QUARANTE-SEPTIÈME ANNÉE Prix du Numéio;25 centimes LUNDI-MARDI l«*-2 JUILLET 1878
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Six mois. 36 —
Un an. "2 —
Les abonnements ■partent des et i 6 de chaque mois.
DIRECTION
Politique) Littéraire et Artistique
PIERRE VÉRON
Rédacteur en Chef.
BUREAUX
DE LA RÉDACTION ET DE L’ADMINISTRATION
Bue Kossimi, SO.
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L’abonnement d un an donne droit à la prime gratis.
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Politique, Littéraire et Artistique
PIERRE VÉRON
Rédacteur en Chef.
ANNONCES-
ADOLPHE EWIG, FERMIER DE LA PUBLICITÉ
Hue Fléchier, 2.
LE
LA SEMAINE DE LA BOURSE
Du boulevard des Italiens,
Dimanche 30 juin 1878.
Monsieur le rédacteur,
Je ne sais trop, en vérité, que vous dire.
Où en sommes-nous? Où vons-je? comme dirait
le Tintamarre. Je crois que nous n’allons nulle part.
Nous boulottons. Peu d’affaires,, et pourtant des
variations assez sensibles, voilà la semaine.
De la faiblesse le premier jour, sans autre cause
que de grosses réalisations sur les prix élevés cotés
à l’ouverture de la Bourse, qui ne se sont pas
maintenus longtemps.
Les baissiers ont la candeur de croire à de mau-
vaises nouvelles de Berlin ; Alpaga montre même
une dépêche annonçant un lemps d’arrêt dans les
opérations du congrès, et là-dessus, à la fin de la
Bourse de lundi, l’Emprunt tombe aux environs de
113 fr., ce qui est un mince triomphe après la pous-
sée que nous venons d’avoir ; mais Alpaga sait se
contenter de peu.
On monte de plus de 2 francs, on réaetionne de
30 centimes, et e’est assez pour que les baissiers se
mettent à fredonner la vieille romance :
Quand tout renaît à l’espérance,
Quand l’hirondelle est de retour.
Le relour de l’hirondelle, c’est pour eux le retour
de la baisse.
La dernière défaite des vendeurs.
Mais la désillusion vient vite, car, dès mardi, la
Bourse se rassure, et les nouvelles qui arrivent
successivement de Berlin, de Londres et de Vienne
la confirment dans son optimisme bien connu.
Alpaga essaie encore de fredonner sa vieille ro-
mance du bout des dents, la Bourse comprend que,
dès que la question de la Bulgarie peut être consi-
dérée comme réglée, il n’y a plus à douter de la
paix, et la hausse reprend son petit bonhomme de
chemin, à pas lents, mais sûrs. Les acheteurs, d’ail-
leurs, savent très-bien que la campagne de hausse
enfrêprise par les meneurs ne sera pas abandonnée
par eux dans ce moment, et quelle sera continuée
au moins jusqu’à la liquidation, et ils se fient
là-dessus. v
Dans la Bourse de mercredi, ce sont les vendeurs
de primes qui ont pris le trac, et en se rachetant ils
ont porté l’Emprunt à 113 50. J’ai vu un de ces mal-
heureux vendeurs courir la poste, et comme je lui
en demaodais la raison :
— Mon cher Gastorine, me répondit-il, j’ai vendu
àü début, de la Bourse des primes à 113 50 dont 25,
et je me couvre, car avec ces scélérats de meneurs
il faut s’attendie à tout.
Et il a bien fait, car le lendemain l’Emprunt fai-
sait à la fin de la Bourse 113 70. La veille de la ré-
ponse, c’est-à-dire vendredi, il s’est produit une
légère réaction sur ces hauts cours, mais la baisse
n’a pas beaucoup duré.
Calme et ferme.
A part des petites postes de vendeurs de primes
et quelques escarmouches entre Vendeurs et ache-
teurs en vue de la réponse des primes, tous les
mouvements se produisent dans un milieu assez
calme.
