reposer en attendant le moment où sa transformation spirituelle en âme vivante sera
chose accomplie.
Gomme nous l'avons vu, le lion est l'animal adopté d'une façon presque constante
pour servir de support aux lits grands ou petits, soit qu'il se présente dans son entier,
soit par ses quatre membres seulement, Ce choix provient-il uniquement de considé-
rations artistiques ou plutôt d'un sens symbolique attaché à la figuration même du
lion? C'est évidemment cette dernière hypothèse qui est la plus plausible : reposer sur
le dos du plus redoutable des fauves est la meilleure assurance contre tous les dangers
provenant d'animaux nuisibles.
En plus de cela, le lion joue un rôle important comme agent de résurrection dans
la doctrine funéraire héliopolitaine qui, au Nouvel Empire surtout, rivalise avec le
dogme osirien : il se trouve placé à l'entrée et à la sortie du monde infernal et forme
ainsi le double lion Aker ^v.^'2^ par lequel tout être, homme ou dieu, doit passer
pour pénétrer dans l'abîme liquide du Nou et en sortir régénéré et plein de vie.
Je crois reconnaître le même principe dans les grands lits d'accouchement sur les-
quels sont mis au monde les pharaons de la XVIIIe dynastie et dont les côtés parais-
sent formés non pas d'un seul corps de lion, mais de deux avant-trains de lion soudés
ensemble (3), qui rappellent de façon très suggestive le double lion Aker. De même
que le soleil sort au matin de l'autre monde par une des bouches d'Aker, de même
son descendant, l'enfant-roi, vient au monde sur un meuble qui symbolise l'entrée et
la sortie du Douât et par là même du Nou, source de toute vie.
L'un de ces lits serait donc l'agent permettant au défunt de pénétrer dans le monde
inférieur, l'autre d'en sortir ressuscité. Reste le troisième, pour lequel nous n'avons
pas de point de comparaison direct; ici le corps même de l'animal ne présente pas de
(1) Ad. Rusch, Die Entwickeîung der Himmelsgôtlin Nut zu einer Totengoltheit, p. i3 (Mitlheilungen der
Vorderasial.-âg. Ges., 1922).
(2) Cette représentation se trouve souvent dans les tableaux des hypogées royaux de Thèbes. La plus typi-
que est celle qui est reproduite dans Cuampollion, Notices descriptives, If, p. 584-586, et qui se retrouve
également au papyrus n° 3276 du Louvre (inédit).
(3) Jéquier, Bull, de rinsl. franc, du Caire, XIX , p. ho.