DIX-NEUVIEME ANNEE. — N° 274. /^^^^^SM KfS^ps
ureau de la rédaction et de Iadmiaislration, à Paris fM^pMPl^^^^K^S. Trois mois........16 fr.
PUE ïtV CROISSAIT, IC (DOT&L COLBERT). ^^^^^ÊÊt ^wSÊSÊfWïïm^^^^*
&ÎÊÊÊÊ8kmMËM '' JHMHllFiwtm H^62raSfllf H fU | le? abonnement datent des l°r et 18 de chaqu.; mo:
LE CHARIVARI.
(/M.-
BÉNISSONS A JAMAIS
LE HAYNAU ET SES BIENFAITS.
Le général Haynau est vilipendé pour
avoir rempli loyalement, courageusement
et avec succès le mandat qu'il avait reçu
de son empereur.
(L'Univers du 30 sept. 1850.)
Est-ce que la police de Londres ignore-
rait que M. Ledru-Rollin fait à quelques
recrues d'élite un cours sur l'art des coups
de main révolutionnaires ?
{Idem.)
Votre bénédiction, s'il vous plaît, père Jules Gon-
don; un si saint homme que vous doit avoir un
grand crédit dans le ciel. Faire l'apothéose d'un
bourreau, dénoncer un proscrit dans le même arti-
cle; que cette double effusion de votre cœur est tou-
chante et comme on voit bien qu'il déborde de man-
suétude et de charité chrétienne !
Père Gondon, je ne vous connaissais point, c'est
pour la première fois, il me semble, qne je vois fi-
gurer votre nom dans les saintes colonnes de Y Uni-
vers, niais je sens déjà que je vous aime, votre
bonté me séduit, votre onction m'entraîne. Si ja-
mâ's je prends un confesseur jésuite, c'est vous que
je choisirai.
^'Univers avait besoin d'un homme tel que vous,
^e Père Roux-Lavergne a tout le lourd, le pâteux,
e fondant d'un oratorien ; le père Eugène Veuil-
ot est bon tout au plus à faire un régent de septiè-
me ^ans une de nos pieuses maisons d'éducation ; le
Père Louis Veuillot n'est point sans quelque utilité
a notre sainte cause, mais il se souvient trop souvent
1U » a traîné la plume dans les corps de garde mi-
n'stériels, c'est un ancien sacre, un vieux bretteur
I"1 sacrifie plus qu'il ne faudrait au désir mon-
am de montrer son esprit profane. Un jésuite n'est
sPintuel que lorsque son intérêt l'exige.
■kQ ! père Gondon, quelle excellente recrue nous
avons faite en vous ! Avant d'être spirituel, vous
Songez à être sincère. Pouvions-nous, en effet, lais-
Ser insu-lter le loyal Haynau sans abandonner làche-
ttent notre drapeau ? Qu'a fuit ce digne militaire,
^on continuer la tradition que nous avons perfec-
onnee à l'époque des dragonnades et dont l'origine
Se Perd dans la nuit de l'histoire?
st-ce la première fois, par hasard, qu'on voit des
, .res ûattus, fusillés, pendus pour la plus grande
™ de Dieu ?
Louis XIV hésita-t-il à frapper les solitaires et les
religieuses de Port-Royal, à bouleverser leur demeu-
re, à les placer entre l'exil et la persécution?
Fouetter des femmes ! cela s'est vu à Nîmes en
1815, à l'époque bienheureuse de la restauration;
la religion en a gémi, il est vrai, parce que ce n'est
point là un spectacle propre à inspirer des pensées
pieuses, mais les casuistes ont toujours rangé le cas
dans la simple catégorie des péchés véniels.
