Prix du Numéro : 25 centimes
MARDI 1er SEPTEMBRE 1885
CllvnnANTE-QUATRIÈME ANNÉE
abonnements
PARIS
. 18 fr.
Trois m°i9 * ; : : : : : : : ^. -
six mois
varient des /« et 16 de chaque moi,
,„»»» nementsP“ __
direction
politique, Littéraire et Artistique
pierre Véron
0édacten
t en Chef
BUREAUX
u BÉDACHON BT DB L'ADMINISTRATION
" Bue de la Victoire, 20
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DÉPARTEMENTS
Trois mois. 20 fr.
Six mois. 40 —
Un an. 80 —•
L’abonnement clun an donne droit à la prime gratis
DIRECTION
Politique, Littéraire et Artistique
PIERRE VÉRON
ESédacteur en Chef
ANNONCES
ADOLPHE EWIG, fermier de la publicité
Eue Joquelet, 11
LE CHARIVARI
-— .HtiuMi e tm -.
bulletin politique
Le XIX" Siècle a raison.
La dominante des programmes réactionnaires,
c'est la note cléricale.
On est forcé de garder son drapeau politique
dans sa poche. Alors, pour avoir l'air de s’enten-
dre sur quelque chose, on s’est groupé autour de
la question religieuse.
En guise d’étendard, on brandit un goupillon.
De telle sorte que le mot d ordre semble être :
-Lescomités s’agitent et la sacristie les mène.
Fktoe tactique pour ceux qui l’emploient.
LeXIX* Siècle est dans le vrai quand il dit :
<La nuance cléricale qui s’accentue de jour en
jour, s’impose aux divers comités et couvre toute
autre nuance, est vraiment la couleur la moins po -
pulaire, la plus détestée aux champs et à la ville,
celle qui offense le plus les regards des Français.
11 faudrait mettre une extrême application à ne la
laisser percer nulle part, et c’est pourtant la seule
que l'on montre et que l’on étale! On n’avoue point
qu’on travaille pour la monarchie, on se défend de
travailler pour l’Empire, mais on démontre en
loute évidence qu’on fait les affaires du clériea
lisme. Il était difficile de tomber plus lourdement
dans un bourbier, en voulant se tirer d’une or-
nière. »
Ceux qui président à ces évolulions sont bien
aveugles s’ils ne voient pas à quelle débâcle ils
conduisent leurs troupes débandées d’avance.
Dire que jamais on ne se débarrassera des em-
PtaSDS puériles et des exagérations qui diminuent
l’intérêt qu’on peut porter aux plus justes causes !
Voici qu’à propos du conflit hispano-allemand
ua journal s’écriait l’autre jour :
“La pairie du Cid se montre digne de son glo-
rieux passé. Elle prouve qu’elle a conservé ses
^ux grandes vertus : le dédain de la mort et le
Mépris de l’argent.
11 Les temps héroïques sont revenus. On assiste
llune résurrection digne d’être chantée par Cor-
"«Ue ou Victor Hugo. »
Gei’tes, les Espagnols ont le droit pour eux et
vœux sont avec eux.
1 a>s il faut attendre pour parler d’héroïsme et
Warner les épopées.
(l 01870 aussi, on lut dans ces mêmes feuilles
es dithyrambes qui assuraient que les temps bé-
•ques étaient revenus pour nous,
sait le reste,
1 vérité est que l’Espagne a raison de ne pas
Se laisser faire le mouchoir.
cest de la politique à la tire que M. de Bis-
mafck a tentée là.
belge constate l’étonnement
Ces atlS *0u^es ^es chancelleries par l’aventure,
ne n- L11 °Çédés-là sont absolument nouveaux.pour
tS dire extraordinaires. Jamais, [jusqu’à ce
jour, le droit international n’avait admis la théo-
rie étrange qu’ils tendraient à consacrer : à sa-
voir qu’il est permis à un Etat de s’emparer d’un
point quelconque du globe sans autrement s’in-
quiéter des droits que des tiers pourraient avoir
sur ce point, quitte à restituer après coup le bien
d’autrui indûment annexé. Dans le domaine des
droits particuliers et personnels de propriété ou
de possession, des litiges de ce genre se tranchent
généralement par devant le commissaire de police
el les tribunaux correctionnels.
Bilboquet se déclare vaincu.
Bilboquet ne s’en prenait qu'aux malles qui
n’élaient à personne.
M. de Bismarck fera bien, en tout cas, do relire
l’histoire.
Il y verra que l'Espagne est un pays fatal aux
colosses d’occasion.
