QUARANTE-SEPTIÈME ANNÉE Prix du Numéro : 25 centimes
MERCREDI 1" MAI 1878
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Trois mois ... 18 fr.
Six mois. 36 —
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DIRECTION
Politique, Littéraire et Artistique
PIERRE VÉRON
Rédacteur en Chef.
BUREAUX
DE LA RÉDACTION ET DE L’ADMINISTRATION
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Rédacteur en Cltef.
ANNONCES
ADOLPHE EWIG, fermier de la publicité
Baie ’ïaiftüjaait, 10*
i
Les souscripteurs dont l’abonnement expire
le 30 avril sont pries de le renouveler
immédiatement s'ils ne ventent pas éprouver
«'interruption dans l’envoi du journal.
BULLETIN POLITIQUE
Nous regrettons vivement que la proposition, si
habilement défendue par son auteur, M. Camille
Sée, n’ait pas été votée par la Chambre.
Les arguments éloquemment mis en lumière par
le jeune et vaillant député delà Seine, sont de ceux
qui ne se rétutent pas.
On a parlé de l’encombrement et du danger que
pourrait produire une affluence trop considérable.
M. Camille Sée a répondu que l’Exposition pou-
vait contenir 300,000 personnes, ce qui est un joli
chiffre déjà.
«Mais, a-t-il ajouté, comme il faut prévoir toutes
les hypothèses, je suppose qu’il sc présente plus de
300,000 personnes, et, pour rendre l’hypothèse in-
vraisemblable, je suppose qu’elles se présentent
non pas de sept heures du matin à deux heures de
l'après-midi, mais à la même heure. Les laissera-t-
on entrer toutes à la fois? Non, messieurs, on lais-
sera pénétrer 300,000 personnes, et les dernières
venues n’entreront, qu’au fur et à mesure de la sor-
tie des premières arrivées.
«Immédiatement, on nous objecte : Que répon-
drez-vous aux réclamations, aux protestations de
ceux que vous obligerez à attendre leur tour d’en-
trée? Comprendront-ils qu’on leur refuse, un jour
de gratuité, les portes de l’Exposition? Ne crai-
gnez-vous pas les poussées, le tumulte, qui sait?
une émotion populaire ?
» Non, messieurs, ce sont là des mesures que l’on
prend tous les jours, même lorsque l’entrée n’est
pas gratuite. »
Quand 300,000 personnes seront déjà à l’intérieur
de l’Exposition, il y a peu de chances popr que
l’affluence au dehors soit considérable.
Dans tous les cas, les craintes de tumulte sont
absurdes et réfutées d’avance par l’expérience.
Au Salon, l’entrée est gratuite le dimanche,
,.Là> l’exiguïté du local fait que le nombre des
est forcément restreint, et que celui des ap-
qui doivent faire queue au dehors est, au
C°S’est Tl’ •f°rt consirïérable.
’ fer Jamais Produit le moindre désordre, alors
00 les P°rtes eu attendant que les sor-
ties eussent fan deU?
Jamais.
Les objections financières ont été également ré-
futées par • i e ée, et sa conclusion chaude-
ment applaudie, est que la gratuité du dimanche
— que ce soit le pouvoir exécutif 0u le pouvoir
législatif qui intervienne — est la seule solution
qui puisse être utilement. et équitablement adoptée.
« Je dis plus, a-t-il dit en terminant, c’est une so-
lution qui s’impose ou à vous, ministres, qui ne
pouvez pas ne pas convier au moins un jour par
semaine tous les citoyens et leurs familles à la pre-
mière fête qu’au bout de neuf ans vous avez mis-
sion d’organiser au nom du peuple français... ou
bien alors à nous, qui ne pouvons pas davantage
ne pas appeler toute la France à prendre sa part à
une fête qui est comme le symbole même de la Ré-
publique : l’intelligence mise au service de la paix ! »
Nous ajouterons, nous, que le parti républicain
doit à M. Camille Sée une vraie reconnaissance pour
l’opportune initiative qu'il a su prendre.
Sans cette initiative, en effet, c’étaient les monar-
chistes qui, pour se donner un vernis de popularité)
auraient proposé la gratuité.
On l’a bien vu au zèle déployé par MM. Baudry-
d’Asson et d’Oruano, pour tâcher de tirer profit de
l’idée au bénéfice de leurs partis respectifs.
