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Seroux d'Agincourt, Jean Baptiste Louis Georges
Histoire de l'art par les monumens, depuis sa décadence au IVe siècle jusqu'à son renouvellement au XVIe (Band 2): Texte. Sculpture. Peinture. — Paris, 1823

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https://doi.org/10.11588/diglit.1303#0295
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RENOUVELLEMENT. ia3

Raphaël avaient suivis, et de plus les chefs-d'œuvre de ces deux grands peintres, il faut nécessaire-
ment en conclure qu'ils n'étaient pas nés aussi heureusement (a), et que Michel-Ange et Raphaël
n'ont pas opéré tant de merveilles, par l'effet seul de l'étude et de L'imitation, mais encore par

(n) On a souvent remarqué l'analogie que la nature se plnitâ établir

cuire'les qualités phvsiques et les qualités moi'.des lies hommes qu'ollo
destine h s'élever au-des>us ilu vulgaire [îar leuvs ouvrages ou leurs ac-
tions. Compagnes dos faculté' .tu génie, les inspirations du ro'iir ilnn-
ncLit aux productions de l'homme quVile» dirigent un degré d'éléva-
tion, de noblesse, de pureté, el elles y attachent un intérêt, auxquels
ils'élcverait difficilement sans elles.

Nous avons dit que Michel-Ange avait reçu de ta nature le corps le
plus robuste et l'âme la plus active. La i| nanti lé et la variété doses tra-
vaux l'attestent suffisamment. Il lui fallut les unis arts pour l'occuper;
Ull seul n'aurait pas sufli à la vivarite de sou imagination. Sa sobriété
habituelle maintenait sa force. Il aimait la solitude: leslionimes de sa
trempe se trouvent sî bien seuls ! I.a méditation nourrissait son esprit;
son goût pour la poésie en exerçait l'activité. Ses travaux en ce genre,
quoique peu nombreux, portent l'empreinte île son talent.

Nous aurions des preuves plus étendues de son habileté dans l'art
d'écrire, s'il eut exécuté le projet qu'il avait conçu d'un traité sur l'é-
tude et l'emploi île l\in;itomic Ses lectures favorite.- manifestaient un
espril profond et solide : c'étaient la Cil île, les philosophes anciens et
le Danic. 11 complaît des lutér.iieiirs distingués parmi ses amis, les
Tarcbi, les Maffei, les Uidolli. Quelques uns se rapprochaient do lui
par la singularité de leur humeur: tels étaient l'Atteste et l'Arétin.
Mais fort différent de ce dernier sens plu- d'un rapport, et quoique
souvent appelé auprès de plusieurs souverains, et d'autres grands per-
sonnages, Michel-Ange n'eut jamais à se reprocher un mot d'adula-
tion , jamais un acte scrvile.

Parmi tant d'artistes que pendant une vie longuement prolongée, il
vit naître autour de lui, pas un n'eut a se plaindre d'un mouvement de

Jamais la cupidité, pas-ion plus basse encore, ne souilla son âme.
Sa fortune demeura toujours médiocre, malgré l'importance Cl le nom-
bre prodigieux des ouvrages dont il fut chargé; et il refusa les hono-
raires attribués à In pin™ .l'orrliifetn de S1 Pierre.

Quoiqu'une philosophie rude et même un peu sauvage ait marqué
plusieurs traits de sa vie, sa sensibilité envers les compagnons de «■-
travaux et les gens attachés à son service, est aussi Connue que sa li-
béralité.

Ses mœurs furent honnêtes el ses manières simples. U dédaigna les
soins que laii! d'aunes prennent pour 0I1 tenir de la gloire: il voulait,
dit Boitari, qu'elle vînt d'elle-même, et qu'elle le suivit aussi naturel-
lement que l'ombre suit le corps.

Une fierté qu'on pourrait dire innée le dominait en quelque Sorte :
la moindre contradiction l'irritait ; celle qui venait des hommes, celle
qui naissait des événemens, troublèrent trop souvent sa vie.

La contrariété que le marine lui taisait éprouver dans la Sculpture,
excita souvent sou impatience. L'impétuosité de fon caractère, aulant
que la connaissance qu'il avait des difficultés do l'Art, l'empêcha d'a-
mener beaucoup de ses ouvrages à leur lin. Jamais content de lui-
même, scmpcrcalumaiatorstu, comme le C.illiiuaque de Pline, l'idée
de la perfection L'arrêtait à chaque pas.

Ainsi, l'on peut dire en général, et plus particulière me ut en ce qui
concerne les arts, que le choix de l'étude 11 laquelle chaque homme
s'applique, ses talons pour y réussir, et la manière dont il les emploie,
toutes ces particularités tiennent à ses tpialités phv-iqnes et morales;
mais ce rapport est sur-tout sensible dans le> hommes du premier or-
dre, lois que Michel-Ange.

Dos observations sur le génie et les travaux do Raphaël nous donne-
ront la preuve do la .même vérité. Nuusy reconnaîtrons les soins que
la nature s'élait donnés pour agrandir et doter le génie de l'un et de

Nous avons déjà dit que ronihlé tle ses faveurs, Raphaël n'avait eu
qu à se livrer uu penchant le plus heureux; mais nous avons aussi re-
marqué que par un effet de ses inclinations, il prit une route différente

decelleque sunait Michel-Ange,

Au lieu de la jeuno-c impétueuse de celui-ci, Raphaël obtint dès

ses premières année* l alïcetion de tons ceux qu'il approcha, par la
douceur et l'Ingénuité de ses mœurs, autant que par les grâces de sa
personne. Les termes dans lest[uols la parente de ses souverains, la du-
chesse de Sora, le recommandai!, à l'époque nù il commençait ses étu-
des, au chef de la république de Florence, en l'appelant discret» a
gentilgionine, indiquent assez l'intérêt qu'il inspirait déjà et l'amabi-
liiu qu'il promettait pour l'avenir. On vit depuis combien l'élévation
do se»manière! et ta noblesse de ses action! contribuèrent a multiplier
ses amis parmi les personnages les pins distingués. Des honneurs et des
récompenses extraordinaires semblèrent venir au-devant de lui.

