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Le charivari — 47.1878

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Septembre
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https://doi.org/10.11588/diglit.25492#1024
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LE CHARIVARI

buscades, de calomnies. Il y a la chouannerie à
main désarmée, comme il y a eu les chouanneries à
main armée.

Si c’est là que vous allez, votre honneur vous
obligerait à le dire.

Le cléricalisme serait prévenu des risques et pé-
rils que vous voulez lui faire courir.

Si, au contraire, vous êtes décidé à remplir le
devoir d’un citoyen, c’est-à-dire à reconnaîlre sans
arrière-pensée la République, le jour où elle aura
définitivement pris possession de la France, votre
devoir est encore de vous en expliquer.

En un mot, faites-vous votre piété solidaire de la
cause d’Henri V? Est-ce la coalition du trône et de
l’autel pour toujours et quand même?

Voilà, monsieur, un i sur lequel il faut mettre
le point. Car se taire, c’est tromper.

Guerroyez - vous pour les intérêts de l’Eglise
seule, ou bien êtes-vous en même temps le repré-
sentant de la maison Frohsdorf?

Il y aura, selon que vous choisirez, des respon-
sabilités d’espèce différente à supporter.

Montrez que vous ne reculez pas devant vos con-
victions.

Nous avons le droit de vous poser cette interro-
gation, parce que le cléricalisme a passé par tant de
métamorphoses qu’il serait bien capable de revenir
— et bientôt — au bénissage des arbres de liberté.

Le cas échéant, tiendriez-vous l’eau bénite ?

Agréez, monsieur, l’assurance de ma vive curio-
sité.

INCOGNITO.

LA ZÉLATRICE EN VACANCES

L’Œuvre des Buttes-Montmartre voit avec regret
ses zélatrices à la campagne.

Le fait est que la caisse de Notre-Dame-de-la-
Galette se ressent vivement de l’absence de ces in-
trépides quêteuses, qui s’attachent à vous comme
une glu et sauraient encore faire cracher la mon-
naie à une bourse n’ayant plus que la peau et la
fermeture.

Le Bulletin de l’Œuvre recommande au moins à
ses zélatrices en vacances de continuer la propa-
gande pour le Sacré-Cœur, là où elles sont mainte-
nant, sinon en mendiant — il faut bien leur accor-
der dans l’année un mois de repos — au moins en
saisissant toutes les occasions de parler de l’Œuvre
autour d’elles et de la faire connaître.

« Sans tendre la main, on parle de Montmartre,
de ses succès, de ses besoins, des œuvres qui y sont
établies, et jamais cette semence n’est perdue:
plus tard quand, l'appel direct arrive, on connaît
l’Œuvre, on a été habitué à en penser du bien, on
la comprend et on est alors beaucoup mieux dis-
posé à s’y associer. »

Cette tâche, que l’œuvre impose à ses zélatrices
pour la période des vacances, n’est pas insignifiante.

Il faut beaucoup de tact pour saisir toutes les occa-
sions de mettre le Sacré-Cœur de Montmartre en
avant et ramener habilement la conversation sur
ce sujet et ne fatiguer personne.

Les zélatrices les plus tenaces n’ont pas toujours
le génie de l’à-propos. A la place des bons pères,
rédacteurs du Bulletin, j’aurais pris soin d’indiquer
à cette petite armée de pourvoyeuses les façons les
plus ingénieuses d’amener sur le sujet qui les in-
téresse la conversation égarée.

Me permettront-ils de leur conseiller pour une
autrefois la rédaction d’un Manuel de la zélatrice
en vacances, ou l'Art d'amener adroitement la conver-
sation sur l'œuvre dît Sacré-Cœur ?

Ce manuel pourrait être rédigé sur le plan ci-
dessous :

Pendant une promenade.

un cavalier. — N’ai-je pas bien fait, mesdames,
de vous proposer cette promenade à ânes?

la zélatrice. — Si, vraiment. Les ânes me rap-
pellent Montmartre. C’était là qu’autrefois, du temps
des moulins.., etc. C’est là qu’à présent un superbe
monument qui doit sauver la France...

Exposé de l’œuvre, de son but, de ses ressources
et de ses besoins.