Nous en avons eu la triste preuve, pour notre
part, et Bonaparte y a reçu le premier coup mortel.
Nous ne croyons pas., d’ailleurs, que cetie prise
de possession fantaisiste puisse être maintenue.
Mais le seul fait de l’avoir essayée prouve que
M. de Bismarck estime qu’il n’y a plus d’Europe.
Autrefois un toile se serait élevé dès la première
velléité d’escamotage. Aujourd’hui il faut qu’on
se concerte et qu’on réfléchisse avant de s’indi-
gner.
C’était prévu.
Les malices cousues de fil blanc qu'avait com-
binées lord Salisbury n’ont pas réussi à duper la
Porte.
Et sir Drummond Wolff va revenir bredouille.
Le plan était bien celui que la presse russe a
dénoncé.
Lord Salisbury avait tout d’abord écarté la par-
tie des pourparlers qui visait le conflit anglo-russe
et se limitait à demander une armée pour repren-
dre le Soudan, avec la reconnaissance du protec-
torat anglais sur l’Egypte. En entraînant la Porte
dans une action commune en Egypte, le cabinet
de Londres savait bien que tôt ou tard, par la force
des choses, cette intimité en ferait naître une se-
conde. En cas de guerre avec la Russie, le sultan
se serait, en effet, trouvé clans l’obligation d’ouvrir
les Dardanelles et le Bosphore à son puissant al-
lié, — la Grande-Bretagne, — à peine devoir celle-
ci se retourner contre lui, après avoir immobilisé,
dans la Haute-Egypte, les meilleures troupes tur-
ques.
On n’est pas absolument bête à Constantinople.
On a flairé le piège.
El bonsoir, sir Drummond Wolff !
Ce n’est pas fait pour consolider le ministère
tory.
Son chef demandait au Parlement qu’on ména-
geât ce cabinet qui en était encore à la période
d'enfance.
Lord Salisbury aurait du dire :
— Qui en était déjà à la période d’enfance.
Car c’est de la seconde enfance qu’il s’agit, de
celle qui s’appelle aussi décrépitude.
Pierre Véron.
LETTRE A II CONVALESCENT
Permettez tout d’abord, monsieur l’administra-
teur, que je vous félicite.
Tous les journaux annoncent :
« La santé de M. Perrin se raffermi! de jour en
jour, et il est désormais certain qu’à l’expiration
de son congé, c’est-à-dire à la fin de septembre,
il reprendra le sceptre de la Comédie-Française. »
Mais avant de voir ce que ce sceptre peut avoir
de démodé, comme expression, c’est sincèrement
que je vous complimente sur ce retour à la santé.
D’abord, parce qu’il va nous donner un spec-
tacle assez réjouissant. Cela pourrait s’appeler :
La déconvenue des héritiers. On en ferait une pièce. t
Ils étaient, assure-t-on, une bonne douzaine à
briguer là succession avant qu’elle fût ouverte.
Vous ressuscitez — comme dans le Malade ima-
(jinaire. Et ils vont prendre la fuite, éperdus de
terreur. C’est du bon répertoire.
Je vous adresse, en outre, mes congratulations,
parce que, somme toute, vous avez fait beaucoup
pour la prospérité de la maison, et que les critiques
dont vous avez élé l'objet n’ont pas prévalu contre
les services rendus.
Mais ces compliments réglés, monsieur l’admi-
nistrateur, souffrez que j'appelle votre attention
éclairée sur les périls auxquels votre gestion va
courir de nouveau, si vous continuez à suivre le
chemin dans lequel vous vous étiez engagé.
L’heure des riches récoltes sera bientôt passée,
si je ne m’abuse.
L’heure des prudentes semailles va venir.
S’il faut vous dire toute ma pensée d’un mot,
Lout me paraît être à refaire dans cette organisa-
tion antique et solennelle.
Mon Dieu, oui, tout!
A commencer par le recrutement du personnel.
On louche —ceci n’est un secret pour personne,
puisqu’il n’y a, pour être édifié à ce sujet, qu’à
consulter les almanachs — on touche à l’époque
où tous les chefs d’emploi actuels seront admis
aux douceurs de la retraite. Vous avez eu la chance
insigne, monsieur l’administrateur, de prendre
toute faite la plus admirable troupe de comédiens
qu’il y ait jamais eu.
Déjà quelques-uns ont disparu.
Les autres se retireront avant peu.
On annonce que Delaunay vous quittera dans
six mois.
