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ET DE LA CURIOSITÉ


les amoureux d’art. Depuis 1 exposition des Cent
pastels en 1908 ]usqu’à l’exposition des Petits-maîtres
en 1920, ce grand nom de l’aristocratie française ne
s’est-il pas déclaré synonyme du goût français en se
dévouant à la charmante résurrection de notre xvin°
siècle ? Et c’est notre xvme siècle qui brille au premier
plan de cette collection somptueuse, entre l’originale
école anglaise et Goya, contemporain mystérieusement
puissant de David.

Dans cette collection, consacrée d’abord au siècle
des Grâces, les primitifs sont rares et l'Italie du
quattrocento n’apparaît qu’en deux petits fragments de
cassone, illustration naïve des aventures de Persée.
Nos grands classiques sont absents du xvne .siècle,
uniquement repésenté par la familiarité des écoles du
Nord : à côté de trois menus Téniers pour l’école
flamande, la Hollande intime revit dans plusieurs
cadres : Patineurs, datés de 1630, par Van Goyen,
petits portraits méticuleux de Ter Borch, animaux de
Hondekoeter et de Weenix, marine nuageuse de
Salomon Ruisdael, venue de la vente Rothan (i89o)et
marine dorée de l’admirable Willem van de Velde,
intitulée le Coup de canon.

Coloriste inspirée librement de Van Dyck, l’école
anglaise qui s’épanouit au xvme siècle est avant tout
portraitiste : auprès du Comte de Sandwich par Gains-
borough, le virtuose de l’érudition picturale que fut
sir Joshua Reynolds se montre à son avantage dans
trois portraits, dont deux masculins : l'Hon. Burton
Cunningham (1761) et le Dx John Thomas, évêque de
Rochester, en grand apparat de. robe solennelle et de
perruque poudrée ; mais quel agrément supérieur dans
la délicieuse image de Lady Mary Douglas, d’une vérité
toute britannique et si moderne, avec la grâce enfantine
de ses yeux noirs sous ses blonds cheveux courts ,qui
transparaissent à travers le réseau léger d’un bonnet de
dentelles !

Une vieille dame de Raeburn, contemporain de
Prud’hon, Mrs Campbell, nous rappelle avec un
charme plus recueilli la coiffe de Mme Chardin : por-
trait d’une physionomie pénétrante, venu de la collec-
tion Maurice Kann. Et l’aventureux George Romney
(1734-1802), qui devance étrangement parfois notre
Prud’hon non moins que Goya lui-même, ne triomphe
pas seulement dans le coloris audacieux dont il a
paré Lord Mac Leod, mais dans un simple buste de
Jeune garçon, si délicieusement rose et blond dans sa
veste rouge !

En Espagne, la transition du xviue siècle au xixe
se nomme Goya : réaliste et romanesque en plein âge
classique, amalgame unique de fantaisie fougueuse et
d’observation lucide, le portraitiste aragonais n’a
jamais mieux continué Velâzquez et devancé Manet
que dans le clair portrait de Mlle d’Echauz, marquise
de Monte Hermoso : brune et blanche, à douze ans, dans
sa longue robe de mousseline et tenant de la main
droite un lys, la fillette apparaît singulièrement lumi-
neuse sur un grand fond de vieux parc ; et c’est par ce
décor de sombre verdure que le portrait peint vers
1812 s’apparente aux plus poétiques évocations de
l’école anglaise. Mais, encore plus vivement que
l’aimable page de Reynolds, le chef-d’œuvre de
Goya'donnera des regrets à ceux qui voudraient voir

entrer à notre Louvre des ouvrages aussi typiques!

, A la France, maintenant, de nùus retenir. L’école
française, qui règne en cette collection, commence avec
quelques petits panneaux archaïques: un Louis XI,
coiffé de rouge, de l’école de Jehan Foucquet,.qui
figurait à. l'exposition des Primitifs français en 1904,
où le regretté Bouchot l'attribuait au miniaturiste
Colin d’Amiens; deux portraits d’inconnus, par Cor-
neille de Lyon ; deux autres anonymes ; un remar-
quable Clouet, revenu d’Angleterre et récemment
découvert par Mme de Ganay : M. le Comte de la
Marque, seigneur de Brainnes et aultres lieux. Et, sans
transition, nous voici dans l’enchantement du xvme
siècle où quinze dessins et pastels se révèlent incom-
parables à première vue, parmi quelques estampes
encadrées où s’impose l’Enseigne de Gersaint.

D’abord, en deux cadres, vingt-huit sanguines de
Claude Gillot ;, mais, ici comme au British Muséum et
comme au Louvre enrichi par l’ancienne collection
Mariette, le triomphateur s’appelle Antoine Watteau :
triomphe aussi légitime que peu prémédité par le
dessinateur, avec une simple Feuille d’études aux trois
crayons, — quatre têtes et deux figures féminines, —
posées peut-être par la servante que la Providence de
l’artiste mélancolique avait voulue jolie... Cette feuille
magique suffirait à la gloire d’un musée.

Le pastel rapproche la Rosalba, Drouais, une.
«préparation » venue de la vente "Biron (1914) et que
son accent permet d’attribuer à Perronneau, malgré
l’absence de « préparations » dans son œuvre, et trois
La Tour de premier ordre : une réplique du maître
souriant, par lui-même, un profil mutin de comtesse
anonyme, et Mme de Pompadour en bergère, la houlette
enrubannée sur l’épaule nue. Encore un chef-d’œuvre,
où la fraîcheur du ton le dispute à l’acuité de la phy-
sionomie, ce portrait venu de la collection du comte
de la Béraudière dans la collection Hulot dont la vente
nous le révélait le 1.0 mai 1892 ! Nous le revîmes au
premier rang des Cent pastels, au printemps de 1908 ;
et par la toute-puissance du crayon fragile, à chaque
entrevue le xviii0 siècle semble revivre en l’œuvre du
« magicien », pour reprendre, avec les Goncourt, le
mot que Diderot réservait au bonhomme Chardin.

Le dessin compte encore ici l’une des plus prestes
sépias de FTagonard, venue de la vente Walferdin
(1880) : Vue prise dans le parc de Saint-Cloud ; un très
pur crayon d’Ingres de l’ancienne collection Van
Praet, Portrait de jeune femme, daté de Rome, 1816,
et trois aquarelles d’Eugène Lami, d’un romantisme
demeuré très xvme siècle., à la Musset.

Depuis la Jeune mère de Boucher, les Jeux d’enfants
de Charles-Antoine Coypel et les six panneaux déco-
ratifs de J.-B. Lepr-ince(i 73 3-1 781) jusqu’aux aimables
portraits de la Dauphine Marie-Antoinette, en 1774,
par J.-S. Duplessis, et du Citoyen Vestris II, le danseur,
par Adèle Romany (Salon de 1793), la peinture du
xvme siècle n’est pas négligeable; mais elle excelle
surtout dans un décor de paysage avec Hubert Robert
(le Temple en ruine et l’Escalier du Capitole) et son
continuateur si discrètement personnel, Louis Gabriel
'■Moreau, dit l’Aîné (1740-1806), dont l’Escalier de
pierre, à Saint-Cloud sans doute, nous rappelle en son
cadre ovale et par sa composition spirituelle les deux
 
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