INTRODUCTION. 9
La musique et la poésie, Pindare et la belle Corinne, chantaient, à l'envi, la gloire des héros
qui illustraient la patrie, des philosophes qui l'éelairaient, des guerriers qui mouraient pour la dé-
fendre. Les mausolées où reposaient leurs cendres, ne renfermaient point des momies emmaillotées;
mais ils étaient ornés de statues qui, rappelant les traits et les nobles costumes de ces hommes célè-
bres, semblaient les rendre toujours présens dans la cité qui les avait vus naître. Au pied de ces
statues, la voix de la reconnaissance faisait entendre l'éloge des vertus, des talcns et des services de
ceux qui avaient cessé de vivre, et proposait leur exemple à l'émulation de ceux qui vivaient encore :
institution plus utile peut-être, et sans doute plus touchante, que cette censure amère qui, sur les
bords du lac JMœris, attendait encore, après leur mort, les rois et les hommes publics de l'Egypte.
Là, jamais on ne vit, comme à Delphes ou à Olympie, ces fêtes vraiment nationales, ces jeux
solennels où, pour contribuer aux plaisirs, pour obtenir les applaudissemcus de la Grèce assemblée,
accouraient en foule ceux qui se distinguaient par leur habileté dans les arts, dans les lettres et
sur-tout dans les exercices du corps. Ils y trouvaient leurs noms gravés, leurs talcns célébrés sur
le marbre et sur le bronze, non en caractères mystérieux, en hiéroglyphes inintelligibles, mais
dans la plus belle des langues, dans ces vers harmonieux et sublimes que répètent encore toutes les
nations civilisées. Hérodote y lisait son histoire; et, en l'écoutant, ïhucydides pleurait de désir
d'exciter un jour le même enthousiasme. Des hommes de tout rang et de tout âge descendaient
dans l'arène pour obtenir le prix de la légèreté, de la force, ou de l'adresse. De jeunes athlètes y
déployaient, dans leurs formes robustes et vigoureuses, ou sveltcs et élégantes, tout ce que la
nature peut offrir de plus belles proportions; de jeunes filles, parées de leurs seuls attraits, n'y
conservaient d'autres vétemeus que ceux que la pudeur défendait de sacrifier à la légèreté de la
course. Tous se réunissaient pour disputer une couronne qui devait être décernée au talent, à
l'adresse, à la force, et sur-tout à la beauté; couronne de laurier et de roses que Sapho "aurait
posée sur la tête de Phaon.
Ainsi la beauté, objet principal de l'Art chez une nation dont il fallait charmer les yeux pour
maîtriser l'âme, par sa seule présence dans les assemblées publiques, devenait le terme de compa-
raison nécessaire, et, pour ainsi dire, le juge des tableaux et des statues qu'exposaient les artistes.
Ces concours fréquens faisaient de tous les Grecs un peuple de connaisseurs, et formaient pour
eux une sorte d'école publique, où chacun pouvait non seulement reconnaître ce qui constitue le
beau dans les formes physiques, mais encore étudier ce qui est naturel et vrai dans l'expression
des seutimens de l'âme : car l'espérance ou T'envie, la joie ou la douleur, se peignaient tour-à-tour
sur le visage et dans le maintien, non seulement des acteurs de ces jeux, mais même des specta-
teurs, qui, ambitionnant tous pour leur cité l'honneur de la victoire, partageaient les succès ou les
disgrâces de chacun des concurrens.
La philosophie elle-même ne dédaignait pas , dans ses graves entretiens, d'expliquer aux artistes
la stabilité, soin défectueux. Voilà ce que, le premier éionneinem sauce, Jupiter armé de la foudre; pour celle île la sagesse, Minerve
passé, suggèrent presque infailliblement a la réflexion, la vue et l'en- couverte d'uno égide; pour l'image de la Fécondité, Cvbele, nourrice ilo
ploi de ces pierres d'une masse inutilement énorme dans les édifices, tous les êtres vivaus, ou la belle Vénus, charme de lotis les humains,
et démesurément colossale dans les ligures. En accordant que t'impo- etc. C'est là, sans doute, une des causes principales de l'énorme dirïé-
sant, le terrible même, soient le résultat des travaux égyptiens, il faut renée des productions de l'Ai i chex les deux peuples. 1 .'un, no (leman-
loisscr la beauté à ceux des Grecs. dantà fes artistes que de- ligures d'animaux, pour retrace! les objets
Quant au système religieux, et à tout ce qui en dérive d'applications révérés (le son culte, n'e-t arrivé a la perfection que dans la represea-
cuMvés, et rarement le plaisir qui natt, chez les omes sensibles, delà vé- d|en embellir les images de [oui ce que la grâce, l.< noblesse, la ma-
rité cl du choix de l'imiiatioii.Saiis doute que les philosophes égvplieus, jesiê, pouvaient offrir de plus séduisant ou de plus sublime,
dont la sagesse est sufiisammem attestée, ne reconnaissaient au fond Le climat, la religion, la forme du gouvernement, voilà ce qui peut
qu'un dieu t oui-pu issu m, seul maître cl moleur de l'Univers. Mais seul expliquer cet état Malionnaire et peu a\aneé où nous voyons que
pourquoi, en se préiaiu à ce que par-loin exige le peuple adorateur, chacun des beaux-arts est resio chez les l'-gy prions, malgré leur liauio
représenter cet Etre suprême et ses divers attributs sous des symboles
phanes n'aurait pardonné qu'à ces animaux de peindre ainsi leurs
Lesphilosophesgrccs furent obligés aussi de soumettre leur doctrine
aux besoins d'un Ctllle matériel, et de fournir à celui-ci des images pal-
pables; mois que choisi reri-ils? Ce lui, pour l'emblème de la muie-pius-
La musique et la poésie, Pindare et la belle Corinne, chantaient, à l'envi, la gloire des héros
qui illustraient la patrie, des philosophes qui l'éelairaient, des guerriers qui mouraient pour la dé-
fendre. Les mausolées où reposaient leurs cendres, ne renfermaient point des momies emmaillotées;
mais ils étaient ornés de statues qui, rappelant les traits et les nobles costumes de ces hommes célè-
bres, semblaient les rendre toujours présens dans la cité qui les avait vus naître. Au pied de ces
statues, la voix de la reconnaissance faisait entendre l'éloge des vertus, des talcns et des services de
ceux qui avaient cessé de vivre, et proposait leur exemple à l'émulation de ceux qui vivaient encore :
institution plus utile peut-être, et sans doute plus touchante, que cette censure amère qui, sur les
bords du lac JMœris, attendait encore, après leur mort, les rois et les hommes publics de l'Egypte.