Got, Maubant, Barré imiteront bientôt son
exemple. Et Thiron les suivra à courte distance.
Où sont les remplaçants?
Vous me nommerez quelques recrues. Elles
sont, hélas! de celles qui, brillant au second rang,
me paraissent destinées à s’éclipser dès qu’elles
voudront monter au premier.
En peut-il être différemment, en l’état de choses
actuel ?
Ce sont ces messieurs du comité qui, de par le
décret de Moscou, choisissent leurs futurs rem-
plaçants.
MARDI 1er SEPTEMBRE 1885
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bulletin politique
Le XIX" Siècle a raison.
La dominante des programmes réactionnaires,
c'est la note cléricale.
On est forcé de garder son drapeau politique
dans sa poche. Alors, pour avoir l'air de s’enten-
dre sur quelque chose, on s’est groupé autour de
la question religieuse.
En guise d’étendard, on brandit un goupillon.
De telle sorte que le mot d ordre semble être :
-Lescomités s’agitent et la sacristie les mène.
Fktoe tactique pour ceux qui l’emploient.
LeXIX* Siècle est dans le vrai quand il dit :
<La nuance cléricale qui s’accentue de jour en
jour, s’impose aux divers comités et couvre toute
autre nuance, est vraiment la couleur la moins po -
pulaire, la plus détestée aux champs et à la ville,
celle qui offense le plus les regards des Français.
11 faudrait mettre une extrême application à ne la
laisser percer nulle part, et c’est pourtant la seule
que l'on montre et que l’on étale! On n’avoue point
qu’on travaille pour la monarchie, on se défend de
travailler pour l’Empire, mais on démontre en
loute évidence qu’on fait les affaires du clériea
lisme. Il était difficile de tomber plus lourdement
dans un bourbier, en voulant se tirer d’une or-
nière. »
Ceux qui président à ces évolulions sont bien
aveugles s’ils ne voient pas à quelle débâcle ils
conduisent leurs troupes débandées d’avance.
Dire que jamais on ne se débarrassera des em-
PtaSDS puériles et des exagérations qui diminuent
l’intérêt qu’on peut porter aux plus justes causes !
Voici qu’à propos du conflit hispano-allemand
ua journal s’écriait l’autre jour :
“La pairie du Cid se montre digne de son glo-
rieux passé. Elle prouve qu’elle a conservé ses
^ux grandes vertus : le dédain de la mort et le
Mépris de l’argent.
11 Les temps héroïques sont revenus. On assiste
llune résurrection digne d’être chantée par Cor-
"«Ue ou Victor Hugo. »
Gei’tes, les Espagnols ont le droit pour eux et
vœux sont avec eux.
1 a>s il faut attendre pour parler d’héroïsme et
Warner les épopées.
(l 01870 aussi, on lut dans ces mêmes feuilles
es dithyrambes qui assuraient que les temps bé-
•ques étaient revenus pour nous,
sait le reste,
1 vérité est que l’Espagne a raison de ne pas
Se laisser faire le mouchoir.
cest de la politique à la tire que M. de Bis-
mafck a tentée là.
belge constate l’étonnement
Ces atlS *0u^es ^es chancelleries par l’aventure,
ne n- L11 °Çédés-là sont absolument nouveaux.pour
tS dire extraordinaires. Jamais, [jusqu’à ce
jour, le droit international n’avait admis la théo-
rie étrange qu’ils tendraient à consacrer : à sa-
voir qu’il est permis à un Etat de s’emparer d’un
point quelconque du globe sans autrement s’in-
quiéter des droits que des tiers pourraient avoir
sur ce point, quitte à restituer après coup le bien
d’autrui indûment annexé. Dans le domaine des
droits particuliers et personnels de propriété ou
de possession, des litiges de ce genre se tranchent
généralement par devant le commissaire de police
el les tribunaux correctionnels.
Bilboquet se déclare vaincu.
Bilboquet ne s’en prenait qu'aux malles qui
n’élaient à personne.
M. de Bismarck fera bien, en tout cas, do relire
l’histoire.
Il y verra que l'Espagne est un pays fatal aux
colosses d’occasion.
Nous en avons eu la triste preuve, pour notre
part, et Bonaparte y a reçu le premier coup mortel.
Nous ne croyons pas., d’ailleurs, que cetie prise
de possession fantaisiste puisse être maintenue.
Mais le seul fait de l’avoir essayée prouve que
M. de Bismarck estime qu’il n’y a plus d’Europe.
Autrefois un toile se serait élevé dès la première
velléité d’escamotage. Aujourd’hui il faut qu’on
se concerte et qu’on réfléchisse avant de s’indi-
gner.
