26 Août 1877.
L'ÉCLIPSÉ, REVUE COMIQUE ILLUSTRÉE
t>7
fut agréé par les parents. Le comte de Fleurey et sa
femme — je tiens l'histoire de bonne source — in-
formèrent le jour même Mlle Andrée de leur résolu-
tion de la marier. C'était un ordre. Elle ne répondit
rien. Le marquis apporta régulièrement des bouquets
pendant un mois.
« Le jour fixé, on se rendit à la mairie.
« — Mademoiselle, dit le maire, consentez-vous
à prendre pour époux le marquis de V..., ici pré-
sent?
« — Non, monsieur, » répondit M110 Andrée.
— Mais, mon cher Horace, si ce que tu me ra-
contes n'est pas un roman, c'est un poëme héroïque.
— Tu vois qu'il ne faut pas juger les jeunes filles
sans les connaître... Le non produisit une impres-
sion de stupeur. Le maire répéta la même ques-
tion.
«—Monsieur, lui dit Andrée, personne ne m'a ja-
mais demandé si ma volonté était d'épouser monsieur
le marquis de V... Puisque je suis consultée aujour-
d'hui, je réponds non. »
« Cette petite histoire se répandit. On blâma géné-
ralement MIIe Andrée, qui n'avait pas de dot. On
supposa qu'elle avait une passion, et on n'en parla
plus, mais aucun prétendant ne se présenta. La vé-
rité est que les parents de M'10 Andrée avaient élevé
leur fille d'après les grandes traditions, et ils comp-
taient tellement sur son obéissance qu'ils n'avaient'
même pas songé à lui demander si le marquis était
un époux selon son cœur.
— Mais elle aurait pu dire à sa mère qu'elle n'ai-
mait pas le marquis.
— Sa mère n'aurait pas compris.
— Son père?...
— Son père ne l'aurait même pas écoutée.
— Elle pouvait le dire au marquis lui-même.
— Ses parents l'auraient peut-être envoyée dans
un couvent jusqu'à sa majorité.
— Et pourquoi ne l'ont-ils pas fait?
— Parce que M110 Andrée avait achevé son édu-
cation, et qu'il faut une raison pour mettre une jeune
fille au couvent.
— Mais sa réponse à la mairie ?
— Sa réponse la mettait sous la protection de la
loi.
— C'est bizarre.
— C'est très-naturel.
— L'histoire finit là ?
— Non. Le jour où ma mère me raconta ces dé-
tails, je lui demandai ce qu'elle pensait de tout cela.
Elle me répondit qu'elle serait morte de chagrin si
M110 Andrée avait été sa fille.
« J'en parlai à mon père, qui me répondit à son tour
qu'il n'aurait pas eu le courage d'épouser une jeune
fille d'un pareil caractère.
« Le lendemain, à dîner, je leur dis que j'aimais
Andrée, et que je letfr demandais leur consente-
ment pour solliciter sa main. Mon père et ma mère
gardèrent le silence. Je me levai et sortis décidé à
agir.
« J'étais reçu dans la famille d'Andrée. Je me pré-
sentai dans l'après-midi.
« On m'accueillit avec une certaine surprise. Je re-
marqui des préparatifs de départ. Andrée était avec
L'ÉCLIPSÉ, REVUE COMIQUE ILLUSTRÉE
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fut agréé par les parents. Le comte de Fleurey et sa
femme — je tiens l'histoire de bonne source — in-
formèrent le jour même Mlle Andrée de leur résolu-
tion de la marier. C'était un ordre. Elle ne répondit
rien. Le marquis apporta régulièrement des bouquets
pendant un mois.
« Le jour fixé, on se rendit à la mairie.
« — Mademoiselle, dit le maire, consentez-vous
à prendre pour époux le marquis de V..., ici pré-
sent?
« — Non, monsieur, » répondit M110 Andrée.
