SEBASTIAN MAJEWSKI
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temps, comme à nombre d'étrangers venant de pays lointains, considérés comme un peu exotiques, l'opinion lui prêta une géné-
alogie plus ,,digne", nobiliaire, voyant en lui un descendant d'une famille noble établie depuis le XVe siècle en Italie. Ce n'était
pas conforme à la vérité. En 1606 Majewski fut promu compagnon dans la corporation de Cracovie. Son maître avait été Sta-
nisław Szczerbie, un peintre modeste travaillant à Lublin, connu de nos jours des peintures du retable de Sainte Anne à l'église
Stc Anne de Końskowola pres dc Puławy, datant de 1618. Ces peintures nous montrent ce que Majewski devait à son maître.
C'est que notre peintre fut formé à Cracovie (où Dolabella travaillait depuis déjà 1598) et il assimila nombre de traits de la peinture
cracovicnnc qui se retrouveront dans les ouvrages de la première phase de son activité en Italie.
Après 1606, suivant l'usage consacré des pérégrinations de compagnons, dont l'itinéraire n'a pas été jusqu'ici étudié, Se-
bastian Majewski se rendit en Italie. Il y alla sans doute pour poursuivre son éducation; toutefois, on ignore où le sort l'a jeté.
Quelques traits, d'ailleurs faibles, de l'école napolitaine de la fin du XVIe et du début du XVIIe siècles et plus spécialement de
la peinture de Fabrizio Santafcde qui se retrouvent dans la sienne, de même qu'un écho lointain du caravaggionisme dans sa forme
napolitaine suggèrent que c'est à Naples qu'il faut situer l'éducation italienne de Majewski. Quoi qu'il en soit, on arrive à le re-
pérer à partir de 1622, et cela dans les Abruzzcs appartenant à l'époque à la province napolitaine du Royaume espagnol des Deux
Sicilcs. Ce pays était ruiné par d'incessants mouvements et actes de répression des troupes et de la milice espagnole, terrorisé par
les bandits, bouleversé par des épidémies et par la famine. Après de remarquables succès au Moyen Age, l'art des Abruzzcs péricli-
tait et ne donna pas à l'époque de grandes oeuvres. Dans ce contexte, Majewski s'acquit une position de marque; il se vit confier
d'innombrables commandes par les couvents et les églises et passait pour le meilleur peintre des Abruzzcs du XVIIe siècle. Il le
resta d'ailleurs dans la tradition locale.
La première de ses oeuvres connues fut une série de fresques à thème mariai contournant le cloître quadrangulairc près de
l'église Santa Maria delie Grazie à Ortana a Mare. Une inscription renseignait que ces fresques furent peintes en 1622, à l'époque
où les fonctions de gardien étaient exercées par le Père Bonaventure, et que leur auteur était Sebastianus Maievius Polonus. Ces
fresques, très appréciées par la littérature régionale, n'existent plus, l'adaptation en 1926 d'une aile du cloître à des besoins laïcs
ayant entraîné la destruction des peintures qu'elle comportait et, d'autre part, le couvent entier fut détruit pendant la dernière
guerre.
En 1623 Majewski s'établit à Teramo dont il devient citoyen. Il y fonde la famille et laisse des descendants qui joueront
un rôle dans la vie du diocèse. Sebastianus Maieschi Polonus piugebat A. D. 1623 —■ cette inscription figure sur l'ouvrage principal
de l'artiste, les six peintures du maître-autel de saint Berard dans ce qu'on appelle la nouvelle sacristie de la cathédrale de Teramo.
Les tableaux représentent: le panneau central — la messe pontificale de saint Berard, les panneaux latéraux — les miracles de ce
saint (restitution de la vue à un aveugle, guérison d'une paralytique, libération d'un prisonnier mis aux fers et ressuscitation d'un
garçon mort), le sommet — la Sainte Famille et deux portraits des fondateurs et de leurs patrons: saints François et Léonard.
