LE CHARÏVARI
Suspendu !...
Ou me persécute !... O merci, mon Dieu !
Leur arrêt me refait une virginité.
Suspendu !... C’est l’apothéose... j’ai mon Sainte-
Hélène ! ! !
(Il met une main dans son gilet et s’envoie un
baiser de l’autre.— Rideau.)
CASCADIO.
THEATRES
RENAISSANCE : la Parisienne ; les Femmes honnêtes.
M. Becque est un oseur.
D’aucuns même disent : un téméraire.
Il a déjà tenté bien des aventures scabreuses. Ce
qui fait que les directeurs sont pris, rien qu’à son
nom, d’une sainte terreur.
D’où aussi les périgrinations de la Parisienne.
La pièce, m'a-t-on dit, fut présentée d’abord a la
Comédie-Française; de là elle émigra à l’Odéon ; fit
une pointe sur le Vaudeville.
— Trop d’audace! répondait-on, sans se soucier
de la devise dantonnesque.
Que faire ?
M. Becque se serait peut-être découragé si la Re-
naissance ne s’était offerte soudain à ses yeux éton-
nés et ravis, — style d’opéra-comique.
La Renaissance, après avoir tâté du drame soi-
disant iittéraire, venait de trouver le succès sur une
autre piste.
Le rire lui avait réussi, alors que les larmes
étaient restées stériles»
La direction se trouvant ainsi prédisposée à la fo-
lâtrerie, le moment était propice.
M. Becque apporta sa Parisienne.
Elle fut lue et reçue sans autre forme de procès.
Restait à composer une interprétation. Car la Re-
naissance n’a pas encore de personnel tout à fait
stable.
Ceux qu’elle avait engagés pour faire vibrer la
tirade sont partis. Elle a dû provisoirement recru-
ter çà et là.
Mais n'importe !
On se mit à la besogne. Le Voyage au Caucase
donnait tout loisir de répéter avec soin.
On en profita.
M. Vois fut emprunté au Vaudeville.
M. Galipaux, au Palais-Royal.
M110 Automne, à... la disponibilité.
Et en avant !
La Parisienne !... comme on disait La Ville, pour
désigner Rome.
On s’attend a une physiologie complète.
Elle n’y est pas.
La généralisation est un peu bien injuste. Toutes
les Parisiennes ne ressemblent pas à cette impas-
sible vicieuse que nous montre M. Becque — et qui
n’a pas plus de sens que de cœur.
Mais le modèle existe, certes. Il est tiré à de nom-
breux exemplaires. Ce ménage à trois, qui devient
même un ménage à quatre, est étudié sur nature.
L’auteur ne se pique pas d’invention. C’est un
observateur.
Il prend un milieu social. Il se demande comment
les choses se passent dans ce milieu-là.
Et il écrit sous la dictée de la vérité.
Les conditions ordinaires de l’art dramatique ?
Connaît pas ! Les péripéties ? A quoi bon ?
Tout est dans la fidélité du documenthumain. Car,
il faut l’avouer pour lui s’il ne se l’avoue pas, M.
Becque est naturaliste. — ou tout au moins natura-
lisant.
Peu lui importe qu’un sujet ait été traité déjà. Il
ne voit pas comme les autres et n’a pas à craindre
de tomber dans le plagiat.
Ainsi, dans la Parisienne, il y a comme point de
départ du Plus heureux des trois. Mais dans l’exécu-
tion tout bifurque et diffère.
On dit :
— Ce n’est pas du théâtre.
li faudrait dire plutôt.
— Ce n’est pas le théâtre ordinaire.
Mais rien n’empêche de chercher à côté. La fin
seule doit justifier les moyens. Certains effets d’ail-
leurs sont d’un maître.
Il est évident que la Parisienne paraît plutôt un
recueil d’articles dialogué? qu’une pièce.
Il y a dans la mise en œuvre du Gavarni, du dia-
logue genre Vie parisienne, du Monnier, du...
