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Le charivari — 48.1879

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Février
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https://doi.org/10.11588/diglit.25493#0148
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ACTUALITES 27

Ayant trouvé son équilibre.

— Quoi donc ?

— Elle entre chez moi, prend un tabouret, s’assied,
•l’étais tout étonné, car je ne l’avais jamais vue mettre
le pied dans la maison. — Dites donc, monsieur Du-
bosc, me dit-elle, mes ouvriers viennent se rafraîchir
chez vous d habitude? — Oui, madame. -— Ça doit vous
faire une bonne petite recette au bout de là journée?

— Oui, une dizaine de francs.— Dix ftancs!... Mais
c’est très beau.—Ce n’est pas tout bénéfice, il faut ôter
de cette somme le prix de la marchandise. — Sans
doute, sans doute, mais c’est égal, c’est très beau. —
Heureusement que j’ai d’autres clients d’ailleurs. —
Eh bien 1 il me semble que si vous étiez juste, monsieur
Dubosc, vous me donneriez une petite prime sur ce
bénéfice? — Oh! madame!—* Car enfin c’est par moi
que vous gagnez cela. Si je n’avais pas ma maison, vous
n’auriez pas mes ouvriers.—C’est vrai, madame, mais...

— Voyons, je ne vous demande pas d’argent, mais
quand vous me donneriez une bouteille de vin tous les
deux ou trois jours, je n’en demanderais pas plus, car
je ne suis pas une grosse buveuse, allez. —• Madame,
c’est impossible, j’ai trop peu de bénéfice. — A.h! c’est
comme cela? Eh Bien! vous avez tort, monsieur Du-
bosc, car mes ouvriers ne viendront plus ici. — Et ee
disant, elle sortit brusquement.

— Est-ce que vous avez perdu la clientèle?

— Non, Elle a, en effet, essayé de détourner ses ou*
vriers de venir chez moi. Mais nisquo ; ils sont venus,
au contraire, de plus belle.

— Oh ! c’est bien laid de sa part.

— Mais si je vous racontais tout ce que je sais, vous
diriez : C’est un monstre.

— Vraiment !

— Tenez, elle a sa mère, une pauvre vieille femme de
soixante-dix ans au moins. Elle est obligée de lui faire
une rente : quarante francs par mois, ce n’est cepen-
dant pas lourd ; c’est son mari qui l’y a forcée par tes-
tament. Elle enrage toutes les fois qu’il lui faut dé-
bourser la somme. Elle imagine mille moyens pour ne
pas lui payer le tout,

— Comment cela?

— Voici un de ses moyens, par exemple. Quand elle,
va faire son marché, elle ne manque jamais d’apporter
une part pour la vieille.

— Il n’y a pas grand mal à cela.

— Vous êtes bon, vous. Vous vous imaginez que c’est
pour éviter de la fatigue à sa mère?

— Dame! ce semble.

— C’est pour gagner sur sa mère. Achète-t-elle deux
sous de carottes, de poireaux, un chou, une salade,
n’importe quoi, elle compte à la vieille trois sous, qua-
tre sous, n’importe, selon le prix de ce qu’elle achète.

— Oh!

— De sorte qu’elle inscrit le compte de ce que sa mère
lui doit, et, au bout du mois, au lieu d’avoir quarante
francs à lui donner, elle n’en a plus que vingt-cinq ou
vingt.

V — C’est monstrueux ; gagner sur sa mère, sur une

pauvre vieille femme à laquelle elle donne déjà si peu !

—Il y a plus encore. Quand son père vivait, un vieillard
qui n’avait plus de force, madame Gertrude n’a jamais
voulu le nourrir sans qu’il travaillât. Heureusement
que le mari avait dit tout bas au pauvre vieux : « Mon
beau-père, quand votre fille montera dans l’atelier, eh
bien ! faites semblant de travailler, et aussitôt qu’elle
sera partie, reposez-vous. »

— Est-ce possible !

— Tenez, monsieur, encore un trait, et je ne vous en
citerai pas d’autres pour ne pas vous ennuyer.

Elle a un fils, un jeune homme de dix - huit ans ; on
n’est pas encore chien à cet âge.

Eh bien ! A propos de ce garçon, une voisine disait à
la Gertrude : Vous avez tort, madame Gertrude, de
prendre toujours à votre service des petites filles très
jeunes et très gentilles, et de les changer si souvent.
Votre fils peut avoir des velléités de jeune homme, et
c’est dangereux pour elles. — Vraiment? répliqua Ger-
trude en souriant. — Sans doute ; un jeune homme,
une jeune fille ; l’un patron, l’autre servante, je vous le
répète, c'est dangereux. — Que vous êtes bête, ma pau-
vre madame Gibelot. Comment! Vous ne comprenez
pas que j’ai mon calcul, et que j’y gagne.

— Ah ! ça, c’est le couronnement de l’œuvre. Le ca-
ractère est complet.

— Voilà, monsieur, comment on gagne trois maisons
sur le pavé de Paris.

— C’est trop cher.

ALFRED BOUOEARÎ.
 
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