Le tout est d'une allure quelque peu archaïque, proche de la forme d'un triptyque, la même que celle qui figure au retable de
Szczerbie à Końskowola.
Les peintures du retable de la cathédrale de Teramo ont été conçues comme un tout cohérent. Elles sont régies par une sy-
métrie rigoureuse des formes et des couleurs. Le tableau central présente le caractère d'une scène historique nettement actualisée,
transposée du XIIe siècle (époque à laquelle vivait saint Berard, évêque de Teramo) au XVIIe. Tous les vêtements et les accessoires
sont contemporains à l'artiste; dans bien des cas, les visages sont probablement des portraits. Le deuxième personnage
masculin de la gauche est vraisemblablement l'autoportrait du peintre. Saint Berard célèbre la messe devant le maître-autel Renais-
sance, aujourd'hui inexistant, de la cathédrale de Teramo. Le saint bénissant dont le culte est purement local a reçu comme attri-
but un fragment d'une cuirasse à lames dans laquelle il dit la messe, ce qui est conforme à l'autorisation du pape Paschalis II, accor-
dée aux éveques de Teramo. Majewski créa le canon iconographique de saint Berard, canon qui fut ensuite imité; une des copies
de cette représentation, s'est conservée dans la chancellerie de la cathédrale de Teramo.
C'est que l'iconographie du saint était très pauvre et Majewski devait la façonner lui-même. Il avait, comme source litté-
raire, Vita S. Berardi de 1601, ouvrage qui eut de nombreuses éditions. Par contre, pour ce qui est du choix d'un type physique,
il s'inspira de la manière de représentation des saints évêques polonais, principalement saint Stanislas. C'est d'une manière analogue
que le maître de l'artiste, Szczerbie, avait peint saint Stanislas et saint Adalbert aux panneaux des volets du retable de Końskowola.
Des ressemblances frappantes se retrouvent également aux tableaux de Jasna Góra datant de 1627 (ou 1622) de Tyburcjusz No-
wakowicz, également de la corporation cracovienne. C'est de cette façon qu'ont été composés les panneaux latéraux du retable
de Teramo: ils font penser aux images votives, étant tous conçus selon un même schéma, avec, comme premier plan, la scène
d'un miracle et, comme fond, le personnage guéri ou délivré remerciant Dieu de sa grâce bénéfique. Le couronnement, très
décoratif, maintenu dans un coloris clair et serein et rendant bien le paysage printanier, se rapproche davantage des Sacra
Conversazione italiennes (vénitiennes?).
En 1739, la cathédrale de Teramo subit une réfection malencontreuse qui a entraîné la suppression de son aménagement
intérieur, entre autres de quarante autels latéraux. Il est possible que parmi ses autels il y en ait eu qui avaient été peints par Ma-
jewski. C'est qu'il vivait à Teramo où il travaillait au décor pictural des églises de la ville ou de la région, n'ayant pas de concurrents
dans le métier. Dans la ville même il a peint pour les églises Saint Joseph et Saint Dominique, aujourd'hui désaffectées, encore
que dans l'état pitoyable où elles se trouvent de nos jours, les peintures du maître-autel de la première des deux églises qu'on
lui attribue, paraissent d'une qualité inférieure à l'ensemble de son oeuvre. Les tableaux de l'église Saint Dominique, conservés
jusqu'à une époque relativement récente, sont aujourd'hui introuvables. La dernière rénovation de l'édifice a permis de dégager
une peinture murale représentant la flagellation du Christ.