Il y a surtout du Becque.
C'est-à-dire un écrivaiu dédaigneux des conven-
tions qui tourne, retourne, épuise une situation
unique en en faisant sortir tout ce qu’elle contient
de mots âpres, de tiistesse dépensée en gaieté, de
morale par l’immoral, de philosophie coujugale et
mondaine.
Certaines redites agacent, certaines crudités cho-
quent.
Mais on est pris quand même.
C’est du domptage dramatique.
N’est pas dompteur qui veut. Il faut la poigne et
le courage.
La Parisienne a très vivement réussi. Et cepen-
dant l’interprétation n’a pas fait grand’chose pour ce
succès.
M118 Anfonine est convenable, mais sans nuances,
sans modulations.
M. Vois se tire d’affaire, mais sans originalité.
Quant au mari, représenté par M. Darvel, je lui
pardonne sa voix mugissante.
N’est-il pas le bœuf?
Pierre Véron.
CHRONIQUE Dïï JOUR
Ci A nnTn Décoration du Nicham pour ses Produits.
GEE1E CASSIS fontbonne, à dijoi
LES FRÈRES GROS, Dijon. Moutarde estimée, îesinos.
La goemarqnf.RHDIvIdesiiPlantâtions St-JAMES, se vend partout.
On vient de constater qu’il y a Paris nombre de gens,
et des plus huppés, qui sont sans patrie.
Ces fantaisistes se sont volontairement dépouillés de
la qualité de Français, sans prendre la peine de se faire
naturaliser dans un autre pays.
Situation fort commode puisque, sauf l’électorat, ils
conservent tous les droits du citoyen sans en assumer
les devoirs.
Et la loi, impitoyable pour le vagabondage matériel,
tolère complaisamment ce vagabondage moral.
Pourquoi ? Parce que le vagabond moral, au lieu de
porter des chapeaux défraîcüis et des bottes éeulées
comme le pauvre diable qui erre sur le pavé, faute de
pouvoir payer son garni, se prélasse dans de conforta-
bles coupés et entretient des horizontales de marque.
Il parie aux courses, pousse des vivats frénétiques
lorsque la France bat l’Angleterre sur le turf, et, le 14
juillet, tapisse la façade de son hôtel de drapeaux tri-
colores.
On le voit même, de loin en loin, assister à une re-
présentation des Boraces, à la Comédie-Française, et ap-
plaudir à tout rompre le fameux : « Qu'il mourût! »
EVE-CHAMPAGNE — ancien Eden-Clianipagne —
succès de vogue. 1 fr. la bouteille en gare de départ,
Commandes adressées au château de Vabbaye St-Nicolas.
par St-Gobain (Aisne).
Plusieurs critiques dramatiques, en rendant compte
de Elle et Lui et de Mam’zelle Gavroche, ont remis en Ve-
dette la physionomie d", célébré ténor Jélyotte.
Mamiontel en a tracé ce portait aussi flatteur que
curieux :
« Doux, riant, amisloux, pour me servir d’un mot de
sou pays, il portait sur son front la sérénité du bon-
heur et, en Je respirant lui-mème. il l’inspirait. En
effet, si l’on me demande quel est l’homme le plus
complètement heureux que j’aie vu en ma vie, je ré-
pondrai : C’est Jélyotte.
» Chéri, considéré parmi ses camarades, avec lesquels
il était sur le ton d’une politesse amicale, mais sans
familiarité, il vivait en homme du monde, accueilli,
désiré partout. IL s’était fait upe étude de choisir et
d’apprendre nos nlus jolies chansons, et il les chantait
sur sa guitare avec un goût délicieux: mais bientôt oa
oubliait en lui le chanteur pour jouir des agréments
de l’homme aimable; et son esprit, son caractère lui
faisaient dans toutes les sociétés autant d’amis qu’il
avait eu d'admirateurs.