Je suis quelque peu incrédule de ma nature, et
je ne crois pas à un enlèvement des cours pour la
liquidation. Cela arriverait pourtant que je n’en se-
rais pas trop étonné.
Pour le moment la fermeté du marché est vrai-
ment extraordinaire.
Hier samedi, la réponse des primes qui avait lieu
par anticipation, le dernier jour du mois étant un
dimanche, s’est effectuée dans des cours élevés, si-
non les plus élevés.
Sur l’Emprunt, elle s’est faite à 113 40, et presque
toutes les primes ont été levées.
Ou s’attendait à un peu de faiblesse après la ré-
ponse des primes. En effet, quand on achète des
primes et que les cours de la réponse exigent qu’on
les lève, la tactique usuelle est de les revendre, car
autrement il vaudrait autant acheter du terme, cela
reviendrait même à meilleur marché.
Eh bien ! pas du tout; ceux qui ont levé des pri-
mes n’ont pas revendu, et la bonne tenue des cours
a pu se maintenir sans obstacle jusqu’à la fin de la
Bourse.
Voyez plutôt les cours de clôture :
Emprunt, 113 60 ;
3 0/0, 76 25 ;
Italien, 77 30.
A demain la liquidation de la Rente.
Comment se fera-t-elle? C’est de quoi,n’étant pas
prophète, je ne pourrai vous parler que dans ma
prochaine lettre. Je me bornerai pour le moment à
vous dire que les reports s’annoncent comme de-
vant être plus tendus qu’à l’ordiuaire.
Les valeurs.
Les honneurs de la semaine reviennent de droit
aux valeurs, à celles surtout qui se traitent sur le
marché en banque, comme le Hongrois, le Russe,
le Florin, le Turc, etc., etc., qui toutes ont vu leurs
cours s’améliorer notablement.
Sur le Turc, on ne touche rien depuis longtemps,
comme on sait, et, s’il monte, ce n’est que sur des
espérances de voir la question financière de l’em-
pire ottoman réglée par le congrès ; mais sur le
Russe et le Hongrois on détache le coupon dans les
premiers jours de juillet, et c’est là certainement
un appât pour les acheteurs.
Je vous ai d’ailleurs dit souvent que la paix de-
vait amener une forte hausse sur ces divers fonds.
Le 6 0/0 hongrois, par exemple, va détacher un
coupon de 3 0/0. Il est resté hier à 82 ; il ressort
donc, coupon détaché, à 79 ; et, à ce prix, il donne
un intérêt de 7 3/4 0/0 environ. Les acheteurs
pensent qu’il regagnera bientôt le coupon, et eette
idée, je l’avoue, ne me paraît pas déraisonnable.
Le 6 0/0 égyptien unifié est un peu plus calme ;
mais il reste toujours solide sur sa base.
Sur le marché olficiel, il faut signaler en première
ligne la hausse des actions de la Banque de Paris,
hausse que j’ai d’ailleurs toujours prévue. Nous les
laissons à 730.
Le Crédit foncier a été assez agité ; après avoir
fait au plus haut 895, il est redescendu hier à 855.On
croit pourtant toujours à la hausse de cette valeur.
Quant au Mobilier espagnol, il est ferme, sans tou-
tefois donner lieu à de grandes variations.
*
Le banquet des Girondins.
Les vainqueurs sur le turf de la Bourse ont pris,
depuis quelque temps, l'habitude de célébrer leurs
nombreuses victoires par des dîners qu’ils donnent
soit dans leurs villas de la grande banlieue, soit
dans quelque grand restaurant parisien, et plus
d’un baissier compte parmi les invités.
On s’extermine à la Bourse, puis, la bataille
finie, on se donne courtoisement la main et l’on
trinque amicalement avec du bordeaux et du cham-
pagne des meilleurs crus. C'est la vieille tradition
de l’urbanilé française qui persiste malgré tout.
L’autre jour, l’amphitryon c’était, M. F..., qui a
gagné ur.e somme énorme survie Turc ; quelques
jours aprè3 c’était M. G..., qui gagne, dil-on, 3JO
mille francs sur le Foncier ; puis M. C..., qui a réa-
lisé une véritable fortune sur le Mobilier espagnol.
