r.iiVOUANTK-QUATmÈME ANNEE
Prix du Numéro : 25 centimes
JEUDI lor OCTOBRE 1885
ABONNEMENTS
PARIS
îa . 18 fr.
Trois ïûols.»«•** .,.. 36 —
gix mois • •••••*". 72 —
J^^U Parteni de, i« « * du*" moi,
direction
politique» Littéraire et Artistique
pierre véron
H«d>ctenr en Chef
BUREAUX
u BÉDACXION BT DH L’ADMINISTRATION
Bue de la Victoire, 20
_ jilpl
P 1
il
ABONNEMENTS
DÉPARTEMENTS
Trois mois. 20 fr.
Six mois. 40 —
Un an. 80 —
L’abonnement et un an donne droit à la prime gratU
DIRECTION
Politique, Littéraire et Artistique
PIERRE VÉRON
itèilsetenr en Chef
ANNONCES
ADOLPHE EW!G> fermier de la publioité
Rue Joquelet, 11
LE
bulletin politique
Quand nous serons à vingt, nous ferons une
croix. Nous y touchons, d’ailleurs.
Vingt listes différentes pour Paris seulement !
Voilà de quoi causer un certain ahurissement
parmi les électeurs.
Prenez un brave homme qui s’occupe surtout de
l'état qu’il fait et qui, par conséquent, n’est pas un
politicien de profession. Demandez-vous en quelle
situation d’esprit il peut se trouver placé, lorsque
tous ces bras lui tendent des morceaux de papier
sur lesquels sont inscrits des noms si divers, lors-
que tous ces journaux lui recommandent des sau-
veurs si différents.
D’avance, il faut pardonner à l’infortuné les
bévues qu’il pourra commettre, car positivement,
en votant, il ne saura pas ce qu’il fait.
Et encore, dans un centre comme Paris, certains
courants s’établissent, ün est plus ou moins ren-
seigné.
L’électeur, jusqu’à un certain point, peut essayer
de s’y reconnaître.
Mais en province ! Et quand ce sont des paysans,
illettrés pour la plupart, absolument ignorants des
antécédents de chacun, où voulez-vous qu’ils pren-
nent le discernement nécessaire ?
Ce sont de simples machines, qu’un certain nom-
bre de moteurs mettent en mouvement.
Ces moteurs sont les comités.
Et va comme je te pousse.
C’est la légende française de Gavarni qui nous
vient aux lèvres devant un pareil spectacle.
Et devant les inconsciences pitoyables du scrutin
de liste, il nous prend envie de lui dire, en son-
geant au scrutin uninominal tant calomnié:
— Plus je te vois, plus je l’aime.
Ce n’était pas la perfection, certes. Il avait ses
défauts, il avait ses vices même.
Mais, du moins, l’initiative individuelle subsis-
tait. La France ne donnait pas le spectacle piteux
auquel nous assistons.
Elle n’avait pas l’air d’un troupeau de moutons
de Panurge mené par quelque berger arrogant.
On,aura beau faire, on aura beau dire, jamais
nous ne sorlirons de ce simple raisonnement :
^ Le but, c’est la liberté; le scrutin de liste,
cest d’esclavage. Ceci ne conduira jamais à cela.
Vous allez voir, à Paris, quel pataugement for-
midable va se produire avec les trente-huit noms.
Trouver trente-huit mandataires par qui l’on se
Cr0lt sincèrement représenté, dont on épouse
outes les idées, en qui l’on ait confiance, pour
cause.
Pour ma part, je ne sais pas trop si j’en trouve-
81 une douzaine, et en cherchant bien longtemps.
Nous
avons dit tout cela lorsque le scrutin de
diste a été remis sur le tapis. Mais il y avait en-
tent alors.
j^Viourd’hui, cet engouement-là a fortement
pr'ssé■ commence à chuchotter tous ces re-
oc es. On s'aperçoit de tous ces périls.
CHARIVARI
Il est bien temps.
Les républicains, qui tenaient une majorité cer-
taine et imposante, ont trouvé bon de la jouer
sur cette carte qui, selon nous, ne peut être
qu'une carte biseautée.
Pour beaucoup, l’heure du regret est déjà venue.
Que sera-ce lorsque les résultats auront parlé?
Nous n’avons plus bien longtemps à attendre
pour être édifiés.
