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Le charivari — 54.1885

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https://doi.org/10.11588/diglit.23882#0006
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LE CHARIVARI

Tâchons donc de revenir à des us et coutumes
moins bonimentaires.

Recommençons donc, si c’est possible, à parler
une langue moins barbare et moins ampoulée à la
fois.

Les anciens mots ont suffi aux chefs-d'œuvre
d’autrefois.

Molière ne demandait pas qu’on lui donnât du
génial par le nez.

Ni Racine non plus.

Ni Corneille.

Bossuet était satisfait quand on proclamait que
son éloquence était émouvante.

Voltaire, quand on disait que sa dialectique était
lumineuse.

Avons-nous donc des sublimités nouvelles et su-
périeures pour justifier ce débordement d’exagéra-
tions ?

Je ne veux pas faire de parallèles désobligeants.

Appréciez vous-même.

—o—

Ce n’est qu’une querelle de mots, direz-vous peut-
être.

Mais les mots reflètent les choses.

On pourrait formuler cet axiome à l’usage d’un
peuple.

— Dis-moi comment tu parles et je te dirai qui
tu es !

Nous sommes dans le siècle de l’apparence et de
l’apparat, dans le siècle du ruolz qui se prend pour
de l’or pur, du strass qui veut se faire passer pour
du diamant.

C’est pour cela qu’on s’amphigourise de plus en
plus.

C’est pour cela qu’on ne voit que grenouilles
cherchant à se faire plus grosses que le bœuf.

Comment y arriver ?

La réalisation de ce désir étant une impossibilité,
on se rabat sur l’expression qui jette de la poudre
aux yeux.

Mots de Panurge ! mots de Panurge ! Vous n’êtes
pas seulement faux, vous êtes monotones.

Vous ne vous contentez pas de mentir, vous ra-
bâchez.

C’est trop des deux.

André Laroche.

IIS JEAN D’ÉGLISE

L'Univers n’a point, ainsi que l’antique Janus, été
doué par Saturne d’une rare prudence. Aussi ne
jouit-il pas non pius des deux visages adossés qui
permettaient a ce quasi dieu de regarder à la fois le
passé et l’avenir.

C’est dommage, convenons-en.

Mais, en revanche, l’organe des grands et petits
Veuillot peut se flatter de posséder un double profil
dont l’expression forme, en ce moment même, le
plus frappant et le plus comique des contrastes.

D'un côté, Jean qui rit ; de l’autre, Jean qui
pleure.

Un détail achève de rendre le cas de YUnivers
particulièrement piquant. C’est que contentement
et chagrin partent d’une seule et même cause : les
progrès que fait — ou ne fait pas—la fameuse
Ligue de la Contre-Révolution.

A de certaines heures, la situation arrache simul-
tanément à'nos Jean... d’église une explosion de
joie et un débordement d’affliction qui peuvent se
traduire ainsi : ‘

— Bravo ! clame Jean qui rit.

— Hélas ! gémit Jean le pleurard.

— L’œuvre de salut marche comme sur des rou-
lettes.

— Ça ne bat que d’une aile.

— Les adhérents affluent.

— Sur le papier !

— Chaque jour, ils arrivent par milliers.

— Pas possible.

— Par centaines tout au moins. 9n ne peut pas
chiffrer au juste. Mais pour sûr que depuis le 8 dé-
cembre, date de la création de la Ligue, on en doit
compter quelque chose comme... un million.

— Tant que ça?

— Enfin, ils sont toujours bien deux douzaines.

— Autant dire tout de suite quatre hommes et un
caporal.

— Oh ! mais, des lapins...

— Dont la Révolution ne fera qu’une bouchée.

— Vous voyez tout en noir.

— Et vous tout en rose.

— N’est-il pas réjouissant d’apprendre qu’en Italie
on brûle d’enthousiasme pour notre œuvre?

— N’est-il pas piteux de constater qu’en France
on est presque de glace?

— La Belgique, l’Espagne applaudissent à nos ef-
forts.

— Peut-être aussi le Kamtschatka et le Congo !

— A Rome, le grand pape Léon XIII est avec
nous.

— A Paris, nous n’avons qu’un tout petit pro-
phète, M. l’abbé Jude Chauveau de Kernaeret, qui
ne saurait avoir l’autorité nécessaire pour entraîner
les masses.

— Mais puisque nous avons pu remplir d’adhé-
sions deux colonnes entières du journal !