Gastorine est de presque tous ces dîuers, car
vous savez qu’il n’y a pas de bonne fête sans iu:î
Samedi dernier c’était le tour de mou ami le che-
valier Alexaudre Lange, qui a eu le bon esprit, lui
pas bête, de jouer à ta hausse sur la Rente et sur
toutes les valeurs qui ont monté. Aussi vous pouvez
juger de la rafle qu’il a dù faire.
Nous étions donc réunis, au Grand-Seize du café
Anglais, le grand salon des gourmets de Paris, une
douzaine de convives, dont la plupart appartenait nt
à la catégorie malheureuse des baissiers si bien
étrillés dans ces derniers temps.
C’est pourquoi ce dîner a été appelé le banquet
des Girondins, avec cette différence pourtant que
les Girondins s’étaient réunis pour dîner lavtille
de leur mort, au lieu que les baissiers du café An-
glais àvaient tous reçu le coup du lapin avant de se
mettre à table. Cela n’a pas empêché le dîner d’êire
fort gai. U était d’ailleurs excellent. Le chevalier
Lange avait splendidement fait les choses, d’autant
plus qu’il tenait à consoler ses convives de leurs in-
fortunes financières à force de bonne grâce et de
bonne chère. Il y a, d’ailleurs, une chanson là-
dessus, dont on sait le refrain :
Pas de chagrin qui ne soit oublié
Dans le champagne et l'amitié.
On n’a pas parlé Bourse ; c’était défendu par le
règlement, sous peine d’une forte amende.
■ Le chevalier Lange, qui est plein d’une douce
philosophie, a prononcé, le verre à la main, quel»
ques paroles bien senties sur ce thème: Les vents
et les flots sont changeants ; c’est aujourd’hui le
vainqueur qui vous traite; demain, peut-être, c’est
le vainqueur qui sera le vaincu, et c’est vous qui le
traiterez à votre tour. En prenez-vous l’engage-
ment?
les vaincus. — Oui ! tous, tous ! Nous le jurons
sur la tête de Gastorine !
castorine. — Bravo ! Dans mes bras, chevalier
Lange, dans mes bras !
Là-dessus on est descendu visiter les caves du
café Anglais si renommées, et on s’est séparé avec
les eifusions les plus cordiales. Le dîner Lange a
clôturé la série des dîners par les vainqueurs de la
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LE
LA SEMAINE DE LA BOURSE
Du boulevard des Italiens,
Dimanche 30 juin 1878.
Monsieur le rédacteur,
Je ne sais trop, en vérité, que vous dire.
Où en sommes-nous? Où vons-je? comme dirait
le Tintamarre. Je crois que nous n’allons nulle part.
Nous boulottons. Peu d’affaires,, et pourtant des
variations assez sensibles, voilà la semaine.
De la faiblesse le premier jour, sans autre cause
que de grosses réalisations sur les prix élevés cotés
à l’ouverture de la Bourse, qui ne se sont pas
maintenus longtemps.
Les baissiers ont la candeur de croire à de mau-
vaises nouvelles de Berlin ; Alpaga montre même
une dépêche annonçant un lemps d’arrêt dans les
opérations du congrès, et là-dessus, à la fin de la
Bourse de lundi, l’Emprunt tombe aux environs de
113 fr., ce qui est un mince triomphe après la pous-
sée que nous venons d’avoir ; mais Alpaga sait se
contenter de peu.
On monte de plus de 2 francs, on réaetionne de
30 centimes, et e’est assez pour que les baissiers se
mettent à fredonner la vieille romance :
Quand tout renaît à l’espérance,
Quand l’hirondelle est de retour.
Le relour de l’hirondelle, c’est pour eux le retour
de la baisse.
La dernière défaite des vendeurs.
Mais la désillusion vient vite, car, dès mardi, la
Bourse se rassure, et les nouvelles qui arrivent
successivement de Berlin, de Londres et de Vienne
la confirment dans son optimisme bien connu.