L’Univers continue à publier tous les jours une
série de certificats en l’honneur des Pilules de
Mun, le grand purgatif social, le remède à tous
nos maux.
On voit, non sans étonnement, que nombre des
certificats reproduits avec fierté par le journal dé-
vot en faveur de la panacée cléricale, émane de
l’étranger. Il y en a même dont Y Univers se mon-
tre très orgueilleux et qui viennent de Berlin.
Je vous demande un peu de quoi ils se mêlent,
ceux-là, et en quoi nos affaires intérieures les re-
gardent ?
En même temps que les certificats en question,
les colonnes de Y Univers donnent la première liste
de souscription pour l’action catholique.
La première ! Il faut croire que le courage à la
poche ne marche guère, puisqu’on en est encore
là.
La première ! Et l’on vote dans trois jours.
Le reste arrivera donc comme la moutarde après
dîner.
Mais y aura-t-il un reste?
Le zèle des croyants ne paraît pas s’échauffer
beaucoup, lorsqu’il s’agit de payer, et l’on com-
prend pourquoi ils ont une si grande horreur
pour la séparation de l’Eglise et de l’Etat, qui les
forcerait d’ouvrir leur bourse tous les mois.
Une foule de millionnaires et de hauts barons
du parti monarchiste ne brillent que par leur ab-
sence sur la liste de Y Univers.
Ce qu’on y voit surtout, ce sont de pauvres prê-
tres qui y vont de leurs quarante sous.
Ces deux francs rappellent Pradier le bâtonniste,
qui, pour amorcer la générosité des spectateurs,
mettait deux sous de sa poche.
Tout cela ne prouve pas un grand élan, et, mal-
gré les attestations prussiennes dont l’Univers fait
montre, la croisade prêchée par M. de Mun a
tout l’air d’aller en ligne droite à un avortement.
Vous vous en doutiez bien un peu?
Pierre Véron.
drôle de choix
Et voici qu’on annonce que l'Espagne et l’Alle-
magne ont fait choix d’un médiateur.
Ce médiateur ne serait autre que le pape
Léon XIII.
Tout arrive. Mais j'avoue que je ne me scrqis
pas attendu à celle-là.
Que l'Espagne, la Très Catholique, s’incline de-
vant les décisions pontificales, cela se conçoit.
Mais l’Allemagne protestante!
Il faut en être venu au degré de divagation où
nous en sommes en Europe, pour que de pareilles
combinaisons soient possibles.
L’Allemagne ne reconnaît même pas le pouvoir
spirituel du pape, en sa qualité de huguenote.
Elle ne saurait, à plus forte raison, reconnaître
son pouvoir temporel.
Léon XIII n’est qu'un usurpateur en partie
double.
Il n’est prince de rien du tout.
Quelle autorité a-t-il, par conséquent, pour se
mêler des querelles qui éclatent entre deux puis-
sances?
Logiquement, pour l'Allemagne, c’est comme si
elle s’adressait à un M. Durand quelconque. El
encore ce M. Durand pourrait lui inspirer une vive
confiance.
Il n’en saurait être de même pour un homme
qui (relire Luther) est accusé de représenter l’im-
posture, l’abus de pouvoir et toutes sortes d’autres
choses.
Un tel homme, pour peu qu’on veuille être con-
séquent, ne peut inspirer que de la défiance.
Que l’Allemagne alors se refasse catholique.
L’acceptation de la médiation pontificale est un
premier pas. Il faut aller jusqu’au bout, si l’on s’y
met.
Mais tout n’est que zigzag et incohérence au-
jourd’hui.
Le dix-neuvième siècle est un vieux tombé en
enfance. Il est temps qu’il rende son almanach,
car il ne sait plus ce qu’il fait.
Paul Girard.
-
POINT D’HISTOIRE
C’est le Rappel qui lève ce lièvre et qui constate,
avec la garantie d'un bonapartiste déterminé, que
la devise de Napoléon Inr était :
« Tout pour le peuple et rien par le peuple. *
Ce memento arrive à propos, au moment où le
jeune Victor fait distribuer des imprimés dans
lesquels il déclare épouser les idées de Napo-
léon Ier et de Napoléon III.
Epouse-t-il celle-ci, le jeune prétendant?