En bateau.

une voyageuse. — Il me semble que nous rou-
lons plus que tout à l'heure. Youlez-vous me per-
mettre de m’approcher du bastingage ? Il me sem-
ble que je n’ai pas le cœur bien placé ?

la zélatrice. — Un cœur bien placé, c’est le Sa-
cré-Cœur de Montmartre. Une situation exception-
nelle qui lui permet de dominer la nouvelle Baby-
lone, etc.

Exposé de l’œuvre, de son but, de ses ressources
et de ses besoins,

Au Casino

une dame (à sa voisine). — Vous n’imagineriez ja-
mais, chère madame, les tracasseries auxquelles je
suis en butte.

la zélatrice (intervenant).—Madame parle de
butte, de la butte Montmartre, sans doute ? Il n’y
en a pas de plus intéressante!... Les soixante-dix—
sept puits sont creusés...—Gomment! quels puits?...
— Madame ne serait-elle pas au courant?... Mais il
n’est pas possible que madame ignore qu’en 1870 la
France a fait un vœu....

Exposé de l’œuvre, de sou but, de ses ressources
et de ses besoins,

Dans une auberge.

l’aubergiste. — Que désire monsieur?

le voyageur. — Ce qui sera le plus vite prêt.
N’importe quoi, du lard, du fromage, un œuf à la
coque.

la zélatrice. — A la coque! Je ne puis jamais
entendre cette désignation sans me sentir émue.
Marie Alacoque est la bienheureuse à qui Jésus a
révélé son cœur dans un bois de noisetiers. Sans
Marie Alacoque nous ne connaîtrions pas le Sacré-

NOTES

Ün peü avant de mourir, M. Villemain, jetant les
yeux sur la jeune littérature du temps, disait :

— Il y a sans doute du talent chez ces jeunes
gens, mais ils me font l’effet de chevaux qui ne
prennent jamais le galop.

Victor Cousin, lui, disait avec le ton hautement
cynique qu’il mettait en toute chose:

— Qu’est-ce que c’est que l’amitié, si on ne l’ex-
ploite pas? Un mot en l’air. J’entends que mes amis
se servent de moi de même que je veux me servir
de mes amis. La société n’est même faite que pour
arriver à ce résultat : un échange constant d’in-
fluence, un prêt de bons offices, une navette de
démarches et de correspondances. Le véritable ci-
vilisé est celui qui sait avoir cinquante amis dans
toutes les zones de la vie sociale et qui possède l’art
de les faire mouvoir en temps utile, comme un ca-
pitaine le fait pour le corps qu’il commande. Tenez,
quandj’étais jeune, avant de comprendre cette vé-
rité, j’avais un habit râpé, et mes deux repas de cha-
que jour n’étaient qu’une double utopie. En consi-
dérant mieux l’allure du monde moderne, je suis
alié de la solitude à l’association, c’est-à-dire à l’a-
mitié moderne. Dès lors, tout a changé. Je suis de-

venu un personnage. On m’a fait ministre avec un
habit brodé et une salle à manger où je pouvais re-
cevoir ceux qui ont poussé à la roue pour moi.
Ayez des amis.

*

% *

— Dites-moi, vous qui êtes bibliophile, comment
se fait-il, qu’à première vue, on reconnaisse un
livre d’amateur d’un livre d’auteur?

Charles Nodier. — Parce qu’un livre d’amateur,
trop bien soigné typographiquement, ressemble à
à un de ces sots du monde qui sont toujours trop
bien habillés.

Méry parlait de faire un grand drame de Tamer-
lan, vainqueur de Bajazet.

— Mon cher, lui dit Bocage, renoncez à ça. Jamais
vous ne trouveriez un bon acteur qui consentît à
faire le boiteux.

Il n’y a rien de tel qu’un clérical pour tout arran-
ger. Un aphorisme chrétien dit en propres termes
qu’il ne faut pas tuer, même par la main du bour-
reau. Bcclesia ahhorret a sanguine ; l’Eglise a hor-
reur du sang. D’un autre côté, Joseph de Maistre,
le prototype du catholique moderne, s’écrie dans
les Soirées de Saint-Pétersbourg, un pamphlet anti-
libéral par excellence : « Tout supplice supplie.
Malheur donc à la nation qui abolirait les supplices.»