Si donc, par des motifs que, pour notre part,
nous déclarons non valables, on a cru devoir sub-
stituer à la formule catégorique et nette de M. Ca-
mille Sée un vœu d’une banalité tant soit peu éva-
sive, il n’en faut pas moins se souvenir que le jour
où il a, au nom de la gauche, attaché le grelot,
M. Sée, en même temps qu’il émettait une idée gé-
néreuse et juste, faisait vraiment preuve d’esprit
politique.
Car il a empêché les adversaires de la démocratie
de se parer des plumes du paon.
Pierre Véron.
-—--
PAVÉ
Le succès, dès à présent assuré, de l’Exposition,
continue à exaspérer les bons patriotes de la réac-
tion.
Le Français est naturellement du nombre des fu-
ribonds.
On va illuminer et son Petit Duc est à bas ! Que de
fiel entre dans l’âme de ces dévêts !
Ils en perdent la tête, au point d’écrire de ces
choses :
« Il était déjà bien liardi et peut-être peu séant
de vouloir recevoir tant de monde, donner des fêtes
si bruyantes, y inviter tous ceux qui, dans nos
jours de malheur, avaient été indifférents ou enne-
mis, et cela quand nous étions encore en deuil
quand nos plaies intérieures ou extérieures étaient
toujours saignantes, quand la France n’avait pas
encore repris son rang dans les conseils de l’Eu-
rope, quand nos dissensions intérieures étaient en-
core aussi aiguës, quand notre commerce et notre
industrie étaient en pleine crise ; c’était notre ob-
jection conlre l’Exposition et la seule raison de
notre réserve. Mais faut-il que cette situation, déjà
pénible, soit encore aggravée par les éclats vrai-
ment indécents de la presse radicale ! »
S’il était peu séant du faire une Exposition univer-
selle, pourquoi, après le 16 mai, dès qu’ils ont tenu
le pouvoir, les ministres selon le cœur du Français
se sont-ils hâtés de déclarer que leur avènement
allait donner une impulsion nouvelle aux travaux?
Nous mettrons sous les yeux du Français, s’il le
désire, des preuves de la tendresse, que, soudain,
Petit Duc et Compagnie ressentirent pour la grande
fête des nations.
C’est qu’alors (ô illusions déçues !) Petit-Duc
et Compagnie s’imaginaient que c’étaient eux qui
présideraient à la cérémonie d’ouverture.
Le Français a tort de forcer le public à comparer
ses dénigrements d’aujourd’hui aux lyrismes d’hier.
Il rappelle ainsi les déconvenues de son patron,
et atteste que M. de Broglie est aussi vindicatif
qu’incapable.
Ce qui n’est pas peu dire, ô mon Dieu!
Paul Girard.
--♦—--—-——
LE PAPE
A voir, hélas ! comment agissent certains repré -
sentants des religions d’ici-bas, on serait tenté de
faire dire, avec variante, à ces religieux-là le vers
de La Fontaine :
Notre ennemi, c’est notre prêtre !
Il semblerait, en effet, que trop souvent le fana-
tisme et le mercantilisme fusionnés prennent à
tâche de déconsidérer la foi et de déshonorer la di-
vinité.
Victor Hugo, dans la grande œuvre qu’il vient de
faire paraître, a entrepris de défendre la foi contre
la superstition et Dieu contre les exploiteurs.
L’heure était propice pour cette publication.
L’inventeur du Syllàbus vient de descendre dans
la tombe.
Un nouveau pontife débute dans ce rôle écrasant
avec l’inséparable émotion.
Pouvait-on trouver un moment plus opportun
pour donner à l’esprit humain le grand enseigne-
ment qui jaillit des admirables vers du poète?
Victor Hugo a d’autant plus d’autorité quand il
stigmatise les aberrations de Pultramoutanisme,
que son spitualisme inspiré ne s’est jamais dé-
menti.
Ce n’est pas un ennemi de la croyance qui parle.
C’est un indigné qui, au nom même de cette croyan-
ce, veut, selon l’expression connue, écheniller Dieu.
La conception du Pape est aussi belle que sim-
ple.
Un prologue d’un demi-vers ,
Le pape s’endort.
Et en songe, il se voit parlant, pensant, agissant,
comme devrait parler, penser et agir le représentant
de la fraternité et de la mansuétude.