» Homme à bonnes fortunes, autant et plus qu’il n’au-
rait voulu l'ètre, il était renommé pour sa discrétion ; et
de ses nombreuses conquêtes, on n’a connu que celles
qui ont voulu s'afficher... »
Ce portrait peut, se résumer, en somme, en trois mots :
distinction, discrétion et modestie. ’
Combieu de ténors en ce monde
Dont on ne peut en dire autant 1
Tout en reconnaissant l’immense talent de M. Alexan-
dre Dumas fils et l’intérêt de sa pièce, beaucoup ont
protesté par la plume contre la glorification des filles-
mères.
D’autres, ce qui vaut mieux, ont protesté par des
actes.
A Saint-Denis notamment les trois rosières ont été
conduites par-devant M le maire immédiatement après
la cérémonie de leur couronnement.
Saint-Dmis piotestant contre sainte Denise... bizarre
coïncidence !
Soyez donc goguenards avec les concierges !
— Eh bien ! disais-je hier au mien, on prétend que
vous allez être soumis à l’élection comme de simples
présidents de la commission du budget.
I — On aura beau faire, me répondit-il froidement,
i nous serons toujours les maîtres.
Puis il ajouta avec un geste plein de majesté :
— Voyez-vous, monsieur, il vaut encore mieux tenir
ce cordon-là que les cordons de la bourse 1
Léon Audibert.
Le directeur-gérant, Pierre Véron.
— Je vous en supplie, mon cher monsieur Dubuis-
son, présentez-moi à Mm0 de Grandcour.
— Je ne ferai donc que ça toute la soirée?... Je vous
préviens, Gilbert ; vous serez le treizième.
— Je ne suis pas superstitieux... Quelles magnifiques
épaules !... Quel corsage .. épanoui !...
— Oui, il y a de l’étoffe.
— Elle est encore très jeune, cette femme-là...
— Je dois vous avertir qu’elle est d’une sagesse in-
vincible ! Si vous avez des intentions... impures, vous
ferez aussi bien de rester tranquille.
— Je n’ai nullement la prétention de...
— Au eontraiie ! dit M. Dubuisson en riant. Mais cela
vous regarde. Allons, venez.
La belle veuve accueillit le jeune homme d’une façon
gracieuse. Présenté par son respectable ami Dubuisson,
il ne pouvait avoir de meilleur répondant.
Gilbert profita aussitôt de ces excellentes dispositions
pour solliciter une valse qui lui fut accordée avec un
sourire fascinateur.
Quand ils eurent fini de danser, Gilbert, l’œil bril-
lant, encore plus ému qu'essoufflé, se répandit en élo-
ges sur la légèreté et sur l’esprit de sa valseuse.
— Est-ce que vous ne la serriez pas d’un peu trop
près ? demanda l’ami de la belle dame.
— Seulement dans les passages difficiles, pour l’em-
pècher d’ètre froissée par les maladroits. Elle m’a per-
mis d’aller la voir. Ah I cher monsieur, quelle femme
adorable 1
— Et vous vous disposez à l’adorer ?
— Oui... Non... Enfin qui vivra...
— Aimera. Bonne chance, mon enfant !
A quelques jours de là, Mra0 de Grandcour querellait
sérieusement sa camériste :
— Mais serrez, serrez donc! lui disait-elle.
Il s'agissait de la faire entrer dans un corset trop
étroit. Et Justine répondait :
— J'y mets toutes mes forces, madame. Voyez, j’en
ai les doigts coupés par le lacet. Dame ! quand la place
manque...
— Voulez-vous donner à entendre que j’aie...
Le mot « engraissé » expira sur ses lèvres. Hélas ! ce
n’était que trop vrai. Malgré le régime sévère auquel
elle s’astreignait, le capiton naturel augmentant tou-
jours, ce qu'il fallait d’efforts pour conserver une taille
fine, la pauvre Justine en savait quelque chose !
Restée seule dans sa chambre, Mm0 de Grandcour prit
un miroir à main et passa l’inspection de ses tempes.
