LE UiÀlUVAKl
Gomment trouvez-vous cette oeuvre qui, s’adres-
sant à des ouvriers, leur fait proférer des clameurs
dans une langue à laquelle ils sont incapables de
rien comprendre?
L’enthousiasme passif ! L'Amen obligatoire et
inintelligent.
Cette petite scène de comédie a sa valeur, parce
qu’elle symbolise fidèlement l’action entière du clé-
ricalisme.
N’y rien comprendre et dire : Ainsi soit-il ! en se
laissant mener aveuglément, voilà bien le mot
d’ordre ultramontain et jésuitique.
A Angers, on l’a appliqué aux ouvriers.
Ailleurs, on l’applique à toutes les classes so-
ciales.
Jean Ralph.
THEATRES
OPÉRA : Reprise de la Muette.
Peut-être serait-ce le moment de me livrer à un
déballage d’archéologie musicale et historique.
Je vous conterais d’abord les origines d’Auber
lui-même, ce débutant tardif, qui devait doubler
les étapes pour rattraper le temps perdu.
Je vous dirais ensuite comment la Muette, repré-
sentée à la fin de la Restauration, quand déjà les
esprits en fermentation préparaient la chute de
Charles X, dut une bonne part de son succès à
l’opportunité politique de son livret révolution-
naire.
Comment la Belgique se souleva aux accents de
Nourrit, chantant Amour sacré de la patrie.
Comment...
Mais il me semble toujours que ceux qui prati-
quent cette facile érudition ont l’air de prendre
leurs lecteurs pour des ignorants fieffés à qui il est
besoin d’appreDdre que deux et deux font quatre.
Je vous dispenserai donc de ces rétrospectivités
oiseuses.
Prenons la Muette telle que l’a faite un demi-
siècle d’âge, telle qu’elle nous est apparue lundi, à
la reprise, qui est le premier acte directorial de
M. Vaucorbeil.
Encore les premiers préparatifs avaient-ils été
faits par M. Halanzier, à qui incomba le soin de
refaire à neuf le répertoire de notre première scène
lyrique.
Nous n’avons pas à rechercher quelle peut être
la part de chacun des deux impresarii dans cette
involontaire collaboration.
Nous n’avons à juger que le résultat.
Comme mise en œuvre matérielle, il est irrépro-
chable.
« Décors et costumes sont d’une artistique et pit-
toresque variété. Tout cela fourmille et papillolte
à souhait pour le plaisir des yeux.
Le plaisir des oreilles m’a semblé moins heureu-
sement partagé.
Tout d’abord, en ce qui concerne la partition
elle-même, il est impossible de dissimuler que l’ir- j
réparable outrage des ans a passé par là.
Rides et patte d’oie ont sévi sans pitié.
Ce qu’on exaltait jadis sous le nom de facilité est
devenu de la banalité pure et simple. Tel moiceau
dont on acclamait les bruyantes sonorités fait l’effet i
aujourd’hui d’un vulgaire pas redoublé composé
i pour une fanfare de sous-préfecture.
! Ce qui ne veut pas dire que la Muette soit une
! œuvre sans valeur.
: 11 y a des pages exquises dans cet opéra de vieux
jeu. 11 y a des merveilles de coloris et de grâce au
milieu de détrempes brossées d’un pinceau hâtif.
Par respect pour ces beautés incontestables, le
public a écouté avec déférence la partition entière.
Il a souligné par ses applaudissements les pas-
sages consacrés tels que le fameux duo à l’emporte-
pièce, et le chœur de la Prière.
L’exécution a été convenable en général, sans
éclat particulier.
M. Villaret tire parti, avec adresse, des restes
d’une voix qui tombe.
M. Lassalle a fait sonner son organe dans le duo
précité, à la satisfaction de ceux qui aiment spécia-
lement ces cuivreries excessives.
M. Bosquin est toujours l’artiste plein de goût
que l’on sait.
M110 Daram suffisante.
MUo Mauri, gracieuse en général, mime parfois
les sentimentalités télégraphiques de Fenella avec
un abus de gestes qui évoque le souvenir lointain
de l’invention des frères Chappe.