Tous les abus le révoltent, toutes les souffrances
l’attirent.
Il a des compassions pour tout ce qui souffre, des
réprobations pour tout ce qui meut.
Et, remontant ainsi jusqu’à l’origine même de
la papauté, il se voit revenant à Jérusalem, après
avoir dit adieu aux pompes usurpées du pouvoir
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«'interruption dans l’envoi du journal.
BULLETIN POLITIQUE
Nous regrettons vivement que la proposition, si
habilement défendue par son auteur, M. Camille
Sée, n’ait pas été votée par la Chambre.
Les arguments éloquemment mis en lumière par
le jeune et vaillant député delà Seine, sont de ceux
qui ne se rétutent pas.
On a parlé de l’encombrement et du danger que
pourrait produire une affluence trop considérable.
M. Camille Sée a répondu que l’Exposition pou-
vait contenir 300,000 personnes, ce qui est un joli
chiffre déjà.
«Mais, a-t-il ajouté, comme il faut prévoir toutes
les hypothèses, je suppose qu’il sc présente plus de
300,000 personnes, et, pour rendre l’hypothèse in-
vraisemblable, je suppose qu’elles se présentent
non pas de sept heures du matin à deux heures de
l'après-midi, mais à la même heure. Les laissera-t-
on entrer toutes à la fois? Non, messieurs, on lais-
sera pénétrer 300,000 personnes, et les dernières
venues n’entreront, qu’au fur et à mesure de la sor-
tie des premières arrivées.
«Immédiatement, on nous objecte : Que répon-
drez-vous aux réclamations, aux protestations de
ceux que vous obligerez à attendre leur tour d’en-
trée? Comprendront-ils qu’on leur refuse, un jour
de gratuité, les portes de l’Exposition? Ne crai-
gnez-vous pas les poussées, le tumulte, qui sait?
une émotion populaire ?
» Non, messieurs, ce sont là des mesures que l’on
prend tous les jours, même lorsque l’entrée n’est
pas gratuite. »
Quand 300,000 personnes seront déjà à l’intérieur
de l’Exposition, il y a peu de chances popr que
l’affluence au dehors soit considérable.
Dans tous les cas, les craintes de tumulte sont
absurdes et réfutées d’avance par l’expérience.
Au Salon, l’entrée est gratuite le dimanche,
,.Là> l’exiguïté du local fait que le nombre des
est forcément restreint, et que celui des ap-
qui doivent faire queue au dehors est, au
C°S’est Tl’ •f°rt consirïérable.
’ fer Jamais Produit le moindre désordre, alors
00 les P°rtes eu attendant que les sor-
ties eussent fan deU?
Jamais.
Les objections financières ont été également ré-
futées par • i e ée, et sa conclusion chaude-
ment applaudie, est que la gratuité du dimanche
— que ce soit le pouvoir exécutif 0u le pouvoir
législatif qui intervienne — est la seule solution
qui puisse être utilement. et équitablement adoptée.
« Je dis plus, a-t-il dit en terminant, c’est une so-
lution qui s’impose ou à vous, ministres, qui ne
pouvez pas ne pas convier au moins un jour par
semaine tous les citoyens et leurs familles à la pre-
mière fête qu’au bout de neuf ans vous avez mis-
sion d’organiser au nom du peuple français... ou
bien alors à nous, qui ne pouvons pas davantage
ne pas appeler toute la France à prendre sa part à
une fête qui est comme le symbole même de la Ré-
publique : l’intelligence mise au service de la paix ! »
Nous ajouterons, nous, que le parti républicain
doit à M. Camille Sée une vraie reconnaissance pour
l’opportune initiative qu'il a su prendre.
Sans cette initiative, en effet, c’étaient les monar-
chistes qui, pour se donner un vernis de popularité)
auraient proposé la gratuité.
On l’a bien vu au zèle déployé par MM. Baudry-
d’Asson et d’Oruano, pour tâcher de tirer profit de
l’idée au bénéfice de leurs partis respectifs.
Si donc, par des motifs que, pour notre part,
nous déclarons non valables, on a cru devoir sub-
stituer à la formule catégorique et nette de M. Ca-
mille Sée un vœu d’une banalité tant soit peu éva-
sive, il n’en faut pas moins se souvenir que le jour
où il a, au nom de la gauche, attaché le grelot,
M. Sée, en même temps qu’il émettait une idée gé-
néreuse et juste, faisait vraiment preuve d’esprit
politique.