Oui, père Gondon, cette simple réhabilitation de
Haynau, ce modèle de loyauté chevaleresque, ce
Bayard de l'absolutisme a plus fait pour la sainte
cause de la religion que toutes les tartines plus ou les principaux journaux de Paris, tels que le Siècle,
dement-Laboulie devait avoir pourtffet immédiat
de mettre en lumière les noms des véritables rédac-
teurs des journaux ; les rédacteurs postiches, les
mannequins importans, les directeurs de paille, ani-
maux à deux pattes, sans plume, suivant la défi-
nition de Platon, rentraient du coup dans une obs-
curité trop légitime. Voilà huit jours que la loi est
en cours d'exécution et la formalité de la signature
n'a guère révélé que le secret de la comédie. Le pu-
blic n'avait pas besoin de lire des noms imprimés
en toutes lettres au bas d'un article pour savoir que
moins ironiques du père Louis Veuillot. Il avait ré
habilité l'inquisition, il est vrai, et c'était déjà assez
fort de hardiesse ; d'un bond, vous le dépassez, vous
chantez les louanges de l'échafaud. Le père Veuillot
n'exaltait que les juges, vous c'est l'exécuteur des
hautes-œuvres que vous mettez sur le piédestal.
Il y a longtemps, père Gondon, que les âmes vrai-
ment chrétiennes n'avaient été réjouies par la venue
d'un aussi joli jésuite que vous. Au courage vous
savez joindre la finesse, l'astuce à la témérité. Que
j'aime cette insinuation à l'égard de M. Ledru-Rol-
lin, et que je suis épris de cette invention du cours
de savate révolutionnaire que l'ancien membre du
gouvernement provisoire vient d'ouvrir à Londres,
à la barbe de l'aristocratie ! Ne vous ferez-vous pas
bientôt écrire d'Angleterre, cher Père Gondon, une
lettre dans laquelle on vous annoncera qu'on a vu
M. Ledru-Rollin lui-même déguisé en garçon bras-
seur, donnant aux ouvriers de l'usine Barclay-Pev-
kins le signal et l'exemple des coups de fouet à ce
noble et loyal Haynau ?
La calomnie, cher père, ne négligeons pas la ca-
lomnie ! Dieu roit loué, il existe encore des hommes
qui savent s'en servir. Il ne faut pas désespérer du
triomphe de la véritable religion
TAXILE DELOBD.
LE DÉBUT D'UN CONFRÈRE.
Si quelqu'un est fondé à se plaindre de la loi-La-
boulie, c'est assurément le docteur Véron ; cette loi
le place, en effet, dans la situation la plus pénible
où puisse se trouver un homme qui passe générale-
ment pour aimer ses aises.
En décrétant l'obligation de la signature, l'amen-
le National, Y Evénement, la Presse, etc., n'avaient
pas des directeurs purement honoraires. Le Journal
des Débats, moins heureux, cherche à se tirer d'af-
faire avec sa finesse habituelle ; le Constitutionnel
paie d'audace, sans pourtant parvenir à cacher son
embarras.
L'animal à deux pattes, sans plume, est assez
pour faire un homme, si l'on en croit Platon, mais
dans le temps où nous sommes, pour faire un direc-
teur de journal, la plume n'est pas de trop. Le doc-
teur Véron ne l'ignore pas, car si l'on ne peut, sans
reculer les bornes de la flatterie, lui accorder un ta-
lent d'écrivain, il a du moins assez de tact pour re-
connaître les nécessités de certaines situations. On
exige maintenant des directeurs sérieux, s'est dit le
docteur, je serai un directeur sérieux !
Funeste extrémité où cet homme de plaisir est
acculé par l'amendement-Laboulie ! Etre forcé d'ap-
prendre en vingt-quatre heures ce rude métier d'é-
crivain, dans lequel, même lorsqu'on est passé
maître, on reste toujours apprenti, se mettre tout à
coup à limer des phrases, quand on n'avait encore
occupé ses matinées qu'à se limer les ongles, quelle
expiation cruelle de l'oisiveté passée, des succès fa-
ciles, d'une importance d'emprunt ! Mais aussi qui
obligeait le docteur Véron à prendre la plume? Que
n'imitait-il la réserve prudente de M. Bertin (des
Débats) ou de ces évêques in partibus infidelium
qui se gardent bien de paraître dans leur prétendu
diocèse situé au bout du monde, chez des païens, à
Zanguebar ou à Tombouctou !
— Boin ! dit le docteur à son valet de chambre.
— Monsieur.
— On me trouvera peut-être un peu mûr pour
débuter dans les lettres.
— J.-J. Rousseau avait quarante ans lorsqu'il
publia son premier ouvrage.