En somme, on continuera à attendre M. Vau-
corbeil à sa vraie première.
Pierre Véron.
CHRONIQUE DU JOUR
— On épure l’huile, on épure le suif, s’est dit in
expert en magnétisme, pourquoi, le progrès aida •,
n’épurerait on pas aussi le fluide magnétique?
Et le fluide magnétique a été épuré.
Maintenant, comment le fluide magnétique s'épure-
Mystère !
Le fluide magnétique épuré se débite-il en boîtes ou
en flacons?
Mystère !
Enfin le fluide magnétique épuré vaut-il celui qui ne
l’est pas?
Ce serait un abîme à sonder.
Nous y renonçons.
Je ne voudrais pas quitter Je Journal du Magnétisme
fans signaler encore l'étonnante annonce d’un volume
du baron du Potet, le nestor des magnétiseurs conten -
porains.
Ce volume est coté modestement cent francs.—Je dis
bien cent francs.
Mais ce n’est pas trop cher s’il répond vraiment à
son titre :
La Magie dévoilée.
La mention suivante accompagne le titre du volume :
« Cet ouvrage, dont toute reproduction est interdite,
n’est délivré qu’avec un engagement pris envers l’au-
teur. »
Un engagement! Quel engagement?
Celui de ne le prêter à personne?
Ou de le déclarer superbe dans toutes les conversa-
tions ?
Ou de le lire sans pouffer jusqu’au bout ?
Quoi qu’il en soit, la scène du serment doit être bien
amusante.
Et je déclare que, pour ma part, si les cent francs ne
m’effrayaient pas tant...
Mais j’aime mieux décidément consacrer cent franc*
à autre chose.
D’autant plus que tout ce mystère me fait involon-
tairement penser — que le vénérable du Potet, qui est
l’homme le plus honnête et le plus convaincu du
monde, me le pardonne— à ces volumes obscènes dont
les libraires anglais font un si grand débit à la faveur
d’enveloppes de papier.
Ea rentrant chez lui, !e volé —qui n’a pas volé de
l’être — déchire l’enveloppe et y trouve un traité de
morale.
Il se sent si bête que, même sans avoir prêté ser-
ment, il n’a envie de raconter sa mésaventure à per-
sonne.
Le Journal du Magnétisme qui avait, paraît-il, sus-
pendu sa publication, est rendu à l’attente anxieuse
de ses nombreux lecteurs.
Le numéro que nous avons sous les yeux laisse in-
décis sur la ligne exacte que ce journal entend suivre.
Tandis que l’article de fond flétrit par deux fois « le
somnambulisme à tant la séance », on lit aux an-
nonces :
M110 BER T LIE, somnambule.
Consultations pour maladies, de i heure à 5 heures,
et par correspondance.
Rue N° Paris.
Il faudrait prendre un parti.
Ou sacrifier les annonces.
Ou se résigner au somnambulisme à tant la séance.
Comme les annonces se payent, le journal hésite.
La tempête sous un crâne !
Pour ma part, je ne demande pas mieux que de voir
le Journal du Magnétisme continuer à insérer des an-
nonces, attendu qu’elles sont généralement fort gaies.
Par exemple, j’aime beaucoup celle-ci :
guérison rapide
des meurtrissures, plaies, ulcères, etc.,
par le fluide magnétique épuré.
S’adresser à M...
En feuilletant les Mémoires du docteur Véron, j’y
tombe sur les lignes suivantes, qui font connaître sous
quelle inspiration cet opéra fameux a été composé.
« J’ai assisté, dit le docteur, à la répétition de la
Muette dans les derniers jours de février 1828. J’aurais
parié que M. Auber avait éié chercher ses inspirations
et ses pittoresques mélodies sous le beau ciel de Na-
ples ; il les avait trouvées, soit au trot dans une allée
du bois de Boulogne, soit dans des C.n.'il.SOV'ioO ù >* âl'tfltsà
avec lee beautés, aux séductions engageantes, de nos
théâtres lyriques. »
Qui se serait douté, avant cette révélation, que l’air :
« Amour sacré de la patrie » pouvait être sorti d’un ga-
lant tête-à-tête.