Là, jamais on ne vit, comme à Delphes ou à Olympie, ces fêtes vraiment nationales, ces jeux
solennels où, pour contribuer aux plaisirs, pour obtenir les applaudissemcus de la Grèce assemblée,
accouraient en foule ceux qui se distinguaient par leur habileté dans les arts, dans les lettres et
sur-tout dans les exercices du corps. Ils y trouvaient leurs noms gravés, leurs talcns célébrés sur
le marbre et sur le bronze, non en caractères mystérieux, en hiéroglyphes inintelligibles, mais
dans la plus belle des langues, dans ces vers harmonieux et sublimes que répètent encore toutes les
nations civilisées. Hérodote y lisait son histoire; et, en l'écoutant, ïhucydides pleurait de désir
d'exciter un jour le même enthousiasme. Des hommes de tout rang et de tout âge descendaient
dans l'arène pour obtenir le prix de la légèreté, de la force, ou de l'adresse. De jeunes athlètes y
déployaient, dans leurs formes robustes et vigoureuses, ou sveltcs et élégantes, tout ce que la
nature peut offrir de plus belles proportions; de jeunes filles, parées de leurs seuls attraits, n'y
conservaient d'autres vétemeus que ceux que la pudeur défendait de sacrifier à la légèreté de la
course. Tous se réunissaient pour disputer une couronne qui devait être décernée au talent, à
l'adresse, à la force, et sur-tout à la beauté; couronne de laurier et de roses que Sapho "aurait
posée sur la tête de Phaon.
Ainsi la beauté, objet principal de l'Art chez une nation dont il fallait charmer les yeux pour
maîtriser l'âme, par sa seule présence dans les assemblées publiques, devenait le terme de compa-
raison nécessaire, et, pour ainsi dire, le juge des tableaux et des statues qu'exposaient les artistes.
Ces concours fréquens faisaient de tous les Grecs un peuple de connaisseurs, et formaient pour
eux une sorte d'école publique, où chacun pouvait non seulement reconnaître ce qui constitue le
beau dans les formes physiques, mais encore étudier ce qui est naturel et vrai dans l'expression
des seutimens de l'âme : car l'espérance ou T'envie, la joie ou la douleur, se peignaient tour-à-tour
sur le visage et dans le maintien, non seulement des acteurs de ces jeux, mais même des specta-
teurs, qui, ambitionnant tous pour leur cité l'honneur de la victoire, partageaient les succès ou les
disgrâces de chacun des concurrens.
La philosophie elle-même ne dédaignait pas , dans ses graves entretiens, d'expliquer aux artistes
la stabilité, soin défectueux. Voilà ce que, le premier éionneinem sauce, Jupiter armé de la foudre; pour celle île la sagesse, Minerve
passé, suggèrent presque infailliblement a la réflexion, la vue et l'en- couverte d'uno égide; pour l'image de la Fécondité, Cvbele, nourrice ilo
ploi de ces pierres d'une masse inutilement énorme dans les édifices, tous les êtres vivaus, ou la belle Vénus, charme de lotis les humains,
et démesurément colossale dans les ligures. En accordant que t'impo- etc. C'est là, sans doute, une des causes principales de l'énorme dirïé-
sant, le terrible même, soient le résultat des travaux égyptiens, il faut renée des productions de l'Ai i chex les deux peuples. 1 .'un, no (leman-
loisscr la beauté à ceux des Grecs. dantà fes artistes que de- ligures d'animaux, pour retrace! les objets
Quant au système religieux, et à tout ce qui en dérive d'applications révérés (le son culte, n'e-t arrivé a la perfection que dans la represea-
cuMvés, et rarement le plaisir qui natt, chez les omes sensibles, delà vé- d|en embellir les images de [oui ce que la grâce, l.< noblesse, la ma-
rité cl du choix de l'imiiatioii.Saiis doute que les philosophes égvplieus, jesiê, pouvaient offrir de plus séduisant ou de plus sublime,
dont la sagesse est sufiisammem attestée, ne reconnaissaient au fond Le climat, la religion, la forme du gouvernement, voilà ce qui peut
qu'un dieu t oui-pu issu m, seul maître cl moleur de l'Univers. Mais seul expliquer cet état Malionnaire et peu a\aneé où nous voyons que
pourquoi, en se préiaiu à ce que par-loin exige le peuple adorateur, chacun des beaux-arts est resio chez les l'-gy prions, malgré leur liauio
représenter cet Etre suprême et ses divers attributs sous des symboles
phanes n'aurait pardonné qu'à ces animaux de peindre ainsi leurs
Lesphilosophesgrccs furent obligés aussi de soumettre leur doctrine
aux besoins d'un Ctllle matériel, et de fournir à celui-ci des images pal-
pables; mois que choisi reri-ils? Ce lui, pour l'emblème de la muie-pius-