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Wey, Francis; Wey, Francis [Mitarb.]
Rome - description et souvenirs: ouvrage contenant 358 gravures sur bois, dessinées par nos plus célèbres artistes et un plan de Rome — Paris: Librairie Hachette, 1875

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https://doi.org/10.11588/diglit.66816#0574
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556

CHAPITRE VINGT-TROISIÈME.

Le nom même d’un lieu si célèbre m’inspirait une sorte d’éloignement : Tibur ramène aux senti-
mentales élégies de la Restauration, Tivoli fait appel à des réminiscences égrillardes; le tout
répond à des idées rebattues. Durant cette bouderie, l’hiver qui sous cette latitude accomplit sa
course à grands pas s était replié sur le nord ; les brises tièdes que la Sicile envoie avaient mis les
jardins en fête et les arbres en fleur. Le printemps a là-bas un chant d’ouverture ineffable et
rapide où résonnent les thèmes aimés de tous les climats : morne la veille, l’Italie qui demain sera
brûlée présente alors un spectacle idéal. Il en arrivait quelque pressentiment jusqu’à la ville, où
dans l’air circulaient des provocations pastorales; nous nous laissâmes si promptement séduire,
qu’au moment du départ l’abbé nous traita As jeunesses, avec un de ces sourires attristés dont ou
ne devait que trop tôt comprendre le sens mystérieux. Louis Français qui avait organisé la partie
ne manqua pas de s’excuser à l’heure du départ, ce qui nous réduisit à quatre : nos compagnons
étaient, le sculpteur et graveur Clément Chaplain, et notre ami Jules Lefebvre.
L’équipage fut bientôt improvisé ; trop vile improvisé même, car il faillit nous laisser sur le
pavé avant d’avoir franchi les murs : le cheval s’était abattu au bout d’une rue que termine la porte
pratiquée par Sixte-Quint dans Taqueducdes eauxMarcia, Tepula et Julia, à l’époque où ce pon-
tife appuya son aqueduc Felice à ces murailles restaurées successivement par Octave, Titus et
Caracalla. Sous cette arche d’une structure solide fuyaient en perspective les arbres d’une avenue,
tout radieux de leur verdure nouvelle ; ils voilaient à demi les créneaux de la cité et de la porte
Tiburtine. Nous eûmes le temps de contempler cette échappée de vue tandis qu’on rafistolait avec
des bouts de corde le plus funèbre attelage qui jamais ait charrié une joyeuse compagnie.
Rien ne prépare moins à une petite Suisse que les steppes où serpen tait jadis la route de Tibur
dont on côtoie, au delà du Teverone, le pavé polygonal en laves noirâtres, flanqué par places de
trottoirs antiques. A dix milles ou environ, Xosteriadel Tavernucole nous égaya par son enseigne,
fantaisie néo-pompéienne où des buveurs s’ébaubissent en compagnie d’un poulet bleu, variété
perdue. Plus loin, la silhouette ébréchée du Castelï Arcione, ruine isolée sur un tertre revêche,
puis le pont de la Solfatare sur un ruisseau puant, louche et soufré, canal de dérivation pour
écouler le trop-plein de la flaque du Tartare, contribuent à rembrunir la physionomie de ces
friches : la nature en sa plus immonde pauvreté. Pausanias qualifiait d’Albula une onde qui rappelle
le ruisseau de Baréges; mais ce titre AAlbula que Strabon donne aussi àl’Anio, Pline le Natu-
raliste l’attribue également au Tibre : « Tiberis, antea Tibris etprius Albula... »
Lorsqu’il germe là quelque plante, l’eau la pétrifie; l’étang qui alimente les rigoles de celle
naïade malpropre agglomère sa crasse bitumineuse en îlots sur lesquels languissent des herbes
parasites. Auguste qui avait la peau malade venait se baigner là dedans. Le long de ces plaines
mal nivelées on rencontre d’énormes blocs de travertin à moitié dégrossis : des esclaves les ont
roulés jusque-là lors de la construction du Colisée; abandonnés pendant dix-sept siècles, ils
arrivent enfin à destination et trouvent à se caser dans les bâtisses du jour. Si l’on ne rencontrait
pas le Ponte-Lucano dans un cadre dont Poussin a tiré parti, et la sépulture de la famille Plautia,
tour coiffée de créneaux du moyen âge en blocages rongés, aucun trajet ne semblerait plus ingrat
que celui-ci. Aussi la gaieté régnait-elle sans partage ; caries diversions du chemin n’empêchaient
pas de babiller.
Lorsque notre haridelle commença à entamer la côte finale, impatientés de sa lenteur, nous
sautâmes à terre pour monter directement à Tivoli par une pente rude, jalonnée de quelques
vieux troncs contournés qui, sur l’herbe trouée de rocailles, prennent l’aspect et la couleur de
quartiers de pierre qui auraient jeté des branches avec du feuillage : c’est ce qu’ils appellent une
forêt d’oliviers. Jusqu’ici le Tibur des poètes ne rappelait en rien la patrie de Guillaume Tell. A
1 endroit où est situé Tivoli, les montagnes de la Sabine s’ouvrent en fer à cheval : l’antique bourg,
fondé dit-on plus de quatre siècles avant Rome par des transfuges d’Argos, occupe l’extrémité
 
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