Comme on se trompe sur l’influence des milieux I
Un de nos amis Êe félicitait un jour devant Chain de
ce qu’il venait de terminer une pièce.
Il ne sagissait plus que de la faire jouer, — la moin-
dre des choses, comme chacun sait.
— Ma foi ! s’écrie Cham, vous tombez bien de dire ça
devant moi. Justement, j’ai de très belles connaissan-
ces. Si vous voulez, je vous la ferai refuser.
Paul Parfait.
Le gérant : Altaroche.
Paris. — Imprimerie J. Voisvenel, 24, rue Cbaucbat.
LES SEMAINES DE PARIS
CGXXXV
Du jeudi 4 au jeudi 11 septembre.
Que de morts 1 La semaine a été mauvaise. Tous ceux
qu’on croyait immortels ont disparu. Qui eût jamais
pensé qu’il cesserait de voir le baron Taylorl Le baron
Taylor n'avait donc pas toujours existé? Pourtant, nos
arrière-grands pères l’avaient connu ; et ils l’avaient
connu tel que nous le voyions, avec ses cheveux blancs,
assistant à toutes les premières représentations, dans
le même fauteuil d’orchestre. Comment supposer une
première représentation sans le baron Taylor? N’était-
ce pas lui qui avait lancé Voltaire? On l’avait vu à la
première d'Iphigénie, et il avait donné des poignées de
mains à Retrou.
Et notre pauvre Cham ! Quel deuil 1 Paris a perdu sa
gaieté. Suppose-t-on Paris sans Cham? Quand les jour-
naux avaient besoin d’un mot drôle, ils allaient chez
Cham, et Cham puisait dans sa provision. Il avait un
grenier inépuisable. Comme ces califes des Mille et une
Nuits, qui pendant leur promenade semaient les se-
quins dans les rues de Bagdad, Cham, lorsqu’il sortait,
puisait dans son trésor et s’en allait répandant ses mots
sur les passants En ramassait qui voulait. Et plus d’un
en a tiré parti, sans se vanter de la source.
Qu’importait à ce Monte-Chrislo? Plus il en donnait
et plus il en avait. Jamais sa plume n’a manqué à son
crayon, et jamais son crayon n’a manqué à sa plume,
Il a pu se dire en mourant, avec plus de raison que
Néron : « Qualis artifex pereo ! »
Le chanteur Belval aussi s’en est allé ; mais lui, du
moins, était fini. 11 était de ceux dont on dit : Tiens !
il vivait donc? Puis il y a eu aussi le journaliste
Stenne, l’auteur dramatique Petit, d’autres encore,
tant la camarde a fauché 1 En voilà une qui ne prend
pas de vacances 1
En ce moment personne n’est à Paris, bien que tout
le monde y meure. La villégiature est en pleine efflo-
rescence. Cette villégiature, concurremment avec le
chômage polilique, a donné naissance à ce genre par-
■ liculier du rep ortage qu’on appehe les conversations.
Il ne se passe plus de jour sans qu’un journal bi. a
informé ne consacre deux ou trois colonnes au réci*
d’une conversation qui aurait eu lieu entre le reporter
Z... et le grand personnage X... Cette conversation, sur
laquelle tous les curieux se jettent tète baissée, peut
se résumer eu ces termes :
Z... — Que pensez-vous de la situation politique ?
X... — Eh! eh! Je pourrais vous dire : Ça ne vous
regarde pas, fichez-moi la paix. Mais comme je sais
quo vous ne répéterez pas ce que je vais vous confier,
je vous parlerai à cœur ouvert.
Z .. — Alors, vous ne m’autorisez pas à ébruiter notre
entretien ?
X... — Je m’y oppose formellement.
Z... — Soit. Je me contenterai de le reproduire dans
mon journal.
X — Cette discrétion me suffit. Aussi je n’hésite
pas à vous dire qu’à mon avis lasituation politique est
très grave.
Z... — Et comment pensez-vous qu’elle se dénouera?
X...— Elle ne se dénouera pas.
Z... — Allons donc !