Car il a empêché les adversaires de la démocratie
de se parer des plumes du paon.
Pierre Véron.
-—--
PAVÉ
Le succès, dès à présent assuré, de l’Exposition,
continue à exaspérer les bons patriotes de la réac-
tion.
Le Français est naturellement du nombre des fu-
ribonds.
On va illuminer et son Petit Duc est à bas ! Que de
fiel entre dans l’âme de ces dévêts !
Ils en perdent la tête, au point d’écrire de ces
choses :
« Il était déjà bien liardi et peut-être peu séant
de vouloir recevoir tant de monde, donner des fêtes
si bruyantes, y inviter tous ceux qui, dans nos
jours de malheur, avaient été indifférents ou enne-
mis, et cela quand nous étions encore en deuil
quand nos plaies intérieures ou extérieures étaient
toujours saignantes, quand la France n’avait pas
encore repris son rang dans les conseils de l’Eu-
rope, quand nos dissensions intérieures étaient en-
core aussi aiguës, quand notre commerce et notre
industrie étaient en pleine crise ; c’était notre ob-
jection conlre l’Exposition et la seule raison de
notre réserve. Mais faut-il que cette situation, déjà
pénible, soit encore aggravée par les éclats vrai-
ment indécents de la presse radicale ! »
S’il était peu séant du faire une Exposition univer-
selle, pourquoi, après le 16 mai, dès qu’ils ont tenu
le pouvoir, les ministres selon le cœur du Français
se sont-ils hâtés de déclarer que leur avènement
allait donner une impulsion nouvelle aux travaux?
Nous mettrons sous les yeux du Français, s’il le
désire, des preuves de la tendresse, que, soudain,
Petit Duc et Compagnie ressentirent pour la grande
fête des nations.
C’est qu’alors (ô illusions déçues !) Petit-Duc
et Compagnie s’imaginaient que c’étaient eux qui
présideraient à la cérémonie d’ouverture.
Le Français a tort de forcer le public à comparer
ses dénigrements d’aujourd’hui aux lyrismes d’hier.
Il rappelle ainsi les déconvenues de son patron,
et atteste que M. de Broglie est aussi vindicatif
qu’incapable.
Ce qui n’est pas peu dire, ô mon Dieu!
Paul Girard.
--♦—--—-——
LE PAPE
A voir, hélas ! comment agissent certains repré -
sentants des religions d’ici-bas, on serait tenté de
faire dire, avec variante, à ces religieux-là le vers
de La Fontaine :
Notre ennemi, c’est notre prêtre !
Il semblerait, en effet, que trop souvent le fana-
tisme et le mercantilisme fusionnés prennent à
tâche de déconsidérer la foi et de déshonorer la di-
vinité.
Victor Hugo, dans la grande œuvre qu’il vient de
faire paraître, a entrepris de défendre la foi contre
la superstition et Dieu contre les exploiteurs.
L’heure était propice pour cette publication.
L’inventeur du Syllàbus vient de descendre dans
la tombe.
Un nouveau pontife débute dans ce rôle écrasant
avec l’inséparable émotion.
Pouvait-on trouver un moment plus opportun
pour donner à l’esprit humain le grand enseigne-
ment qui jaillit des admirables vers du poète?
Victor Hugo a d’autant plus d’autorité quand il
stigmatise les aberrations de Pultramoutanisme,
que son spitualisme inspiré ne s’est jamais dé-
menti.
Ce n’est pas un ennemi de la croyance qui parle.
C’est un indigné qui, au nom même de cette croyan-
ce, veut, selon l’expression connue, écheniller Dieu.
La conception du Pape est aussi belle que sim-
ple.
Un prologue d’un demi-vers ,
Le pape s’endort.
Et en songe, il se voit parlant, pensant, agissant,
comme devrait parler, penser et agir le représentant
de la fraternité et de la mansuétude.
Tous les abus le révoltent, toutes les souffrances
l’attirent.
Il a des compassions pour tout ce qui souffre, des
réprobations pour tout ce qui meut.
Et, remontant ainsi jusqu’à l’origine même de
la papauté, il se voit revenant à Jérusalem, après
avoir dit adieu aux pompes usurpées du pouvoir