— Oui, des extraits de Semaines catholiques, des
lettres d’abonnés ou de simples lecteurs riches de
bonnes intentions, mais incapables d’envoyer seu-
lement cent sous pour les frais du mouvement de
propagande.

— Il y a des conseils qui valent de l’argent. Quel
génie que ce vénérable prêtre de la Haute-Loire
qui nous écrit : « Je ne veux pas terminer ma let-
tre, déjà trop longue, sans émettre une idée qui,
depuis quelque temps, m’obsède. L'Univers a beau-
coup d’abonnés ecclésiastiques (ça, c’est (vrai ; on
n’a que les abonnés qu’on cultive). Pourquoi tous
ces abonnés ne feraient-ils pas à la Ligue l’aumône
d’une messe ? »

— Idée heureuse, si l’on veut. Ce vénérable prê-
tre en était obsédé, il l’a émise : c’est bien naturel.
Mais il l’eût été aussi de se fendre d’une sousciip-
tion sonnante, plus efficace qu’une messe pour nous
aider à joindre les deux bouts.

— Un ministre de paix peut ignorer que l’argent
est le nerf de la guerre... A propos, ne trouvez-vous
pas émouvante en sa simplicité l’adhésion de cet
ouvrier teinturier de Lyon, qui nous écrit que, « vi-
vant péniblement de son travail quotidien, il ne
peut s’abonner à une feuille périodique, mais qu’il
n'hésitera pas, si le mot d’ordre lui est donné par la
Contre-Révolution, à payer de sa personne, au mo-
ment décisif... »

— Très émouvant, en effet, et très simple. Mais
insuffisant tout de même pour lutter contre les
écoles sans Dieu. Ce n’en est pa3 moins un exem-
ple et une leçon pour tant de conservateurs amou-
reux de leurs aises et qui, au lieu d’agir, ne savent
que critiquer ceux qui s'organisent pour l’action.

— Vous oubliez que nous avons aussi parmi nos
adhérents de nobles signataires.

— Celtes, il en est jqsqu’à... deux qui, en prose
aristocratique, nous ont donné, l’un sa pleine et en-
tière adhésion ; l’autre son adhésion la plus entière.
Est-ce avec cela que nous parviendrons a remettre
le roi sur le trône et la France dans le giron de l’E-
glise ?

— Encore une fois, vous voyez les choses trop en
noir !

— Et vous les voyez, vous, trop en rose 1...

Ainsi dialoguent les deux Jean de VUnivers.

Etonnez-vous que les« conservateurs >> cléricaux

ne puissent s’entendre, quand ledit Univers, lui-
même, ne parvient pas à mettre d’accord le côté
droit et le côté gauche de son visage !

Robert Hyenne.

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CHRONIQUE DU JOUR

« Vieilles loteries et neuves cheminées se ressem-
b'ent en un point, a dit un philosophe ; on n’est jamais I
sûr de les voir tirer. »

La loterie des Arts décoratifs a donné un démenti à
cet aphorisme.

A l’occasion du nouvel an, je voudrais pouvoir
souhaiter à tous les lecteurs du Charivari d’avoir en
portefeuille le numéro gagnant; mais comme ce. vœu
perdrait nécessairement de sa vertu eu se génér disant,
je le réservo pour inoi-mème, au risque d’être taxé de
psychopathie. i

La psychopathie (pourquoi vous cacher que c’est là
que je voulais eü venir?) est une maladie nouvelle, dé-
couverte par MM. les aliénistes.

Ecoutez un des leurs :

« Le psychopathe, dit le professeur Balinski, est un
individu qui ne pense qu’à lui et ne s’inquiète pas des
autres. Pour satisfaire ses désirs, aucun obstacle ne
l’arrêtera. Tout ce qui le sert est bien, tout ce qui le
contrarie est mal; il ira jusqu’au crime.

» Le phychopathe, ajoute M. Balinski, étant ingué-
rissable, ne doit pas être enfermé ; étant irresponsable,
il ne doit pas être puni. »

1 Voilà, n'est-ce pas, un genre de folie tout à fait com-
j mode pour celui qui en est atteint?

La psychopathie, il est à peine besoin de le dire, sé-
vit surtout sur les femmes, parce qu’elles sont moins
que nous habituées a la contradiction.

Qu’arrivera-t-il, grands dieux 1 si, comme le fait
vient de se produire, elles gravissent les gradins de la
Faculté de droit, prêtes à forcer les grilles sévères du
Barreau parisien !

Vous connaissez l’incartade légendaire de Calpurnie
qui, furieuse des arguments de l’avocat adverse, releva
sa toge et lui montra irrévérencieusement son inex-
pressible.