X... — Elle se dénouera, si vous voulez, mais elle s«
renouera, Souîu.cz-vous, mon ami, que toutes choses
Gomment trouvez-vous cette oeuvre qui, s’adres-
sant à des ouvriers, leur fait proférer des clameurs
dans une langue à laquelle ils sont incapables de
rien comprendre?
L’enthousiasme passif ! L'Amen obligatoire et
inintelligent.
Cette petite scène de comédie a sa valeur, parce
qu’elle symbolise fidèlement l’action entière du clé-
ricalisme.
N’y rien comprendre et dire : Ainsi soit-il ! en se
laissant mener aveuglément, voilà bien le mot
d’ordre ultramontain et jésuitique.
A Angers, on l’a appliqué aux ouvriers.
Ailleurs, on l’applique à toutes les classes so-
ciales.
Jean Ralph.
THEATRES
OPÉRA : Reprise de la Muette.
Peut-être serait-ce le moment de me livrer à un
déballage d’archéologie musicale et historique.
Je vous conterais d’abord les origines d’Auber
lui-même, ce débutant tardif, qui devait doubler
les étapes pour rattraper le temps perdu.
Je vous dirais ensuite comment la Muette, repré-
sentée à la fin de la Restauration, quand déjà les
esprits en fermentation préparaient la chute de
Charles X, dut une bonne part de son succès à
l’opportunité politique de son livret révolution-
naire.
Comment la Belgique se souleva aux accents de
Nourrit, chantant Amour sacré de la patrie.
Comment...
Mais il me semble toujours que ceux qui prati-
quent cette facile érudition ont l’air de prendre
leurs lecteurs pour des ignorants fieffés à qui il est
besoin d’appreDdre que deux et deux font quatre.
Je vous dispenserai donc de ces rétrospectivités
oiseuses.
Prenons la Muette telle que l’a faite un demi-
siècle d’âge, telle qu’elle nous est apparue lundi, à
la reprise, qui est le premier acte directorial de
M. Vaucorbeil.
Encore les premiers préparatifs avaient-ils été
faits par M. Halanzier, à qui incomba le soin de
refaire à neuf le répertoire de notre première scène
lyrique.
Nous n’avons pas à rechercher quelle peut être
la part de chacun des deux impresarii dans cette
involontaire collaboration.
Nous n’avons à juger que le résultat.
Comme mise en œuvre matérielle, il est irrépro-
chable.
« Décors et costumes sont d’une artistique et pit-
toresque variété. Tout cela fourmille et papillolte
à souhait pour le plaisir des yeux.
Le plaisir des oreilles m’a semblé moins heureu-
sement partagé.
Tout d’abord, en ce qui concerne la partition
elle-même, il est impossible de dissimuler que l’ir- j
réparable outrage des ans a passé par là.
Rides et patte d’oie ont sévi sans pitié.
Ce qu’on exaltait jadis sous le nom de facilité est
devenu de la banalité pure et simple. Tel moiceau
dont on acclamait les bruyantes sonorités fait l’effet i
aujourd’hui d’un vulgaire pas redoublé composé
i pour une fanfare de sous-préfecture.
! Ce qui ne veut pas dire que la Muette soit une
! œuvre sans valeur.
: 11 y a des pages exquises dans cet opéra de vieux
jeu. 11 y a des merveilles de coloris et de grâce au
milieu de détrempes brossées d’un pinceau hâtif.
Par respect pour ces beautés incontestables, le
public a écouté avec déférence la partition entière.
Il a souligné par ses applaudissements les pas-
sages consacrés tels que le fameux duo à l’emporte-
pièce, et le chœur de la Prière.
L’exécution a été convenable en général, sans
éclat particulier.
M. Villaret tire parti, avec adresse, des restes
d’une voix qui tombe.
M. Lassalle a fait sonner son organe dans le duo
précité, à la satisfaction de ceux qui aiment spécia-
lement ces cuivreries excessives.
M. Bosquin est toujours l’artiste plein de goût
que l’on sait.
M110 Daram suffisante.
MUo Mauri, gracieuse en général, mime parfois
les sentimentalités télégraphiques de Fenella avec
un abus de gestes qui évoque le souvenir lointain
de l’invention des frères Chappe.
