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Le charivari — 48.1879

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Mai
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https://doi.org/10.11588/diglit.25493#0592
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116

Le mari et la femme se rencontrent tous les deux à la porte de l’Assemblée,
y portant chacnn un bouquet à M. Naquet.

— Loin d’ici?

— Oh ! je ne serais pas sortie seule, si c’était loin.
Mais nous demeurons presque à la porte du parc, dans
la grande rue. J’avais besoin d’un panier pour faire
mon marché, et j’étais venue pour m’en acheter un.

— Il y a longtemps que vous ôtes mariée?

— Dix-huit mois. Nous demeurions alors rue de la
Harpe, le quartier des étudiarts, et quand je vous ai
vu tout à l’heure, il m’a semblé que je vous reconnais-
sais, rien qu’à cette désinvolture que j’aimais tant au-
trefois.

— Il est impossible que je vous aie aperçue alors,
car je ne vous aura.ia plus quittée; il aurait fallu à tout
prix que je VOUS épousasse, tant je sens que je vous
aime.

— Obj le brigand!

Le coup de filet était lancé. Je sentais que le
POisson était pris. Aussi poursuivis-je hardiment. La
hardiesse est toujours une preuve d’amour auprès des
femmes.

— Est-ce que votre mari est chez vous, en ce mo-
ment?

— Mais oui.

— Je voudrais cependant bien y aller, car je sens que
je ne puis pius vous quitter. D’un autre côté, il est
toujours bon, en pareil cas, de savoir à qui on a affaire.

— Mais comment entrerez-vous en connaissance?

— Oh 1 cela, c’est mon affaire ; ne vous inquiétez pas.
On dit que l’amour donne de l’esprit aux filles. Vous
verrez qu’il m inspirera aussi.

Chemin faisant, je lui avais donné-le bras, et mon
ardeur s’enflammait au point qu’au détour d’un petit
sentier, je ne pus m’empêcher de l’embrasser.

— Prenez garde aux macarons, me dit-elle, en en
ramassant deux ou trois douzaines à lemi écrasées. Mais
nous voici arrivés.

— Montons, repris-je hardiment pour lui communi-
quer mon assurance.

Nous arrivons au troisième étage, j’avais repris tout
mon aplomb.

Je vois un petit logement très propre comme il arrive
souvent dans les premières années de mariage. Le mari
n’était pas là, elle me fit le signe qu’il était daDS
l’appartement du fond. «Et madame votre mère s’est
toujours bien portée depuis que j’ai eu l’honneur de la
voir, » dis-je très haut.

— Mais oui, monsieur. Elle m’a souvent parlé de
vous.

— Madame votre mère était une excellente femme.

— Madeleine, Madeleine, qui est-ce qui est là, fit
une grosse voix partie du fond?

— C’est un monsieur de la connaissance de ma mère.

Et, se tournant vers moi :

— C’est mon mari, reprit-elle; je vais vous l'appor-
ter.

L’apporter! pensai-je. Sans doute, dans son trouble;
Madeleine s’était trompéo d’expression. L’apporter!

La porte s’ouvrit; je vis la jeune femme rouler un
énorme fauteuil dans lequel était étendu un monsieur
d’une quarantaine d’années.

— Qu’y a-t-il pour votre service, demanda-t-il?

— J’ai beaucoup connu madame et sa mère dans le
quartier Saint-Jacques, il y a environ trois ans.

— En effet, c’est rue de La Harpe que j’ai Lit con-
naissance de ma femme.

— J’ai rencontré madame dans la grande-rue de Sè-
vres ; je lui ai tout naturellement demandé ce quevous
faisiez; elle m’a dit que vous étiez courtier en vins.

— Pour vous servir, monsieur.

— Justement, mes parents voudraient remonter leur
cave, je devais préférablement vous choisir.

— Je vous en remercie de tout mon cœur.

— Je vais m’informer au juste de ce dont ils ont be-
soin.

— Très bien. Ma femme fait mes tournées depuis ma
malheureuse attaque de paralysie. Elle se présentera
chez vous.

— Demain si c’est possible, car je verrai mes parents
ce soir.

— Demain, tu entends, Madeleine?

— Oui, mon ami.

- Au revoir, monsieur et madame. Je compte donc
sur vous demain.

Et je partis, envoyant dans l’escalier un baiser à
Madeleine.

-- C’est encore une bonne farce, le mari qu'on ap-
porte.

— Je te l’ai dit vingt fois, j’en ai eu de toutes les
façons ; cette fois, c'est la mari commode.

ALFRED BOÜQEART.
 
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