Heureux si cette sensibilit
répandaient tant de charme
la source des affections du ci

■tte délicatesse de sentiment qui
compositions, n'eussent pas été
excès abrégea si cruellement sot

llien de si touchant que ce que Vasarî raconte du tendre attache-
ment par lequel les artiste- qui vivaient auprès de lui répondaient à son
affection pour eux. Il ne sortait jamais pour aller à ses travaux qu'un
grand nombre d'entre eux ne l'accompagnât : telle, quand elle prend
sou vol vers des coteaux lleuris, la reine dos abeilles est suivie do ses
compagnes.

Jamais la mort d'un particulier ne fut marquée par tant de douleur
publique. La nombreuse jeunesse qui demeura privée de ses leçons,
entourant son tombeau, y couvrit de ses Urines la dernière cl immor-
telle production de son génie.

Les regrets même de Léon X, qui sur le trône pontificat, avait con-
servé pour lui l'amitié la plus tendre, lui eut extrêmes. Itaphaël jouis-
sait auprès de lui îles douceurs d'une société intime. Il était étroitement
lié avec les hommes de son teins, qu'une littérature agréable rappro-
chait le plus do son caractère, tels que le Bembo, l'Arioste, Annibal
Caro, cl sur-lotit avec le législateur des courtisans aimables, le comte
Batthasar Castiglionc. Il trouvait chez eux et il portait lui-même daus

lcui

ul.ani



«Que sou âme
a N'offrent jam

s de lu



de nobles

..dm

littéraires comme dans ses inventions pittoresques, s'il se fut livré da-
vantage à U littérature. Ou ne connaît de lui que quelques sonnets et
quelques lettres adressées à des amis. Le savant qui lui a restitué dans
une dissertation doui j'ai déjà fait mention unelettreatliilniéeali comte
Casiinlione, doit en publier une autre qu'il écrivit à un Uc ses oncles,
ultime pour tout ce qui

long,

ml, <

'797-

Deux •■■....." mruiivés depuis peu daus U pairie de Raphaël, et

<j.ie j'ai l.us-e ,mi mémo littérateur le plaisir de publier, renferment des
plainie- .imouieii-i'-, C'c>i là à-pcii-près 10111 eequi iv-te de -..-s poésies.
Mais nous accorderons bien plu- tle regret* ,1 U perle des Observations
qu'il avait écrites sur la Peinture. Vasari, dans l'espèce de péroraison
qu'il adresse à ses lecteurs à U fui de son uiiv rage, nous apprenti qu'il
avait fait un usage utile d'un manuscrit de lin.

Si ce précieux ouvrage eut été conservé, Itaphaël serait entièrement
pour les modernes, par ses leçons et par ses exemples , ce que Apcllcs
fut pour les anciens, et les rapports entre ces deux grands hommes se
multiplieraient, si on les considérait l'un et l'autre dans leurs qualités
morales.

Il ne serait pas aussi facile de trouver dans les Ecoles antiques un
maître que l'on pûi rapprocher de Michel-Ange sur amant de points.
Le génie de Raphaël était semblable à une llamme douce, égale, do
qui In clarté esi constamment un bienfait. Celui de Michel-Ange éclata
comme les feux d'un voirait, qui s'élancent mêlés par intervalle de
boitillantes scories cl de loir eus tic fumée.

Dos comparaisons telles que celles-ci auraient pu avoir lieu plus fré-
quemment dans cet ouvrage. Mais nous «vous du nous attacher du
moins il celle qui se présentait naturellement entre ces deux grands
maîtres, Michel-A tige et Raphaël. Do tels nppereus ne sauraient de-
meurer sans fruits pour les personnes qui cultivent la Sculpture ou la
Peinture. Les jeunes gens qui s'y destinent, les parens qui les forcent
quelquefois il s'y livrer ou qui les en détournent, les professeurs char-
gés de leur instruction, verront, en étudiant cette partie de l'histoire
des arts, combien il est nécessaire do consulter la nature et do distin-
guer la réalité des inclinations qu'elle donne aux esprits. Ils sentiront
aussi combien les dispositions émut une fois connues, il importe de
s'y conformer dans l'emploi qu'on en veut faire et dans les études par
lesquelles on doil les cultiver.

C'est de cette attention pri 11 ri pale ment que dépendent les succès et
la gloire de chaque mettre. Michel-Ange et Raphaël nom le prouvent
encore. On voit clairement que tl.qiliacl, doué de tout ce que l'esprit
peut avoir de plus délicat, l'âme de plus affectueux, lit de- émomms

du coeur l'objet habituel de ses études ei la ■ ■-■.....do ses ogréables

images. On sont que Michel-Ange aima mieux au contraire sa faire

cnpé du corps, il semble quelquefois oublier l'âme, oA «oorival puisa

que si, pour enfanter ses rbefs-d'ieuvre, la nature •' quelquefoisbe-
soin d'ellbris, il dut lui en coûter pour produire Michel-Ange. Lui-
 
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