Elle en arracha avec colère deux ou trois cheveux
blancs.
« Ils ne finiront donc pas de repousser, les monstres 1
dit-elle fiévreusement. Car ce sont bien les mêmes ; je
les reconnais. »
Douce erreur 1 Ceux-là avaient blanchi dans la nuit.
Justine lui annonçant la visite de M. Gilbert la tira
de cette inspection douloureuse.
Elle alla recevoir le visiteur, qui s’aperçut de sa tris-
tesse et voulut en connaître la cause.
— Vous n'êtes pas souffrante, chère madame?
— Est-ce que j’ai mauvaise mine?
— Au contraire, répondit le jeune homme. V°us
n’avez jamais été plus fraîche, plus en beauté !
— Qui vous fait supposer alors que je sois souffrante !
— Vos sourcils froncés et ce pli sur votre front si puL
— Un pliI dit la dame avec amertume. Pourquoi paS
une ride tout de suite ?
— Oh! madame! s’écria Gilbert. Quelle idée ! A votre
âge ?
Ce mot-là était de ceux qu’elle ne pouvait entendre
sans tressaillir. Aussi, sa mauvaise humeur s’en aug”
mentant, elle fut aigre au début do l’eptretien.
— Comme vous êtes sévère ce matin 1 dit mélaneolr
quement le pauvre garçon.
— Pardonnez-moi, j’ai tort, fit la veuve en lui ten"
dant uue petite main grassouillette sur laquelle il de'
posa un baiser savoureux.
— Assez, assez!...
— Si vous saviez combien je vous aime!... Vousla115'
J « |pS
seriez éternellement cette blanche main entre
miennes I
— Ce serait bien long, répliqua-t-elle avec coquetterie
Le temps se remettait au beau, lorsque, malheureu
sement, la conversation retomba sur un sujet £C*
breux. ,je j
— Est-ce que vous trouvez M1110 de Fauvel aussi 1
qu’on le dit ?
Suspendu !...
Ou me persécute !... O merci, mon Dieu !
Leur arrêt me refait une virginité.
Suspendu !... C’est l’apothéose... j’ai mon Sainte-
Hélène ! ! !
(Il met une main dans son gilet et s’envoie un
baiser de l’autre.— Rideau.)
CASCADIO.
THEATRES
RENAISSANCE : la Parisienne ; les Femmes honnêtes.
M. Becque est un oseur.
D’aucuns même disent : un téméraire.
Il a déjà tenté bien des aventures scabreuses. Ce
qui fait que les directeurs sont pris, rien qu’à son
nom, d’une sainte terreur.
D’où aussi les périgrinations de la Parisienne.
La pièce, m'a-t-on dit, fut présentée d’abord a la
Comédie-Française; de là elle émigra à l’Odéon ; fit
une pointe sur le Vaudeville.
— Trop d’audace! répondait-on, sans se soucier
de la devise dantonnesque.
Que faire ?
M. Becque se serait peut-être découragé si la Re-
naissance ne s’était offerte soudain à ses yeux éton-
nés et ravis, — style d’opéra-comique.
La Renaissance, après avoir tâté du drame soi-
disant iittéraire, venait de trouver le succès sur une
autre piste.
Le rire lui avait réussi, alors que les larmes
étaient restées stériles»
La direction se trouvant ainsi prédisposée à la fo-
lâtrerie, le moment était propice.
M. Becque apporta sa Parisienne.
Elle fut lue et reçue sans autre forme de procès.
Restait à composer une interprétation. Car la Re-
naissance n’a pas encore de personnel tout à fait
stable.
Ceux qu’elle avait engagés pour faire vibrer la
tirade sont partis. Elle a dû provisoirement recru-
ter çà et là.
Mais n'importe !
On se mit à la besogne. Le Voyage au Caucase
donnait tout loisir de répéter avec soin.
On en profita.