Pareil scandale n’est pas à craindre de nos jours,
mais gare le vitriol ou le revolver !

On a beaucoup remarqué, à la Porte-Saint-Martin, la
ressemblance étrange de M. Philippe Garnier avec l'em-
pereur Justinien, d'après les rares médaillons de l’épo-
que.

Un journal prétend qu’il existe à Ravenne, dans l’é-
glise byzantine, à Saint-Vital, une admirable mosaïque
où Sarah Bernhardt figure dans une procession sous les
traits de rimpératriee"Théodora.

D’ordinaire, lorsque de semblables coïncidences se
produisent, on dit que les artistes sont entres dans la
peau des personnages.

Tout porte à croire que, dans le cas actuel, ce sont
les personnages qui sont entrésdans la peau des artistes.

M. Victorien Sardou, spirite très pratiquant, aura
conçu et écrit son diarne après avoir acquis la certitude
que les âmes de Justinien et de Théodora avaient émi-
gré dans les corps de M. Garnier et de Mme Sarah
Bernhardt.

Peut-être — son faible pour la réclame ne rend pas
Thypothèse trop invraisemblable — M. Sardou a-t-il
vécu lui-même, au sixième siècle, sous le casque de
Bélisaire.

La Gazette de Magdebourg raconte un quiproquo qui
a beaucoup diverti l'assistance à la fête du 50° anniver-
saire de l’entrée en fonctions de M. Holger, prieur à
Langensaltza.

Le recteur Solbrig prononça en son honneur une al-
locution en latin où il disait qu'il avait bien mérité
« de cette école » (de hac schola), « de cette ville » (de
hac urbe), « de cette cité » (de hac civitate). Sur l'estrade
se trouvait le général de Haack, décore de l’Aigle rouge
de lr0 classe qui prit pour lui 1 expression de hac et trois
fois s’inclina profondément en signe de remerciement.

L’iucoinpéience latine du général ne diminue en lien
sa valeur militaire, mais que diable allait-il faire dans
cotte galère ? __

Parmi les types que la fermeture des cercles a jetés
sur le pavé, il en est un qui mérite quelques ligues,
celui du décavé qui suivait en simple dilleitante toute
les péripéties du tapis vert.

Le plus conuu de tous, a Paris, était le vieux comte ***.
Il ne manquait jamais de venir à heure fixe au club et
de s’asseoir aux environs d’une table de bouillotte. Là
seulement ses yeux s’allumaient et retrouvaient leur
éclat d’antan.

Lorsqu’un joueur se levait après un va-tout malheu-
reux, il le prenait par le bras et, l’entraînant dans l'em-
brasure d’une fenêtre :

— Coup dur, monsieur, disait-il, très dur! Mais, à la
bouillotte, tout arrive. Tenez 1 voici les cartes avec les-
quelles j’ai perdu, en 1847, ma dernière masse de qua-
rante mille francs.

Et il lui montrait un brelan d’as collé contre la coiffe
de son chapeau.

Bonne nouvelle.

Une recrudescence notable de naissances a été cons-
tatée à Paris pendant la dernière quinzaine de l’année
défunte.

Le même jour, un homme de lettres très connu et un
jeune avoué à la cour d’appel sont devenus pères de
deux petites filles jumelles.

D’aulres cas de fécondité méritent d’être mis à l’ordre
du jour.

Ainsi une bouchère de la rue de Vaugirard a accou-
ché, la nuit de Noël, de deux superbes jumeaux.

Elle a pris la chose au comique.

—-Cela ne nous empêchera pas de recommencer,
a-t-elle dit gaiement Le lendemain à son heureux
époux.

— Avec plaisir, a répondu celui-ci, mais la prochaine
fois, lâche de ne plus confondre la Noël avecla Trinité!

Bébé rentre affreusement sale et les pantalons déchi-
rés.

— Polisson! s’écrie maman, voilà toutes tes culottes
perdues !

— Uh ! non, répond Bébé en soulevant philosophique-
ment un lambeau d’étolfe : il en reste.

X...,le poltron bien connu, a des mains de gendar-
me, ce qui ne l’empèche pas de poser pour le gentil-
homme, au physique comme au moral.

— Dans mon dernier duel, disait-il un jour, j'ai été
blessé a la main. La trace du coup d’épée est partie...

— Et l’enflure est restée, ajouta narquoisement Gon-
dinet.

Léon Audibert.

Le directeur-gerant, Pierre Véron.
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