En somme, on continuera à attendre M. Vau-
corbeil à sa vraie première.
Pierre Véron.
CHRONIQUE DU JOUR
— On épure l’huile, on épure le suif, s’est dit in
expert en magnétisme, pourquoi, le progrès aida •,
n’épurerait on pas aussi le fluide magnétique?
Et le fluide magnétique a été épuré.
Maintenant, comment le fluide magnétique s'épure-
Mystère !
Le fluide magnétique épuré se débite-il en boîtes ou
en flacons?
Mystère !
Enfin le fluide magnétique épuré vaut-il celui qui ne
l’est pas?
Ce serait un abîme à sonder.
Nous y renonçons.
Je ne voudrais pas quitter Je Journal du Magnétisme
fans signaler encore l'étonnante annonce d’un volume
du baron du Potet, le nestor des magnétiseurs conten -
porains.
Ce volume est coté modestement cent francs.—Je dis
bien cent francs.
Mais ce n’est pas trop cher s’il répond vraiment à
son titre :
La Magie dévoilée.
La mention suivante accompagne le titre du volume :
« Cet ouvrage, dont toute reproduction est interdite,
n’est délivré qu’avec un engagement pris envers l’au-
teur. »
Un engagement! Quel engagement?
Celui de ne le prêter à personne?
Ou de le déclarer superbe dans toutes les conversa-
tions ?
Ou de le lire sans pouffer jusqu’au bout ?
Quoi qu’il en soit, la scène du serment doit être bien
amusante.
Et je déclare que, pour ma part, si les cent francs ne
m’effrayaient pas tant...
Mais j’aime mieux décidément consacrer cent franc*
à autre chose.
D’autant plus que tout ce mystère me fait involon-
tairement penser — que le vénérable du Potet, qui est
l’homme le plus honnête et le plus convaincu du
monde, me le pardonne— à ces volumes obscènes dont
les libraires anglais font un si grand débit à la faveur
d’enveloppes de papier.
Ea rentrant chez lui, !e volé —qui n’a pas volé de
l’être — déchire l’enveloppe et y trouve un traité de
morale.
Il se sent si bête que, même sans avoir prêté ser-
ment, il n’a envie de raconter sa mésaventure à per-
sonne.
Le Journal du Magnétisme qui avait, paraît-il, sus-
pendu sa publication, est rendu à l’attente anxieuse
de ses nombreux lecteurs.
Le numéro que nous avons sous les yeux laisse in-
décis sur la ligne exacte que ce journal entend suivre.
Tandis que l’article de fond flétrit par deux fois « le
somnambulisme à tant la séance », on lit aux an-
nonces :
M110 BER T LIE, somnambule.
Consultations pour maladies, de i heure à 5 heures,
et par correspondance.
Rue N° Paris.
Il faudrait prendre un parti.
Ou sacrifier les annonces.
Ou se résigner au somnambulisme à tant la séance.
Comme les annonces se payent, le journal hésite.
La tempête sous un crâne !
Pour ma part, je ne demande pas mieux que de voir
le Journal du Magnétisme continuer à insérer des an-
nonces, attendu qu’elles sont généralement fort gaies.
Par exemple, j’aime beaucoup celle-ci :
guérison rapide
des meurtrissures, plaies, ulcères, etc.,
par le fluide magnétique épuré.
S’adresser à M...
En feuilletant les Mémoires du docteur Véron, j’y
tombe sur les lignes suivantes, qui font connaître sous
quelle inspiration cet opéra fameux a été composé.
« J’ai assisté, dit le docteur, à la répétition de la
Muette dans les derniers jours de février 1828. J’aurais
parié que M. Auber avait éié chercher ses inspirations
et ses pittoresques mélodies sous le beau ciel de Na-
ples ; il les avait trouvées, soit au trot dans une allée
du bois de Boulogne, soit dans des C.n.'il.SOV'ioO ù >* âl'tfltsà
avec lee beautés, aux séductions engageantes, de nos
théâtres lyriques. »
Qui se serait douté, avant cette révélation, que l’air :
« Amour sacré de la patrie » pouvait être sorti d’un ga-
lant tête-à-tête.