M. Vois fut emprunté au Vaudeville.
M. Galipaux, au Palais-Royal.
M110 Automne, à... la disponibilité.
Et en avant !
La Parisienne !... comme on disait La Ville, pour
désigner Rome.
On s’attend a une physiologie complète.
Elle n’y est pas.
La généralisation est un peu bien injuste. Toutes
les Parisiennes ne ressemblent pas à cette impas-
sible vicieuse que nous montre M. Becque — et qui
n’a pas plus de sens que de cœur.
Mais le modèle existe, certes. Il est tiré à de nom-
breux exemplaires. Ce ménage à trois, qui devient
même un ménage à quatre, est étudié sur nature.
L’auteur ne se pique pas d’invention. C’est un
observateur.
Il prend un milieu social. Il se demande comment
les choses se passent dans ce milieu-là.
Et il écrit sous la dictée de la vérité.
Les conditions ordinaires de l’art dramatique ?
Connaît pas ! Les péripéties ? A quoi bon ?
Tout est dans la fidélité du documenthumain. Car,
il faut l’avouer pour lui s’il ne se l’avoue pas, M.
Becque est naturaliste. — ou tout au moins natura-
lisant.
Peu lui importe qu’un sujet ait été traité déjà. Il
ne voit pas comme les autres et n’a pas à craindre
de tomber dans le plagiat.
Ainsi, dans la Parisienne, il y a comme point de
départ du Plus heureux des trois. Mais dans l’exécu-
tion tout bifurque et diffère.
On dit :
— Ce n’est pas du théâtre.
li faudrait dire plutôt.
— Ce n’est pas le théâtre ordinaire.
Mais rien n’empêche de chercher à côté. La fin
seule doit justifier les moyens. Certains effets d’ail-
leurs sont d’un maître.
Il est évident que la Parisienne paraît plutôt un
recueil d’articles dialogué? qu’une pièce.
Il y a dans la mise en œuvre du Gavarni, du dia-
logue genre Vie parisienne, du Monnier, du...
Il y a surtout du Becque.
C'est-à-dire un écrivaiu dédaigneux des conven-
tions qui tourne, retourne, épuise une situation
unique en en faisant sortir tout ce qu’elle contient
de mots âpres, de tiistesse dépensée en gaieté, de
morale par l’immoral, de philosophie coujugale et
mondaine.
Certaines redites agacent, certaines crudités cho-
quent.
Mais on est pris quand même.
C’est du domptage dramatique.
N’est pas dompteur qui veut. Il faut la poigne et
le courage.
La Parisienne a très vivement réussi. Et cepen-
dant l’interprétation n’a pas fait grand’chose pour ce
succès.
M118 Anfonine est convenable, mais sans nuances,
sans modulations.
M. Vois se tire d’affaire, mais sans originalité.
Quant au mari, représenté par M. Darvel, je lui
pardonne sa voix mugissante.
N’est-il pas le bœuf?
Pierre Véron.
CHRONIQUE Dïï JOUR
Ci A nnTn Décoration du Nicham pour ses Produits.
GEE1E CASSIS fontbonne, à dijoi
LES FRÈRES GROS, Dijon. Moutarde estimée, îesinos.
La goemarqnf.RHDIvIdesiiPlantâtions St-JAMES, se vend partout.
On vient de constater qu’il y a Paris nombre de gens,
et des plus huppés, qui sont sans patrie.
Ces fantaisistes se sont volontairement dépouillés de
la qualité de Français, sans prendre la peine de se faire
naturaliser dans un autre pays.
Situation fort commode puisque, sauf l’électorat, ils
conservent tous les droits du citoyen sans en assumer
les devoirs.
Et la loi, impitoyable pour le vagabondage matériel,
tolère complaisamment ce vagabondage moral.
Pourquoi ? Parce que le vagabond moral, au lieu de
porter des chapeaux défraîcüis et des bottes éeulées
comme le pauvre diable qui erre sur le pavé, faute de
pouvoir payer son garni, se prélasse dans de conforta-
bles coupés et entretient des horizontales de marque.
