QUARANTE-IIU1TIÈME ANNÉE
Prix du Numéro : 25 centimes
JEUDI 7 AOUT 1879
ABONNEMENTS
PARIS
Trois hiOis ... 1S fr.
Six mois. 36 —
Un ;..s... 72 —
Les abonnements partent des Ier et 16 de chaque mon
DIRECTION
Politique, Littéraire et Artistique
PIERRE VÉRON
Rédacteur en Chef-
BUREAUX
DÉ LA RÉDACTION ET DE L’ADMINISTRATION
Rue de la Victoire, 20
/OÜRNAL
BULLETIN POLITIQUE
Rien d’amusant comme de voir des adversaires
s'enferrer.
Ils sout plusieurs qui reprochent à M. Jules Ferry
d’avoir parlé politique à son auditoire juvénile.
— Voilà bien ces républicains qui né respectent
pas même l'enfance ! Maxima debetur puero reve-
rentia.
Et patati ! Et patata 1
Malheureusement, ils ont oublié l’épisode de l’é-
lève- se levant pour crier : Vive le roi! au moment
où l’orchestre jouait la Marseillaise.
11 faut croire que, dans certains établissements,
ou ne se fait pas faute de politiquer, puisque les
bambins qu’on y façonne ont de ces précoces ner-
vosités.
Quel est-il ce collégien, très naïf et plus ou moins
fort eri thème, qui. a éprouvé le besoin de jouer de
la réclame dans un âge si tendre?
Sans doute, l'histoire faite par les reporters en-
registrera son nom, ce qui comblera fort probable-
ment les vœux de ce manifeslant prématuré.
Qui sait! Peut-être sommes-nous en présence
d’un malin qui a pris les devauts pour poser sa
future candidature à la succession de M. deMun ou
de M. de Beleastel?
Ce sera un litre, cela! Dire plus tard à ses élec-
teurs :
— Je ne suis pas un inconnu pour vous. C’est
moi le lycéen qui, en 1875, criait : Vive le roi! à la
Soi bonne, prouvant ainsi que
... Chez les âmes bien nées
La clameur n’attend pas le nombre des années.
Comment les votants de l'avenir résisteraient-ils
à ce souvenir du passé ?
A dire le vrai pourtant, bien médiocre a été lhé-
toïsme de ce vivat, et confesser sa foi en de telles
circonstances n’était pas aller au devant du mar-
tyre.
il risquait peut-être sa semaine de retenue ou sa
journée de pain sec.
Mais il savait sans doute qu'il rencontrerait de
sympathiques indulgences chez ses professeurs, et
qu’on le féliciterait plutôt qu’on ne le punirait.
il ne faudrait cependant pas abuser de ces enfan-
tines exclamations.
Juste ciel! Vous aurez bien assez le temps de
faire connaissance plus tard avec la mauvaise foi
des partis, avec les haines sans miséricorde, avec
les passions sans règle, avec les calomnies sans
frein !
Vous avez l’heureux âge où l’enfant peut vivre
srns savoir ce que c’est qu’un Groupe, sans êlre
obligé d’opter pour un prétendant !
Et vous abdiquez votre charmante insouciance!
Vous renoncez à ce privilège précieux !
Pardonnez-lui, mon Dieu ! Il ne^s^vàft .pas ce
qu'il taisait.
Ce qui n’est pas une raison pour encourager les
imitateurs, sans quoi on en verrait de belles dans
les classes.
— Monsieur Pitanchois, vous n’avez pas fait vo-
tre version?
— Non, monsieur, c’était l’éloge d’un républicain
de l’ancienne Rome. Mes principes s’opposent à ce
que je traduise ces choses-là.
Echantillon des insanités promises par l’épisode
de la Sorbonne. Réfléchissez, jeune inconnu. Vous
êtes à l’âge où aucuoe déviation politique ou intel-
lectuelle n’est incurable.
A votre cri sans écho, répondaient du côté de
Nancy des milliers de v< x acclamant la Répu-
blique.
La République qui écrase de son dédain le3 es-
piègleries telles que la vôtre.