Nous avons aussi Plonplon, dont la devise serait
plutôt :
« Tout par le peuple et rien pour le peuple. »
La famille fournit des variantes pour tous les
goûts.
Le peuple, lui, dont la sollicitude napoléonienne
s'est si bizarrement occupée, n’a pas de ces incer-
titudes.
Sa devise est immuable désormais.
Expériences faites, elle dit :
— Rien par les Bonaparte, rien pour les Bona-
parte.
André Laroche,
Prix du Numéro : 25 centimes
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pierre véron
H«d>ctenr en Chef
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Rue Joquelet, 11
LE
bulletin politique
Quand nous serons à vingt, nous ferons une
croix. Nous y touchons, d’ailleurs.
Vingt listes différentes pour Paris seulement !
Voilà de quoi causer un certain ahurissement
parmi les électeurs.
Prenez un brave homme qui s’occupe surtout de
l'état qu’il fait et qui, par conséquent, n’est pas un
politicien de profession. Demandez-vous en quelle
situation d’esprit il peut se trouver placé, lorsque
tous ces bras lui tendent des morceaux de papier
sur lesquels sont inscrits des noms si divers, lors-
que tous ces journaux lui recommandent des sau-
veurs si différents.
D’avance, il faut pardonner à l’infortuné les
bévues qu’il pourra commettre, car positivement,
en votant, il ne saura pas ce qu’il fait.
Et encore, dans un centre comme Paris, certains
courants s’établissent, ün est plus ou moins ren-
seigné.
L’électeur, jusqu’à un certain point, peut essayer
de s’y reconnaître.
Mais en province ! Et quand ce sont des paysans,
illettrés pour la plupart, absolument ignorants des
antécédents de chacun, où voulez-vous qu’ils pren-
nent le discernement nécessaire ?
Ce sont de simples machines, qu’un certain nom-
bre de moteurs mettent en mouvement.
Ces moteurs sont les comités.
Et va comme je te pousse.
C’est la légende française de Gavarni qui nous
vient aux lèvres devant un pareil spectacle.
Et devant les inconsciences pitoyables du scrutin
de liste, il nous prend envie de lui dire, en son-
geant au scrutin uninominal tant calomnié:
— Plus je te vois, plus je l’aime.
Ce n’était pas la perfection, certes. Il avait ses
défauts, il avait ses vices même.
Mais, du moins, l’initiative individuelle subsis-
tait. La France ne donnait pas le spectacle piteux
auquel nous assistons.
Elle n’avait pas l’air d’un troupeau de moutons
de Panurge mené par quelque berger arrogant.
On,aura beau faire, on aura beau dire, jamais
nous ne sorlirons de ce simple raisonnement :
^ Le but, c’est la liberté; le scrutin de liste,
cest d’esclavage. Ceci ne conduira jamais à cela.
Vous allez voir, à Paris, quel pataugement for-
midable va se produire avec les trente-huit noms.
Trouver trente-huit mandataires par qui l’on se
Cr0lt sincèrement représenté, dont on épouse
outes les idées, en qui l’on ait confiance, pour
cause.
Pour ma part, je ne sais pas trop si j’en trouve-
81 une douzaine, et en cherchant bien longtemps.
Nous
avons dit tout cela lorsque le scrutin de
diste a été remis sur le tapis. Mais il y avait en-
tent alors.
j^Viourd’hui, cet engouement-là a fortement
pr'ssé■ commence à chuchotter tous ces re-
oc es. On s'aperçoit de tous ces périls.
CHARIVARI
Il est bien temps.
Les républicains, qui tenaient une majorité cer-
taine et imposante, ont trouvé bon de la jouer
sur cette carte qui, selon nous, ne peut être
qu'une carte biseautée.
Pour beaucoup, l’heure du regret est déjà venue.
Que sera-ce lorsque les résultats auront parlé?
Nous n’avons plus bien longtemps à attendre
pour être édifiés.
L’Univers continue à publier tous les jours une
série de certificats en l’honneur des Pilules de
Mun, le grand purgatif social, le remède à tous
nos maux.
On voit, non sans étonnement, que nombre des
certificats reproduits avec fierté par le journal dé-
vot en faveur de la panacée cléricale, émane de
l’étranger. Il y en a même dont Y Univers se mon-
tre très orgueilleux et qui viennent de Berlin.