— En es-tu bien sûr, Boin ?
ureau de la rédaction et de Iadmiaislration, à Paris fM^pMPl^^^^K^S. Trois mois........16 fr.
PUE ïtV CROISSAIT, IC (DOT&L COLBERT). ^^^^^ÊÊt ^wSÊSÊfWïïm^^^^*
&ÎÊÊÊÊ8kmMËM '' JHMHllFiwtm H^62raSfllf H fU | le? abonnement datent des l°r et 18 de chaqu.; mo:
LE CHARIVARI.
(/M.-
BÉNISSONS A JAMAIS
LE HAYNAU ET SES BIENFAITS.
Le général Haynau est vilipendé pour
avoir rempli loyalement, courageusement
et avec succès le mandat qu'il avait reçu
de son empereur.
(L'Univers du 30 sept. 1850.)
Est-ce que la police de Londres ignore-
rait que M. Ledru-Rollin fait à quelques
recrues d'élite un cours sur l'art des coups
de main révolutionnaires ?
{Idem.)
Votre bénédiction, s'il vous plaît, père Jules Gon-
don; un si saint homme que vous doit avoir un
grand crédit dans le ciel. Faire l'apothéose d'un
bourreau, dénoncer un proscrit dans le même arti-
cle; que cette double effusion de votre cœur est tou-
chante et comme on voit bien qu'il déborde de man-
suétude et de charité chrétienne !
Père Gondon, je ne vous connaissais point, c'est
pour la première fois, il me semble, qne je vois fi-
gurer votre nom dans les saintes colonnes de Y Uni-
vers, niais je sens déjà que je vous aime, votre
bonté me séduit, votre onction m'entraîne. Si ja-
mâ's je prends un confesseur jésuite, c'est vous que
je choisirai.
^'Univers avait besoin d'un homme tel que vous,
^e Père Roux-Lavergne a tout le lourd, le pâteux,
e fondant d'un oratorien ; le père Eugène Veuil-
ot est bon tout au plus à faire un régent de septiè-
me ^ans une de nos pieuses maisons d'éducation ; le
Père Louis Veuillot n'est point sans quelque utilité
a notre sainte cause, mais il se souvient trop souvent
1U » a traîné la plume dans les corps de garde mi-
n'stériels, c'est un ancien sacre, un vieux bretteur
I"1 sacrifie plus qu'il ne faudrait au désir mon-
am de montrer son esprit profane. Un jésuite n'est
sPintuel que lorsque son intérêt l'exige.
■kQ ! père Gondon, quelle excellente recrue nous
avons faite en vous ! Avant d'être spirituel, vous
Songez à être sincère. Pouvions-nous, en effet, lais-
Ser insu-lter le loyal Haynau sans abandonner làche-
ttent notre drapeau ? Qu'a fuit ce digne militaire,
^on continuer la tradition que nous avons perfec-
onnee à l'époque des dragonnades et dont l'origine
Se Perd dans la nuit de l'histoire?
st-ce la première fois, par hasard, qu'on voit des
, .res ûattus, fusillés, pendus pour la plus grande
™ de Dieu ?
Louis XIV hésita-t-il à frapper les solitaires et les
religieuses de Port-Royal, à bouleverser leur demeu-
re, à les placer entre l'exil et la persécution?
Fouetter des femmes ! cela s'est vu à Nîmes en
1815, à l'époque bienheureuse de la restauration;
la religion en a gémi, il est vrai, parce que ce n'est
point là un spectacle propre à inspirer des pensées
pieuses, mais les casuistes ont toujours rangé le cas
dans la simple catégorie des péchés véniels.