La renom dc Majewski se propageait jusqu'aux recoins les plus reculés des Abruzzcs. Ainsi, en 1637 nous voyons l'artiste
travailler à Campli, petite ville promue en 1600 au rang d'évêché. Il s'y vit confier par les soins de l'émincnt théologien, l'abbé
Antonio Paganclli, une série de fresques pour le cloître des Franciscains Conventuels qu'il signa Polonus et civis Teramnensis. Cette
oeuvre constitue une suite de lunettes de plein cintre avec des scènes de la vie de saint François d'Assise surmontés de blasons des
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temps, comme à nombre d'étrangers venant de pays lointains, considérés comme un peu exotiques, l'opinion lui prêta une géné-
alogie plus ,,digne", nobiliaire, voyant en lui un descendant d'une famille noble établie depuis le XVe siècle en Italie. Ce n'était
pas conforme à la vérité. En 1606 Majewski fut promu compagnon dans la corporation de Cracovie. Son maître avait été Sta-
nisław Szczerbie, un peintre modeste travaillant à Lublin, connu de nos jours des peintures du retable de Sainte Anne à l'église
Stc Anne de Końskowola pres dc Puławy, datant de 1618. Ces peintures nous montrent ce que Majewski devait à son maître.
C'est que notre peintre fut formé à Cracovie (où Dolabella travaillait depuis déjà 1598) et il assimila nombre de traits de la peinture
cracovicnnc qui se retrouveront dans les ouvrages de la première phase de son activité en Italie.
Après 1606, suivant l'usage consacré des pérégrinations de compagnons, dont l'itinéraire n'a pas été jusqu'ici étudié, Se-
bastian Majewski se rendit en Italie. Il y alla sans doute pour poursuivre son éducation; toutefois, on ignore où le sort l'a jeté.
Quelques traits, d'ailleurs faibles, de l'école napolitaine de la fin du XVIe et du début du XVIIe siècles et plus spécialement de
la peinture de Fabrizio Santafcde qui se retrouvent dans la sienne, de même qu'un écho lointain du caravaggionisme dans sa forme
napolitaine suggèrent que c'est à Naples qu'il faut situer l'éducation italienne de Majewski. Quoi qu'il en soit, on arrive à le re-
pérer à partir de 1622, et cela dans les Abruzzcs appartenant à l'époque à la province napolitaine du Royaume espagnol des Deux
Sicilcs. Ce pays était ruiné par d'incessants mouvements et actes de répression des troupes et de la milice espagnole, terrorisé par
les bandits, bouleversé par des épidémies et par la famine. Après de remarquables succès au Moyen Age, l'art des Abruzzcs péricli-
tait et ne donna pas à l'époque de grandes oeuvres. Dans ce contexte, Majewski s'acquit une position de marque; il se vit confier
d'innombrables commandes par les couvents et les églises et passait pour le meilleur peintre des Abruzzcs du XVIIe siècle. Il le
resta d'ailleurs dans la tradition locale.
La première de ses oeuvres connues fut une série de fresques à thème mariai contournant le cloître quadrangulairc près de
l'église Santa Maria delie Grazie à Ortana a Mare. Une inscription renseignait que ces fresques furent peintes en 1622, à l'époque
où les fonctions de gardien étaient exercées par le Père Bonaventure, et que leur auteur était Sebastianus Maievius Polonus. Ces
fresques, très appréciées par la littérature régionale, n'existent plus, l'adaptation en 1926 d'une aile du cloître à des besoins laïcs
ayant entraîné la destruction des peintures qu'elle comportait et, d'autre part, le couvent entier fut détruit pendant la dernière
guerre.
En 1623 Majewski s'établit à Teramo dont il devient citoyen. Il y fonde la famille et laisse des descendants qui joueront
un rôle dans la vie du diocèse. Sebastianus Maieschi Polonus piugebat A. D. 1623 —■ cette inscription figure sur l'ouvrage principal
de l'artiste, les six peintures du maître-autel de saint Berard dans ce qu'on appelle la nouvelle sacristie de la cathédrale de Teramo.
Les tableaux représentent: le panneau central — la messe pontificale de saint Berard, les panneaux latéraux — les miracles de ce
saint (restitution de la vue à un aveugle, guérison d'une paralytique, libération d'un prisonnier mis aux fers et ressuscitation d'un
garçon mort), le sommet — la Sainte Famille et deux portraits des fondateurs et de leurs patrons: saints François et Léonard.