— Mais, mon cher Horace, si ce que tu me ra-
contes n'est pas un roman, c'est un poëme héroïque.
— Tu vois qu'il ne faut pas juger les jeunes filles
sans les connaître... Le non produisit une impres-
sion de stupeur. Le maire répéta la même ques-
tion.
«—Monsieur, lui dit Andrée, personne ne m'a ja-
mais demandé si ma volonté était d'épouser monsieur
le marquis de V... Puisque je suis consultée aujour-
d'hui, je réponds non. »
« Cette petite histoire se répandit. On blâma géné-
ralement MIIe Andrée, qui n'avait pas de dot. On
supposa qu'elle avait une passion, et on n'en parla
plus, mais aucun prétendant ne se présenta. La vé-
rité est que les parents de M'10 Andrée avaient élevé
leur fille d'après les grandes traditions, et ils comp-
taient tellement sur son obéissance qu'ils n'avaient'
même pas songé à lui demander si le marquis était
un époux selon son cœur.
— Mais elle aurait pu dire à sa mère qu'elle n'ai-
mait pas le marquis.
— Sa mère n'aurait pas compris.
— Son père?...
— Son père ne l'aurait même pas écoutée.
— Elle pouvait le dire au marquis lui-même.
— Ses parents l'auraient peut-être envoyée dans
un couvent jusqu'à sa majorité.
— Et pourquoi ne l'ont-ils pas fait?
— Parce que M110 Andrée avait achevé son édu-
cation, et qu'il faut une raison pour mettre une jeune
fille au couvent.
— Mais sa réponse à la mairie ?
— Sa réponse la mettait sous la protection de la
loi.
— C'est bizarre.
— C'est très-naturel.
— L'histoire finit là ?
— Non. Le jour où ma mère me raconta ces dé-
tails, je lui demandai ce qu'elle pensait de tout cela.
Elle me répondit qu'elle serait morte de chagrin si
M110 Andrée avait été sa fille.
« J'en parlai à mon père, qui me répondit à son tour
qu'il n'aurait pas eu le courage d'épouser une jeune
fille d'un pareil caractère.
« Le lendemain, à dîner, je leur dis que j'aimais
Andrée, et que je letfr demandais leur consente-
ment pour solliciter sa main. Mon père et ma mère
gardèrent le silence. Je me levai et sortis décidé à
agir.
« J'étais reçu dans la famille d'Andrée. Je me pré-
sentai dans l'après-midi.
« On m'accueillit avec une certaine surprise. Je re-
marqui des préparatifs de départ. Andrée était avec
Werk/Gegenstand/Objekt
Titel
Titel/Objekt
M. Adolphe (suite)
Weitere Titel/Paralleltitel
Serientitel
L' Eclipse: journal hebdomadaire politique, satirique et illustré
Sachbegriff/Objekttyp
Inschrift/Wasserzeichen
Aufbewahrung/Standort
Aufbewahrungsort/Standort (GND)
Inv. Nr./Signatur
S 25 / T 6
Objektbeschreibung
Maß-/Formatangaben
Auflage/Druckzustand
Werktitel/Werkverzeichnis
Herstellung/Entstehung
Künstler/Urheber/Hersteller (GND)
Entstehungsort (GND)
Auftrag
Publikation
Fund/Ausgrabung
Provenienz
Restaurierung
Sammlung Eingang
Ausstellung
Bearbeitung/Umgestaltung
Thema/Bildinhalt
Thema/Bildinhalt (GND)
Literaturangabe
Rechte am Objekt
Aufnahmen/Reproduktionen
Künstler/Urheber (GND)
Reproduktionstyp
Digitales Bild
Rechtsstatus
Public Domain Mark 1.0
Creditline
L' Eclipse: journal hebdomadaire politique, satirique et illustré, 10.1877, S. 2_067
Beziehungen
Erschließung
Lizenz
CC0 1.0 Public Domain Dedication
Rechteinhaber
Universitätsbibliothek Heidelberg