Oui, père Gondon, cette simple réhabilitation de
Haynau, ce modèle de loyauté chevaleresque, ce
Bayard de l'absolutisme a plus fait pour la sainte
cause de la religion que toutes les tartines plus ou les principaux journaux de Paris, tels que le Siècle,
dement-Laboulie devait avoir pourtffet immédiat
de mettre en lumière les noms des véritables rédac-
teurs des journaux ; les rédacteurs postiches, les
mannequins importans, les directeurs de paille, ani-
maux à deux pattes, sans plume, suivant la défi-
nition de Platon, rentraient du coup dans une obs-
curité trop légitime. Voilà huit jours que la loi est
en cours d'exécution et la formalité de la signature
n'a guère révélé que le secret de la comédie. Le pu-
blic n'avait pas besoin de lire des noms imprimés
en toutes lettres au bas d'un article pour savoir que
moins ironiques du père Louis Veuillot. Il avait ré
habilité l'inquisition, il est vrai, et c'était déjà assez
fort de hardiesse ; d'un bond, vous le dépassez, vous
chantez les louanges de l'échafaud. Le père Veuillot
n'exaltait que les juges, vous c'est l'exécuteur des
hautes-œuvres que vous mettez sur le piédestal.
Il y a longtemps, père Gondon, que les âmes vrai-
ment chrétiennes n'avaient été réjouies par la venue
d'un aussi joli jésuite que vous. Au courage vous
savez joindre la finesse, l'astuce à la témérité. Que
j'aime cette insinuation à l'égard de M. Ledru-Rol-
lin, et que je suis épris de cette invention du cours
de savate révolutionnaire que l'ancien membre du
gouvernement provisoire vient d'ouvrir à Londres,
à la barbe de l'aristocratie ! Ne vous ferez-vous pas
bientôt écrire d'Angleterre, cher Père Gondon, une
lettre dans laquelle on vous annoncera qu'on a vu
M. Ledru-Rollin lui-même déguisé en garçon bras-
seur, donnant aux ouvriers de l'usine Barclay-Pev-
kins le signal et l'exemple des coups de fouet à ce
noble et loyal Haynau ?
La calomnie, cher père, ne négligeons pas la ca-
lomnie ! Dieu roit loué, il existe encore des hommes
qui savent s'en servir. Il ne faut pas désespérer du
triomphe de la véritable religion
TAXILE DELOBD.
LE DÉBUT D'UN CONFRÈRE.
Si quelqu'un est fondé à se plaindre de la loi-La-
boulie, c'est assurément le docteur Véron ; cette loi
le place, en effet, dans la situation la plus pénible
où puisse se trouver un homme qui passe générale-
ment pour aimer ses aises.
En décrétant l'obligation de la signature, l'amen-
le National, Y Evénement, la Presse, etc., n'avaient
pas des directeurs purement honoraires. Le Journal
des Débats, moins heureux, cherche à se tirer d'af-
faire avec sa finesse habituelle ; le Constitutionnel
paie d'audace, sans pourtant parvenir à cacher son
embarras.
L'animal à deux pattes, sans plume, est assez
pour faire un homme, si l'on en croit Platon, mais
dans le temps où nous sommes, pour faire un direc-
teur de journal, la plume n'est pas de trop. Le doc-
teur Véron ne l'ignore pas, car si l'on ne peut, sans
reculer les bornes de la flatterie, lui accorder un ta-
lent d'écrivain, il a du moins assez de tact pour re-
connaître les nécessités de certaines situations. On
exige maintenant des directeurs sérieux, s'est dit le
docteur, je serai un directeur sérieux !
Funeste extrémité où cet homme de plaisir est
acculé par l'amendement-Laboulie ! Etre forcé d'ap-
prendre en vingt-quatre heures ce rude métier d'é-
crivain, dans lequel, même lorsqu'on est passé
maître, on reste toujours apprenti, se mettre tout à
coup à limer des phrases, quand on n'avait encore
occupé ses matinées qu'à se limer les ongles, quelle
expiation cruelle de l'oisiveté passée, des succès fa-
ciles, d'une importance d'emprunt ! Mais aussi qui
obligeait le docteur Véron à prendre la plume? Que
n'imitait-il la réserve prudente de M. Bertin (des
Débats) ou de ces évêques in partibus infidelium
qui se gardent bien de paraître dans leur prétendu
diocèse situé au bout du monde, chez des païens, à
Zanguebar ou à Tombouctou !
— Boin ! dit le docteur à son valet de chambre.
— Monsieur.
— On me trouvera peut-être un peu mûr pour
débuter dans les lettres.
— J.-J. Rousseau avait quarante ans lorsqu'il
publia son premier ouvrage.
— En es-tu bien sûr, Boin ?