Je vous demande un peu de quoi ils se mêlent,
ceux-là, et en quoi nos affaires intérieures les re-
gardent ?
En même temps que les certificats en question,
les colonnes de Y Univers donnent la première liste
de souscription pour l’action catholique.
La première ! Il faut croire que le courage à la
poche ne marche guère, puisqu’on en est encore
là.
La première ! Et l’on vote dans trois jours.
Le reste arrivera donc comme la moutarde après
dîner.
Mais y aura-t-il un reste?
Le zèle des croyants ne paraît pas s’échauffer
beaucoup, lorsqu’il s’agit de payer, et l’on com-
prend pourquoi ils ont une si grande horreur
pour la séparation de l’Eglise et de l’Etat, qui les
forcerait d’ouvrir leur bourse tous les mois.
Une foule de millionnaires et de hauts barons
du parti monarchiste ne brillent que par leur ab-
sence sur la liste de Y Univers.
Ce qu’on y voit surtout, ce sont de pauvres prê-
tres qui y vont de leurs quarante sous.
Ces deux francs rappellent Pradier le bâtonniste,
qui, pour amorcer la générosité des spectateurs,
mettait deux sous de sa poche.
Tout cela ne prouve pas un grand élan, et, mal-
gré les attestations prussiennes dont l’Univers fait
montre, la croisade prêchée par M. de Mun a
tout l’air d’aller en ligne droite à un avortement.
Vous vous en doutiez bien un peu?
Pierre Véron.
drôle de choix
Et voici qu’on annonce que l'Espagne et l’Alle-
magne ont fait choix d’un médiateur.
Ce médiateur ne serait autre que le pape
Léon XIII.
Tout arrive. Mais j'avoue que je ne me scrqis
pas attendu à celle-là.
Que l'Espagne, la Très Catholique, s’incline de-
vant les décisions pontificales, cela se conçoit.
Mais l’Allemagne protestante!
Il faut en être venu au degré de divagation où
nous en sommes en Europe, pour que de pareilles
combinaisons soient possibles.
L’Allemagne ne reconnaît même pas le pouvoir
spirituel du pape, en sa qualité de huguenote.
Elle ne saurait, à plus forte raison, reconnaître
son pouvoir temporel.
Léon XIII n’est qu'un usurpateur en partie
double.
Il n’est prince de rien du tout.
Quelle autorité a-t-il, par conséquent, pour se
mêler des querelles qui éclatent entre deux puis-
sances?
Logiquement, pour l'Allemagne, c’est comme si
elle s’adressait à un M. Durand quelconque. El
encore ce M. Durand pourrait lui inspirer une vive
confiance.
Il n’en saurait être de même pour un homme
qui (relire Luther) est accusé de représenter l’im-
posture, l’abus de pouvoir et toutes sortes d’autres
choses.
Un tel homme, pour peu qu’on veuille être con-
séquent, ne peut inspirer que de la défiance.
Que l’Allemagne alors se refasse catholique.
L’acceptation de la médiation pontificale est un
premier pas. Il faut aller jusqu’au bout, si l’on s’y
met.
Mais tout n’est que zigzag et incohérence au-
jourd’hui.
Le dix-neuvième siècle est un vieux tombé en
enfance. Il est temps qu’il rende son almanach,
car il ne sait plus ce qu’il fait.
Paul Girard.
-
POINT D’HISTOIRE
C’est le Rappel qui lève ce lièvre et qui constate,
avec la garantie d'un bonapartiste déterminé, que
la devise de Napoléon Inr était :
« Tout pour le peuple et rien par le peuple. *
Ce memento arrive à propos, au moment où le
jeune Victor fait distribuer des imprimés dans
lesquels il déclare épouser les idées de Napo-
léon Ier et de Napoléon III.
Epouse-t-il celle-ci, le jeune prétendant?
Nous avons aussi Plonplon, dont la devise serait
plutôt :
« Tout par le peuple et rien pour le peuple. »
La famille fournit des variantes pour tous les
goûts.
Le peuple, lui, dont la sollicitude napoléonienne
s'est si bizarrement occupée, n’a pas de ces incer-
titudes.
Sa devise est immuable désormais.
Expériences faites, elle dit :
— Rien par les Bonaparte, rien pour les Bona-
parte.
André Laroche,