L' Eclipse: journal hebdomadaire politique, satirique et illustré (10.1877)

L'ÉCLIPSÉ, REVUE COMIQUE ILLUSTRÉE

15 Juillet 1877.

« Les grandes se moquent de moi, parce que je vous
écris ; mais mon petit cousin m'a dit que vous imprime-
riez ma lettre comme les autres.

« Signé : Hélène, de l'institution... »

La lettre de MUe Hélène fut, en effet, insérée dans
le numéro qui suivit, à côté de celle d'un jeune cor-
respondant, l'élève Chevard, qui avait déjà conquis
l'auréole de la célébrité.

Il faut que ce nom d'Hélène soit fatalement des-
tiné à engendrer les malheurs dans les empires, les
théâtres et les pensionnats.

Hélène avait causé la ruine de Troie, et on n'a pas
encore oublié la querelle de la Belle Hélène et de la
Vénus aux Carottes.

La jeune élève de l'institution de Trois-Ëtoiles,
située dans les environs de la barrière de ce nom,
allait aussi troubler les bureaux paisibles du Journal
littéraire.

0 Muse ! chante la colère de la maîtresse de
l'institution Y***, qui accourut, l'œil chargé d'é-
clairs, et agitant la torche de la vengeance dans le
cabinet de M. Millaud.

Son institution était calomniée.

Elle voulait faire un procès.

0 Muse ! chante le départ de cette dame cour-
roucée.

Chante la lettre de M. Millaud à Francisque Sar-
cey, et la lettre de Sarcey à ton humble serviteur.

Après délibération en conseil, il fut décidé qu'une
expédition prudente aurait lieu.

Je devais accompagner Sarcey au sein même de
l'institution Y***, montrer la lettre de la jeune Hé-
lène, et proposer une rectification.

Nous arrivons à la grille du jardin des Hespérides.

On nous fait entrer dans la salle des pianos, où
s'exerçaient quelques jeunes élèves.

La directrice apparaît, marchant avec noblesse.

Nous lui demandons, avec une politesse mêlée de
fermeté, quel préjudice lui a causé le pacifique et
bon Journal littéraire.

— Monsieur, dit-elle à Sarcey qui s'était entouré
du prestige universitaire en cette circonstance capi-
tale, que pourrait-on penser d'une institution, irré-
prochable comme la mienne, quand on saura que
mes élèves écrivent des lettres aux journaux, où
elles parlent de leur petit cousin?

— Madame, dis-je avec douceur, c'est moi qui
ai publié la lettre de MUo Hélène. Voici l'original.
Vous avez menacé le journal d'un procès. Je pro-
pose une enquête.

— Oh ! monsieur, dans un premier mouvement,
on demande toutes les satisfactions.

— Que désirez-vous, maintenant? dit Sarcey,
imperturbable comme le Destin.

— Je voudrais que votre journal déclarât que
cette lettre est une infâme calomnie, dans le but de
nuire à ma maison.

— Madame, dit Sarcey à l'œil calme, il vaudrait
mieux dire que le nom de votre maison a été indi-
qué par erreur, et, si vous en voulez mon avis, le
meilleur serait de laisser dormir cette affaire, déjà
sans doute oubliée à l'heure qu'il est.

— Comme vous voudrez, monsieur, répondit cette
dame inspirée par Minerve.

Notre mission étant terminée, il ne nous restait
plus qu'à regagner Paris, nous félicitant mutuelle-
ment du prétexte qui nous avait.valu une seconde
édition du siège de Troie.

T. B.

LES TRAMWAYS D'AUTREFOIS

Le coucou de nos pères. 11 pouvait bien contenir dix personnes; mais on en mettait souvent douze
ou quatorze, sans compter ceux qui allaient en lapin à côté du cocher à carrick.