Si ce roi que vous avez acclamé, sans le con-
naître, était sur le trône et qu’à une distribution de
prix présidée par le cardinal qu’il ue manquerait pas
d’installer au minislère de l'instruction publique,
un incident analogue se produisait, si un collégien
criait : Vive la République ! l’expulsion du factieux
serait immédiate... Peut-être même sou arrestation.
On vous a laissé, vous, à votre banc, où vous
avez eu — châtiment mérité — le déboire d’enten-
dre applaudir avec enthousiasme le discours réso-
lûment libéral du ministre.
Voilà la différence.
Celte accablante insouciance vous a fort proba-
blement navré. Vous aviez rêvé le tapage qui
pose, l'entrée de la force armée pour vous arra-
cher — Manuel puéril de la réaction — du banc au-
quel vous étiez résolu à vous cramponner de toute
la force que doit vous avoir donnée la gymnastique
obligatoire.
Rien de tout cela. Un haussement d’épaules, quel-
ques rires, et on pensait à autre choœ. C’est cruel
pour un lycéen qui se voit déjà gravissant un Cal-
vaire qui devait aboutir au Panthéon.
C'est cruel aussi pour votre prince, imprudent
crieur.
Car vous forcez à penser que, sur tant d'assis-
tants, un seul a songé à lui.
C’est d’un fâcheux augure pour la multiplication
et la croissance du royalisme en France.
Et puis, franchement, vous jouez là un vilain
tour à vos bons amis du cléricalisme.
On juge par là de ce qu’on doit enseigner chez
les bons Pères 1
D’où il résulte que si l’article 7 n’exisiait, pas,
votre escapade donnerait l’eDvie et le droit de l’in-
venter,
A tous les points de vue donc, vous avez com-
mis une bévue en oubliant que le silence est d’or.
Paisse la leçon vous profiler! Puissiez - vous,
dans la vie où vous e trerez un de ces matins, ap-
porter plus de mesure et de discernement. Sans
quoi, restez toujours l’adversaire de la République,
car vous ne serez jamais dangereux que comme
ami.
ABONNEMENTS
DÉPARTEMENTS
Trois mois. 20 fi.
Six mois. 40 —
Un an. 80 —
L’abonnement d un an donne droit à la prime gra.it*.
DIRECTION
Politique, Littéraire et Artistique
PIERRE VÉRON
Rédacteur en Chef.
ANNONCES
ADOLPHE EWIG, fermier de la publicité
Rue Fléchier, 2.
vbvLoir et pouvoir sont Deux
Comédie politique
Le théâtre représente une salle de proportions
restreintes.
Tous les légitimistes militants sont là.
Il s’agit de délibérer au sujet de la lettre du
comte de Chambord.
m. de kerdrel. — Je propose de nommer prési-
dent noire O’ConnelL
m. chesnelong (se reconnaissant modestement).
— Mes amis., mes chers amis !...
m.baragnon (à part). — Pourquoi donc prend-il
cette dénomination pour lui? Il me semble que je
suis aussi O’CoLnell qu'un autre !
m. de lorgeril. — Je demande à lire avant la dé-
libération une pièce de vers...
(Tumulte.)
m. de lorgeril. — Ce sera pour ainsi dire l’apé-
rilif des âmes.
une voix. — L’absinthe.
(M. de Lorgeril rougit légèrement.)
m. de kerdrel, — Nommons O Counell.
voix. — Oui ! oui 1
m. chesnelong. — Messieurs... Je suis profondé-
ment touché; mais...
M. de kerdrel. — Nommons O'Connell !
(M. Chesnelong est élu piésident.)
m de kerdrel (bas à son voisin). — De cette
façon-là il ne poœra pas prononcer de discours.
le voisin (lui serrant Ja main). — Merci !
m. baragnon. --Je demande la parole.
m. de lorgeril. — Je l'ai demandée le premier
pour léciler une petite pièce de vers. (Commen-
çant) :
Kntre Lisette et le bon vin,
Mon cœur hésité, je l’avoue...
(Bruit.)
m. de lorgeril (rougissant plus fort). — Pardon,
messieurs, pure erreur de papiers,.. Mais voici
l’autre.
Henri, toi qui...
voix.— Assez ! — Soyons sérieux !