Le tout est d'une allure quelque peu archaïque, proche de la forme d'un triptyque, la même que celle qui figure au retable de
Szczerbie à Końskowola.
Les peintures du retable de la cathédrale de Teramo ont été conçues comme un tout cohérent. Elles sont régies par une sy-
métrie rigoureuse des formes et des couleurs. Le tableau central présente le caractère d'une scène historique nettement actualisée,
transposée du XIIe siècle (époque à laquelle vivait saint Berard, évêque de Teramo) au XVIIe. Tous les vêtements et les accessoires
sont contemporains à l'artiste; dans bien des cas, les visages sont probablement des portraits. Le deuxième personnage
masculin de la gauche est vraisemblablement l'autoportrait du peintre. Saint Berard célèbre la messe devant le maître-autel Renais-
sance, aujourd'hui inexistant, de la cathédrale de Teramo. Le saint bénissant dont le culte est purement local a reçu comme attri-
but un fragment d'une cuirasse à lames dans laquelle il dit la messe, ce qui est conforme à l'autorisation du pape Paschalis II, accor-
dée aux éveques de Teramo. Majewski créa le canon iconographique de saint Berard, canon qui fut ensuite imité; une des copies
de cette représentation, s'est conservée dans la chancellerie de la cathédrale de Teramo.
C'est que l'iconographie du saint était très pauvre et Majewski devait la façonner lui-même. Il avait, comme source litté-
raire, Vita S. Berardi de 1601, ouvrage qui eut de nombreuses éditions. Par contre, pour ce qui est du choix d'un type physique,
il s'inspira de la manière de représentation des saints évêques polonais, principalement saint Stanislas. C'est d'une manière analogue
que le maître de l'artiste, Szczerbie, avait peint saint Stanislas et saint Adalbert aux panneaux des volets du retable de Końskowola.
Des ressemblances frappantes se retrouvent également aux tableaux de Jasna Góra datant de 1627 (ou 1622) de Tyburcjusz No-
wakowicz, également de la corporation cracovienne. C'est de cette façon qu'ont été composés les panneaux latéraux du retable
de Teramo: ils font penser aux images votives, étant tous conçus selon un même schéma, avec, comme premier plan, la scène
d'un miracle et, comme fond, le personnage guéri ou délivré remerciant Dieu de sa grâce bénéfique. Le couronnement, très
décoratif, maintenu dans un coloris clair et serein et rendant bien le paysage printanier, se rapproche davantage des Sacra
Conversazione italiennes (vénitiennes?).
En 1739, la cathédrale de Teramo subit une réfection malencontreuse qui a entraîné la suppression de son aménagement
intérieur, entre autres de quarante autels latéraux. Il est possible que parmi ses autels il y en ait eu qui avaient été peints par Ma-
jewski. C'est qu'il vivait à Teramo où il travaillait au décor pictural des églises de la ville ou de la région, n'ayant pas de concurrents
dans le métier. Dans la ville même il a peint pour les églises Saint Joseph et Saint Dominique, aujourd'hui désaffectées, encore
que dans l'état pitoyable où elles se trouvent de nos jours, les peintures du maître-autel de la première des deux églises qu'on
lui attribue, paraissent d'une qualité inférieure à l'ensemble de son oeuvre. Les tableaux de l'église Saint Dominique, conservés
jusqu'à une époque relativement récente, sont aujourd'hui introuvables. La dernière rénovation de l'édifice a permis de dégager
une peinture murale représentant la flagellation du Christ.
La renom dc Majewski se propageait jusqu'aux recoins les plus reculés des Abruzzcs. Ainsi, en 1637 nous voyons l'artiste
travailler à Campli, petite ville promue en 1600 au rang d'évêché. Il s'y vit confier par les soins de l'émincnt théologien, l'abbé
Antonio Paganclli, une série de fresques pour le cloître des Franciscains Conventuels qu'il signa Polonus et civis Teramnensis. Cette
oeuvre constitue une suite de lunettes de plein cintre avec des scènes de la vie de saint François d'Assise surmontés de blasons des