Il parie aux courses, pousse des vivats frénétiques
lorsque la France bat l’Angleterre sur le turf, et, le 14
juillet, tapisse la façade de son hôtel de drapeaux tri-
colores.
On le voit même, de loin en loin, assister à une re-
présentation des Boraces, à la Comédie-Française, et ap-
plaudir à tout rompre le fameux : « Qu'il mourût! »
EVE-CHAMPAGNE — ancien Eden-Clianipagne —
succès de vogue. 1 fr. la bouteille en gare de départ,
Commandes adressées au château de Vabbaye St-Nicolas.
par St-Gobain (Aisne).
Plusieurs critiques dramatiques, en rendant compte
de Elle et Lui et de Mam’zelle Gavroche, ont remis en Ve-
dette la physionomie d", célébré ténor Jélyotte.
Mamiontel en a tracé ce portait aussi flatteur que
curieux :
« Doux, riant, amisloux, pour me servir d’un mot de
sou pays, il portait sur son front la sérénité du bon-
heur et, en Je respirant lui-mème. il l’inspirait. En
effet, si l’on me demande quel est l’homme le plus
complètement heureux que j’aie vu en ma vie, je ré-
pondrai : C’est Jélyotte.
» Chéri, considéré parmi ses camarades, avec lesquels
il était sur le ton d’une politesse amicale, mais sans
familiarité, il vivait en homme du monde, accueilli,
désiré partout. IL s’était fait upe étude de choisir et
d’apprendre nos nlus jolies chansons, et il les chantait
sur sa guitare avec un goût délicieux: mais bientôt oa
oubliait en lui le chanteur pour jouir des agréments
de l’homme aimable; et son esprit, son caractère lui
faisaient dans toutes les sociétés autant d’amis qu’il
avait eu d'admirateurs.
» Homme à bonnes fortunes, autant et plus qu’il n’au-
rait voulu l'ètre, il était renommé pour sa discrétion ; et
de ses nombreuses conquêtes, on n’a connu que celles
qui ont voulu s'afficher... »
Ce portrait peut, se résumer, en somme, en trois mots :
distinction, discrétion et modestie. ’
Combieu de ténors en ce monde
Dont on ne peut en dire autant 1
Tout en reconnaissant l’immense talent de M. Alexan-
dre Dumas fils et l’intérêt de sa pièce, beaucoup ont
protesté par la plume contre la glorification des filles-
mères.
D’autres, ce qui vaut mieux, ont protesté par des
actes.
A Saint-Denis notamment les trois rosières ont été
conduites par-devant M le maire immédiatement après
la cérémonie de leur couronnement.
Saint-Dmis piotestant contre sainte Denise... bizarre
coïncidence !
Soyez donc goguenards avec les concierges !
— Eh bien ! disais-je hier au mien, on prétend que
vous allez être soumis à l’élection comme de simples
présidents de la commission du budget.
I — On aura beau faire, me répondit-il froidement,
i nous serons toujours les maîtres.
Puis il ajouta avec un geste plein de majesté :
— Voyez-vous, monsieur, il vaut encore mieux tenir
ce cordon-là que les cordons de la bourse 1
Léon Audibert.
Le directeur-gérant, Pierre Véron.
— Je vous en supplie, mon cher monsieur Dubuis-
son, présentez-moi à Mm0 de Grandcour.
— Je ne ferai donc que ça toute la soirée?... Je vous
préviens, Gilbert ; vous serez le treizième.
— Je ne suis pas superstitieux... Quelles magnifiques
épaules !... Quel corsage .. épanoui !...
— Oui, il y a de l’étoffe.
— Elle est encore très jeune, cette femme-là...
— Je dois vous avertir qu’elle est d’une sagesse in-
vincible ! Si vous avez des intentions... impures, vous
ferez aussi bien de rester tranquille.