(M. de Lorgeril est extrait de la tribune.)
le président. — La parole est à M. Mayol de
Luppé, directeur de Y Union.
(Marques d'attention.)
m. mayol de luppé. —Messieurs, je ne suis pas
orateur.
m. baragnon (en a parte). ~ On le verra bien.
m. mayol de LuppË. — Mais v6s sympathies m’én
tiendront lieu. Un grand acte vient de s’accomplir*
Notre Roi...
cris.— Vive le Roi !
Pierre Véron
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Rien d’amusant comme de voir des adversaires
s'enferrer.
Ils sout plusieurs qui reprochent à M. Jules Ferry
d’avoir parlé politique à son auditoire juvénile.
— Voilà bien ces républicains qui né respectent
pas même l'enfance ! Maxima debetur puero reve-
rentia.
Et patati ! Et patata 1
Malheureusement, ils ont oublié l’épisode de l’é-
lève- se levant pour crier : Vive le roi! au moment
où l’orchestre jouait la Marseillaise.
11 faut croire que, dans certains établissements,
ou ne se fait pas faute de politiquer, puisque les
bambins qu’on y façonne ont de ces précoces ner-
vosités.
Quel est-il ce collégien, très naïf et plus ou moins
fort eri thème, qui. a éprouvé le besoin de jouer de
la réclame dans un âge si tendre?
Sans doute, l'histoire faite par les reporters en-
registrera son nom, ce qui comblera fort probable-
ment les vœux de ce manifeslant prématuré.
Qui sait! Peut-être sommes-nous en présence
d’un malin qui a pris les devauts pour poser sa
future candidature à la succession de M. deMun ou
de M. de Beleastel?
Ce sera un litre, cela! Dire plus tard à ses élec-
teurs :
— Je ne suis pas un inconnu pour vous. C’est
moi le lycéen qui, en 1875, criait : Vive le roi! à la
Soi bonne, prouvant ainsi que
... Chez les âmes bien nées
La clameur n’attend pas le nombre des années.
Comment les votants de l'avenir résisteraient-ils
à ce souvenir du passé ?
A dire le vrai pourtant, bien médiocre a été lhé-
toïsme de ce vivat, et confesser sa foi en de telles
circonstances n’était pas aller au devant du mar-
tyre.
il risquait peut-être sa semaine de retenue ou sa
journée de pain sec.
Mais il savait sans doute qu'il rencontrerait de
sympathiques indulgences chez ses professeurs, et
qu’on le féliciterait plutôt qu’on ne le punirait.
il ne faudrait cependant pas abuser de ces enfan-
tines exclamations.
Juste ciel! Vous aurez bien assez le temps de
faire connaissance plus tard avec la mauvaise foi
des partis, avec les haines sans miséricorde, avec
les passions sans règle, avec les calomnies sans
frein !
Vous avez l’heureux âge où l’enfant peut vivre
srns savoir ce que c’est qu’un Groupe, sans êlre
obligé d’opter pour un prétendant !
Et vous abdiquez votre charmante insouciance!
Vous renoncez à ce privilège précieux !
Pardonnez-lui, mon Dieu ! Il ne^s^vàft .pas ce
qu'il taisait.
Ce qui n’est pas une raison pour encourager les
imitateurs, sans quoi on en verrait de belles dans
les classes.
— Monsieur Pitanchois, vous n’avez pas fait vo-
tre version?
— Non, monsieur, c’était l’éloge d’un républicain
de l’ancienne Rome. Mes principes s’opposent à ce
que je traduise ces choses-là.
Echantillon des insanités promises par l’épisode
de la Sorbonne. Réfléchissez, jeune inconnu. Vous
êtes à l’âge où aucuoe déviation politique ou intel-
lectuelle n’est incurable.
A votre cri sans écho, répondaient du côté de
Nancy des milliers de v< x acclamant la Répu-
blique.
La République qui écrase de son dédain le3 es-
piègleries telles que la vôtre.
Si ce roi que vous avez acclamé, sans le con-
naître, était sur le trône et qu’à une distribution de
prix présidée par le cardinal qu’il ue manquerait pas
d’installer au minislère de l'instruction publique,
un incident analogue se produisait, si un collégien
criait : Vive la République ! l’expulsion du factieux
serait immédiate... Peut-être même sou arrestation.