Alpaga essaie encore de fredonner sa vieille ro-
mance du bout des dents, la Bourse comprend que,
dès que la question de la Bulgarie peut être consi-
dérée comme réglée, il n’y a plus à douter de la
paix, et la hausse reprend son petit bonhomme de
chemin, à pas lents, mais sûrs. Les acheteurs, d’ail-
leurs, savent très-bien que la campagne de hausse
enfrêprise par les meneurs ne sera pas abandonnée
par eux dans ce moment, et quelle sera continuée
au moins jusqu’à la liquidation, et ils se fient
là-dessus. v
Dans la Bourse de mercredi, ce sont les vendeurs
de primes qui ont pris le trac, et en se rachetant ils
ont porté l’Emprunt à 113 50. J’ai vu un de ces mal-
heureux vendeurs courir la poste, et comme je lui
en demaodais la raison :
— Mon cher Gastorine, me répondit-il, j’ai vendu
àü début, de la Bourse des primes à 113 50 dont 25,
et je me couvre, car avec ces scélérats de meneurs
il faut s’attendie à tout.
Et il a bien fait, car le lendemain l’Emprunt fai-
sait à la fin de la Bourse 113 70. La veille de la ré-
ponse, c’est-à-dire vendredi, il s’est produit une
légère réaction sur ces hauts cours, mais la baisse
n’a pas beaucoup duré.
Calme et ferme.
A part des petites postes de vendeurs de primes
et quelques escarmouches entre Vendeurs et ache-
teurs en vue de la réponse des primes, tous les
mouvements se produisent dans un milieu assez
calme.
Je suis quelque peu incrédule de ma nature, et
je ne crois pas à un enlèvement des cours pour la
liquidation. Cela arriverait pourtant que je n’en se-
rais pas trop étonné.
Pour le moment la fermeté du marché est vrai-
ment extraordinaire.
Hier samedi, la réponse des primes qui avait lieu
par anticipation, le dernier jour du mois étant un
dimanche, s’est effectuée dans des cours élevés, si-
non les plus élevés.
Sur l’Emprunt, elle s’est faite à 113 40, et presque
toutes les primes ont été levées.
Ou s’attendait à un peu de faiblesse après la ré-
ponse des primes. En effet, quand on achète des
primes et que les cours de la réponse exigent qu’on
les lève, la tactique usuelle est de les revendre, car
autrement il vaudrait autant acheter du terme, cela
reviendrait même à meilleur marché.
Eh bien ! pas du tout; ceux qui ont levé des pri-
mes n’ont pas revendu, et la bonne tenue des cours
a pu se maintenir sans obstacle jusqu’à la fin de la
Bourse.
Voyez plutôt les cours de clôture :
Emprunt, 113 60 ;
3 0/0, 76 25 ;
Italien, 77 30.
A demain la liquidation de la Rente.
Comment se fera-t-elle? C’est de quoi,n’étant pas
prophète, je ne pourrai vous parler que dans ma
prochaine lettre. Je me bornerai pour le moment à
vous dire que les reports s’annoncent comme de-
vant être plus tendus qu’à l’ordiuaire.
Les valeurs.
Les honneurs de la semaine reviennent de droit
aux valeurs, à celles surtout qui se traitent sur le
marché en banque, comme le Hongrois, le Russe,
le Florin, le Turc, etc., etc., qui toutes ont vu leurs
cours s’améliorer notablement.
Sur le Turc, on ne touche rien depuis longtemps,
comme on sait, et, s’il monte, ce n’est que sur des
espérances de voir la question financière de l’em-
pire ottoman réglée par le congrès ; mais sur le
Russe et le Hongrois on détache le coupon dans les
premiers jours de juillet, et c’est là certainement
un appât pour les acheteurs.
Je vous ai d’ailleurs dit souvent que la paix de-
vait amener une forte hausse sur ces divers fonds.
Le 6 0/0 hongrois, par exemple, va détacher un
coupon de 3 0/0. Il est resté hier à 82 ; il ressort
donc, coupon détaché, à 79 ; et, à ce prix, il donne
un intérêt de 7 3/4 0/0 environ. Les acheteurs
pensent qu’il regagnera bientôt le coupon, et eette
idée, je l’avoue, ne me paraît pas déraisonnable.