— Je n’ai nullement la prétention de...
— Au eontraiie ! dit M. Dubuisson en riant. Mais cela
vous regarde. Allons, venez.
La belle veuve accueillit le jeune homme d’une façon
gracieuse. Présenté par son respectable ami Dubuisson,
il ne pouvait avoir de meilleur répondant.
Gilbert profita aussitôt de ces excellentes dispositions
pour solliciter une valse qui lui fut accordée avec un
sourire fascinateur.
Quand ils eurent fini de danser, Gilbert, l’œil bril-
lant, encore plus ému qu'essoufflé, se répandit en élo-
ges sur la légèreté et sur l’esprit de sa valseuse.
— Est-ce que vous ne la serriez pas d’un peu trop
près ? demanda l’ami de la belle dame.
— Seulement dans les passages difficiles, pour l’em-
pècher d’ètre froissée par les maladroits. Elle m’a per-
mis d’aller la voir. Ah I cher monsieur, quelle femme
adorable 1
— Et vous vous disposez à l’adorer ?
— Oui... Non... Enfin qui vivra...
— Aimera. Bonne chance, mon enfant !
A quelques jours de là, Mra0 de Grandcour querellait
sérieusement sa camériste :
— Mais serrez, serrez donc! lui disait-elle.
Il s'agissait de la faire entrer dans un corset trop
étroit. Et Justine répondait :
— J'y mets toutes mes forces, madame. Voyez, j’en
ai les doigts coupés par le lacet. Dame ! quand la place
manque...
— Voulez-vous donner à entendre que j’aie...
Le mot « engraissé » expira sur ses lèvres. Hélas ! ce
n’était que trop vrai. Malgré le régime sévère auquel
elle s’astreignait, le capiton naturel augmentant tou-
jours, ce qu'il fallait d’efforts pour conserver une taille
fine, la pauvre Justine en savait quelque chose !
Restée seule dans sa chambre, Mm0 de Grandcour prit
un miroir à main et passa l’inspection de ses tempes.
Elle en arracha avec colère deux ou trois cheveux
blancs.
« Ils ne finiront donc pas de repousser, les monstres 1
dit-elle fiévreusement. Car ce sont bien les mêmes ; je
les reconnais. »
Douce erreur 1 Ceux-là avaient blanchi dans la nuit.
Justine lui annonçant la visite de M. Gilbert la tira
de cette inspection douloureuse.
Elle alla recevoir le visiteur, qui s’aperçut de sa tris-
tesse et voulut en connaître la cause.
— Vous n'êtes pas souffrante, chère madame?
— Est-ce que j’ai mauvaise mine?
— Au contraire, répondit le jeune homme. V°us
n’avez jamais été plus fraîche, plus en beauté !
— Qui vous fait supposer alors que je sois souffrante !
— Vos sourcils froncés et ce pli sur votre front si puL
— Un pliI dit la dame avec amertume. Pourquoi paS
une ride tout de suite ?
— Oh! madame! s’écria Gilbert. Quelle idée ! A votre
âge ?
Ce mot-là était de ceux qu’elle ne pouvait entendre
sans tressaillir. Aussi, sa mauvaise humeur s’en aug”
mentant, elle fut aigre au début do l’eptretien.
— Comme vous êtes sévère ce matin 1 dit mélaneolr
quement le pauvre garçon.
— Pardonnez-moi, j’ai tort, fit la veuve en lui ten"
dant uue petite main grassouillette sur laquelle il de'
posa un baiser savoureux.
— Assez, assez!...
— Si vous saviez combien je vous aime!... Vousla115'
J « |pS
seriez éternellement cette blanche main entre
miennes I
— Ce serait bien long, répliqua-t-elle avec coquetterie
Le temps se remettait au beau, lorsque, malheureu
sement, la conversation retomba sur un sujet £C*
breux. ,je j
— Est-ce que vous trouvez M1110 de Fauvel aussi 1
qu’on le dit ?