Comme on se trompe sur l’influence des milieux I
Un de nos amis Êe félicitait un jour devant Chain de
ce qu’il venait de terminer une pièce.
Il ne sagissait plus que de la faire jouer, — la moin-
dre des choses, comme chacun sait.
— Ma foi ! s’écrie Cham, vous tombez bien de dire ça
devant moi. Justement, j’ai de très belles connaissan-
ces. Si vous voulez, je vous la ferai refuser.
Paul Parfait.
Le gérant : Altaroche.
Paris. — Imprimerie J. Voisvenel, 24, rue Cbaucbat.
LES SEMAINES DE PARIS
CGXXXV
Du jeudi 4 au jeudi 11 septembre.
Que de morts 1 La semaine a été mauvaise. Tous ceux
qu’on croyait immortels ont disparu. Qui eût jamais
pensé qu’il cesserait de voir le baron Taylorl Le baron
Taylor n'avait donc pas toujours existé? Pourtant, nos
arrière-grands pères l’avaient connu ; et ils l’avaient
connu tel que nous le voyions, avec ses cheveux blancs,
assistant à toutes les premières représentations, dans
le même fauteuil d’orchestre. Comment supposer une
première représentation sans le baron Taylor? N’était-
ce pas lui qui avait lancé Voltaire? On l’avait vu à la
première d'Iphigénie, et il avait donné des poignées de
mains à Retrou.
Et notre pauvre Cham ! Quel deuil 1 Paris a perdu sa
gaieté. Suppose-t-on Paris sans Cham? Quand les jour-
naux avaient besoin d’un mot drôle, ils allaient chez
Cham, et Cham puisait dans sa provision. Il avait un
grenier inépuisable. Comme ces califes des Mille et une
Nuits, qui pendant leur promenade semaient les se-
quins dans les rues de Bagdad, Cham, lorsqu’il sortait,
puisait dans son trésor et s’en allait répandant ses mots
sur les passants En ramassait qui voulait. Et plus d’un
en a tiré parti, sans se vanter de la source.
Qu’importait à ce Monte-Chrislo? Plus il en donnait
et plus il en avait. Jamais sa plume n’a manqué à son
crayon, et jamais son crayon n’a manqué à sa plume,
Il a pu se dire en mourant, avec plus de raison que
Néron : « Qualis artifex pereo ! »
Le chanteur Belval aussi s’en est allé ; mais lui, du
moins, était fini. 11 était de ceux dont on dit : Tiens !
il vivait donc? Puis il y a eu aussi le journaliste
Stenne, l’auteur dramatique Petit, d’autres encore,
tant la camarde a fauché 1 En voilà une qui ne prend
pas de vacances 1
En ce moment personne n’est à Paris, bien que tout
le monde y meure. La villégiature est en pleine efflo-
rescence. Cette villégiature, concurremment avec le
chômage polilique, a donné naissance à ce genre par-
■ liculier du rep ortage qu’on appehe les conversations.
Il ne se passe plus de jour sans qu’un journal bi. a
informé ne consacre deux ou trois colonnes au réci*
d’une conversation qui aurait eu lieu entre le reporter
Z... et le grand personnage X... Cette conversation, sur
laquelle tous les curieux se jettent tète baissée, peut
se résumer eu ces termes :
Z... — Que pensez-vous de la situation politique ?
X... — Eh! eh! Je pourrais vous dire : Ça ne vous
regarde pas, fichez-moi la paix. Mais comme je sais
quo vous ne répéterez pas ce que je vais vous confier,
je vous parlerai à cœur ouvert.
Z .. — Alors, vous ne m’autorisez pas à ébruiter notre
entretien ?
X... — Je m’y oppose formellement.
Z... — Soit. Je me contenterai de le reproduire dans
mon journal.
X — Cette discrétion me suffit. Aussi je n’hésite
pas à vous dire qu’à mon avis lasituation politique est
très grave.
Z... — Et comment pensez-vous qu’elle se dénouera?
X...— Elle ne se dénouera pas.
Z... — Allons donc !
X... — Elle se dénouera, si vous voulez, mais elle s«
renouera, Souîu.cz-vous, mon ami, que toutes choses