C’était prévu.
Les malices cousues de fil blanc qu'avait com-
binées lord Salisbury n’ont pas réussi à duper la
Porte.
Et sir Drummond Wolff va revenir bredouille.
Le plan était bien celui que la presse russe a
dénoncé.
Lord Salisbury avait tout d’abord écarté la par-
tie des pourparlers qui visait le conflit anglo-russe
et se limitait à demander une armée pour repren-
dre le Soudan, avec la reconnaissance du protec-
torat anglais sur l’Egypte. En entraînant la Porte
dans une action commune en Egypte, le cabinet
de Londres savait bien que tôt ou tard, par la force
des choses, cette intimité en ferait naître une se-
conde. En cas de guerre avec la Russie, le sultan
se serait, en effet, trouvé clans l’obligation d’ouvrir
les Dardanelles et le Bosphore à son puissant al-
lié, — la Grande-Bretagne, — à peine devoir celle-
ci se retourner contre lui, après avoir immobilisé,
dans la Haute-Egypte, les meilleures troupes tur-
ques.
On n’est pas absolument bête à Constantinople.
On a flairé le piège.
El bonsoir, sir Drummond Wolff !
Ce n’est pas fait pour consolider le ministère
tory.
Son chef demandait au Parlement qu’on ména-
geât ce cabinet qui en était encore à la période
d'enfance.
Lord Salisbury aurait du dire :
— Qui en était déjà à la période d’enfance.
Car c’est de la seconde enfance qu’il s’agit, de
celle qui s’appelle aussi décrépitude.
Pierre Véron.
LETTRE A II CONVALESCENT
Permettez tout d’abord, monsieur l’administra-
teur, que je vous félicite.
Tous les journaux annoncent :
« La santé de M. Perrin se raffermi! de jour en
jour, et il est désormais certain qu’à l’expiration
de son congé, c’est-à-dire à la fin de septembre,
il reprendra le sceptre de la Comédie-Française. »
Mais avant de voir ce que ce sceptre peut avoir
de démodé, comme expression, c’est sincèrement
que je vous complimente sur ce retour à la santé.
D’abord, parce qu’il va nous donner un spec-
tacle assez réjouissant. Cela pourrait s’appeler :
La déconvenue des héritiers. On en ferait une pièce. t
Ils étaient, assure-t-on, une bonne douzaine à
briguer là succession avant qu’elle fût ouverte.
Vous ressuscitez — comme dans le Malade ima-
(jinaire. Et ils vont prendre la fuite, éperdus de
terreur. C’est du bon répertoire.
Je vous adresse, en outre, mes congratulations,
parce que, somme toute, vous avez fait beaucoup
pour la prospérité de la maison, et que les critiques
dont vous avez élé l'objet n’ont pas prévalu contre
les services rendus.
Mais ces compliments réglés, monsieur l’admi-
nistrateur, souffrez que j'appelle votre attention
éclairée sur les périls auxquels votre gestion va
courir de nouveau, si vous continuez à suivre le
chemin dans lequel vous vous étiez engagé.
L’heure des riches récoltes sera bientôt passée,
si je ne m’abuse.
L’heure des prudentes semailles va venir.
S’il faut vous dire toute ma pensée d’un mot,
Lout me paraît être à refaire dans cette organisa-
tion antique et solennelle.
Mon Dieu, oui, tout!
A commencer par le recrutement du personnel.
On louche —ceci n’est un secret pour personne,
puisqu’il n’y a, pour être édifié à ce sujet, qu’à
consulter les almanachs — on touche à l’époque
où tous les chefs d’emploi actuels seront admis
aux douceurs de la retraite. Vous avez eu la chance
insigne, monsieur l’administrateur, de prendre
toute faite la plus admirable troupe de comédiens
qu’il y ait jamais eu.
Déjà quelques-uns ont disparu.
Les autres se retireront avant peu.
On annonce que Delaunay vous quittera dans
six mois.
Got, Maubant, Barré imiteront bientôt son
exemple. Et Thiron les suivra à courte distance.
Où sont les remplaçants?
Vous me nommerez quelques recrues. Elles
sont, hélas! de celles qui, brillant au second rang,
me paraissent destinées à s’éclipser dès qu’elles
voudront monter au premier.
En peut-il être différemment, en l’état de choses
actuel ?
Ce sont ces messieurs du comité qui, de par le
décret de Moscou, choisissent leurs futurs rem-
plaçants.