On vous a laissé, vous, à votre banc, où vous
avez eu — châtiment mérité — le déboire d’enten-
dre applaudir avec enthousiasme le discours réso-
lûment libéral du ministre.
Voilà la différence.
Celte accablante insouciance vous a fort proba-
blement navré. Vous aviez rêvé le tapage qui
pose, l'entrée de la force armée pour vous arra-
cher — Manuel puéril de la réaction — du banc au-
quel vous étiez résolu à vous cramponner de toute
la force que doit vous avoir donnée la gymnastique
obligatoire.
Rien de tout cela. Un haussement d’épaules, quel-
ques rires, et on pensait à autre choœ. C’est cruel
pour un lycéen qui se voit déjà gravissant un Cal-
vaire qui devait aboutir au Panthéon.
C'est cruel aussi pour votre prince, imprudent
crieur.
Car vous forcez à penser que, sur tant d'assis-
tants, un seul a songé à lui.
C’est d’un fâcheux augure pour la multiplication
et la croissance du royalisme en France.
Et puis, franchement, vous jouez là un vilain
tour à vos bons amis du cléricalisme.
On juge par là de ce qu’on doit enseigner chez
les bons Pères 1
D’où il résulte que si l’article 7 n’exisiait, pas,
votre escapade donnerait l’eDvie et le droit de l’in-
venter,
A tous les points de vue donc, vous avez com-
mis une bévue en oubliant que le silence est d’or.
Paisse la leçon vous profiler! Puissiez - vous,
dans la vie où vous e trerez un de ces matins, ap-
porter plus de mesure et de discernement. Sans
quoi, restez toujours l’adversaire de la République,
car vous ne serez jamais dangereux que comme
ami.
ABONNEMENTS
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Six mois. 40 —
Un an. 80 —
L’abonnement d un an donne droit à la prime gra.it*.
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vbvLoir et pouvoir sont Deux
Comédie politique
Le théâtre représente une salle de proportions
restreintes.
Tous les légitimistes militants sont là.
Il s’agit de délibérer au sujet de la lettre du
comte de Chambord.
m. de kerdrel. — Je propose de nommer prési-
dent noire O’ConnelL
m. chesnelong (se reconnaissant modestement).
— Mes amis., mes chers amis !...
m.baragnon (à part). — Pourquoi donc prend-il
cette dénomination pour lui? Il me semble que je
suis aussi O’CoLnell qu'un autre !
m. de lorgeril. — Je demande à lire avant la dé-
libération une pièce de vers...
(Tumulte.)
m. de lorgeril. — Ce sera pour ainsi dire l’apé-
rilif des âmes.
une voix. — L’absinthe.
(M. de Lorgeril rougit légèrement.)
m. de kerdrel, — Nommons O Counell.
voix. — Oui ! oui 1
m. chesnelong. — Messieurs... Je suis profondé-
ment touché; mais...
M. de kerdrel. — Nommons O'Connell !
(M. Chesnelong est élu piésident.)
m de kerdrel (bas à son voisin). — De cette
façon-là il ne poœra pas prononcer de discours.
le voisin (lui serrant Ja main). — Merci !
m. baragnon. --Je demande la parole.
m. de lorgeril. — Je l'ai demandée le premier
pour léciler une petite pièce de vers. (Commen-
çant) :
Kntre Lisette et le bon vin,
Mon cœur hésité, je l’avoue...
(Bruit.)
m. de lorgeril (rougissant plus fort). — Pardon,
messieurs, pure erreur de papiers,.. Mais voici
l’autre.
Henri, toi qui...
voix.— Assez ! — Soyons sérieux !
(M. de Lorgeril est extrait de la tribune.)
le président. — La parole est à M. Mayol de
Luppé, directeur de Y Union.
(Marques d'attention.)
m. mayol de luppé. —Messieurs, je ne suis pas
orateur.
m. baragnon (en a parte). ~ On le verra bien.
m. mayol de LuppË. — Mais v6s sympathies m’én
tiendront lieu. Un grand acte vient de s’accomplir*
Notre Roi...
cris.— Vive le Roi !
Pierre Véron