Le 6 0/0 égyptien unifié est un peu plus calme ;
mais il reste toujours solide sur sa base.
Sur le marché olficiel, il faut signaler en première
ligne la hausse des actions de la Banque de Paris,
hausse que j’ai d’ailleurs toujours prévue. Nous les
laissons à 730.
Le Crédit foncier a été assez agité ; après avoir
fait au plus haut 895, il est redescendu hier à 855.On
croit pourtant toujours à la hausse de cette valeur.
Quant au Mobilier espagnol, il est ferme, sans tou-
tefois donner lieu à de grandes variations.
*
Le banquet des Girondins.
Les vainqueurs sur le turf de la Bourse ont pris,
depuis quelque temps, l'habitude de célébrer leurs
nombreuses victoires par des dîners qu’ils donnent
soit dans leurs villas de la grande banlieue, soit
dans quelque grand restaurant parisien, et plus
d’un baissier compte parmi les invités.
On s’extermine à la Bourse, puis, la bataille
finie, on se donne courtoisement la main et l’on
trinque amicalement avec du bordeaux et du cham-
pagne des meilleurs crus. C'est la vieille tradition
de l’urbanilé française qui persiste malgré tout.
L’autre jour, l’amphitryon c’était, M. F..., qui a
gagné ur.e somme énorme survie Turc ; quelques
jours aprè3 c’était M. G..., qui gagne, dil-on, 3JO
mille francs sur le Foncier ; puis M. C..., qui a réa-
lisé une véritable fortune sur le Mobilier espagnol.
Gastorine est de presque tous ces dîuers, car
vous savez qu’il n’y a pas de bonne fête sans iu:î
Samedi dernier c’était le tour de mou ami le che-
valier Alexaudre Lange, qui a eu le bon esprit, lui
pas bête, de jouer à ta hausse sur la Rente et sur
toutes les valeurs qui ont monté. Aussi vous pouvez
juger de la rafle qu’il a dù faire.
Nous étions donc réunis, au Grand-Seize du café
Anglais, le grand salon des gourmets de Paris, une
douzaine de convives, dont la plupart appartenait nt
à la catégorie malheureuse des baissiers si bien
étrillés dans ces derniers temps.
C’est pourquoi ce dîner a été appelé le banquet
des Girondins, avec cette différence pourtant que
les Girondins s’étaient réunis pour dîner lavtille
de leur mort, au lieu que les baissiers du café An-
glais àvaient tous reçu le coup du lapin avant de se
mettre à table. Cela n’a pas empêché le dîner d’êire
fort gai. U était d’ailleurs excellent. Le chevalier
Lange avait splendidement fait les choses, d’autant
plus qu’il tenait à consoler ses convives de leurs in-
fortunes financières à force de bonne grâce et de
bonne chère. Il y a, d’ailleurs, une chanson là-
dessus, dont on sait le refrain :
Pas de chagrin qui ne soit oublié
Dans le champagne et l'amitié.
On n’a pas parlé Bourse ; c’était défendu par le
règlement, sous peine d’une forte amende.
■ Le chevalier Lange, qui est plein d’une douce
philosophie, a prononcé, le verre à la main, quel»
ques paroles bien senties sur ce thème: Les vents
et les flots sont changeants ; c’est aujourd’hui le
vainqueur qui vous traite; demain, peut-être, c’est
le vainqueur qui sera le vaincu, et c’est vous qui le
traiterez à votre tour. En prenez-vous l’engage-
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les vaincus. — Oui ! tous, tous ! Nous le jurons
sur la tête de Gastorine !
castorine. — Bravo ! Dans mes bras, chevalier
Lange, dans mes bras !
Là-dessus on est descendu visiter les caves du
café Anglais si renommées, et on s’est séparé avec
les eifusions les plus cordiales. Le dîner Lange a
clôturé la série des dîners par les vainqueurs de la