*’ Un peu plus loin, en développant la même idée, ce

Cœur ; sans le Sacré-Cœur, il n’y n’y aurait pas de
chantiers de construction à Montmartre; sans chan-
tiers de construction à Montmartre, la France ris-
querait de ne jamais être sauvée...

Exposé de l’œuvre, de son but, de ses ressources
et de ses besoins.

En diligence.

une vieille dame. — Le cocher a trop bu. Il va
faire prendre le mors aux dents à ses chevaux...
Nous lancer comme cela sur une pente. L’imbécile !

Aïe! Nous allons verser...

la zélatrice (avec âme). — Si nous pouvions
verser pour le Sacré-Cœur ! Nulle œuvre ne mérite
davantage que les bourses lui soient ouvertes,...
etc.

Exposé de l’œuvre, de son but, de ses ressources
et de ses besoins.

Dans toutes les circonstances.

Au cas où personne ne lui tiendrait la perche in-
volontairement, la zélatrice serait invitée à se rap-
peler le procédé de ce malin qui, ayant une histoire
de chasse à placer, s’écriait tout à coup :

— N’avez-vous pas entendu un coup.de fusil?

Et qui, profitant de son exclamation, continuait
au milieu de l’étonnement général :

— A propos de coups de fusil, il faut que je vous
raconte...

Dans le même ordre d’idées, nous proposerions à
la zélatrice l’exclamation subite.

— N’avez-vous pas entendu un cri?

Les uns diraient « non », les autres « peut-être »,
il n’importe ; mais la zélatrice pourrait continuer :

— A propos de cric, ceux qui servent à soulever
les pierres de la future basilique du Sacré-Cœur, ac-
complissentune grande tâche... Malheureusement ils
coûtent cher à manœuvrer et tant que les cotisa-
tions ne seront pas plus ardentes.,.

Ce qui recommande surtout ce moyen à l’atten-
tion des zélatrices, c’est qu’il peut être employé
par elles dans toutes les circonstances imaginables.

Paul Parfait.

CHRONIQUE DU JOUR

Après les échanges de balles, échanges de compli-
ments.

a Le sultan, disent les journaux, a tenu à témoigner
des égards tout particuliers au commandant en chef
de l’armée d’occupation de San Slefano, au moment de
son départ. Dans un banquet donné en l’honneur du
général Totleben et du prince Lohanoff, le sultan a
amené la conversation sur la défense et la prise de
Plewna. Il a loué l’intrépidité des Russes et a dit fina-
lement : « Vous reconnaîtrez avec moi que les deux
armées ont rivalisé de bravoure », à quoi le général
Totleben a répondu que l’armée d’Osman l’avait rem-
pli d’admiration. »

C’est vraiment touchant.

Bientôt on fera battre deux armées pour divertir les
souverains de deux nations, dans l'unique but de faire
rivaliser de bravoure leurs malheureux soldats.

pieux et doux philosophe s’emporte dans cette com-
paraison : L'échafaud est un autel.

Ce même Joseph de Maistre écrivait^ en 1820 :
« Le commencement de la Sagesse c’est d’être hum-
ble comme le fils du charpentier de Nazareth. »
D’abord le fils dudit charpentier, prononçant un
sermon du haut d’une montagne, en présence de
deux mille Israélites affamés, se donnait pour le
fils de Dieu, héritier de tous les trônes de la terre,
ce qui, suivant le grand-prêtre Caïphe, n’était pas
précisément un acte de modestie. Ensuite, pour en
revenir à feu Joseph de Maistre, il faisait suivie son
nom d’un amas de titulature : « J. de Maistre, an-
cien ministre de S. M. le, roi de Sardaigne à la cour
de Russie, ministre d’Etat, régent de la Grande
Chancellerie, membre de l’Académie royale des
sciences de Turin, chevalier grand’eroix de l’ordre
religieux et militaire de Saint - Maurice et Saint-
Lazare d

— Quand il se présentera à Saint-Pierre, disait
ironiquement Benjamin Constant, voilà pourtant
tous les titres que cet homme humble aura à débi-
ter au portier du paradis.

*

* *

La France s’arrange de plus en plus pour devenir
un long musée en plein vent, tout parsemé de sta-
tues. Ce qu’on a fait tout dernièrement à Veretz pour
Paul-Louis Courier, et à Mâcon pour Lamartine,
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