veau ces différents mots turcs, l’anglais se rendit à
la parade en proie à une noble confiance.
— Eh bien, lui dit le ministère de la guerre, vous
allez donc commander vos hommes dans leur lan-
gue, colonel ?
— Oui, effendim.
— Je suis certain que vous vous en tirerez à mer-
veille.
— Votre Excellence va en juger.
Le régiment en bataille, Samuel Ulster, avec
l’idée de lui faire faire par le flanc droit, cria d’une
voix de tonnerre : Alabala ! Immédiatement les
hommes firent par le flanc gauche.
Inquiet de voir exécuter ce mouvement contraire,
Samuel se mordait la moustache, s’attendant à re-
cevoir un poil du ministre; mais celui ci, croyant
que telle avait été la pensée du chef de corps, sourit
d’un air approbateur.
Avec Alabamen, Ulster obtint un « à droite » irré-
prochable. « J’ai confondu les mots, se dit-il. Je
m’en méfierai une autre fois. L’important, c’est que
le Turc n'y a vu que du feu. »
— Colonel, dit le ministre, veuillez commander à
vos hommes de charger.
— Rien de plus facile, Excellence. —Attention !... .
— Pourquoi ce mot anglais? Cela retire de l’ho-
mogénéité au commandement.
— Ancienne habitude, répondit Samuel. Je vais
me rattraper sur le reste. Nous disons donc que
vous voulez une charge à la baïonnette?
— Aussi brillante que possible.
— Amalouchan !... rugit le colonel, et allons-y de
la fourchette, mes enfants !
Obéissant avec un ensemble parfait, les hommes j
firent face en arrière, battant en retraite au pas ;
gymnastique. Le ministre était furieux. Ulster, ne
sachant plus à quelle langue se vouer pour arrêter
le régiment, lançait des « stop » désespérés qui ne
faisaient que précipiter le mouvement rétrograde.
— Ah ! c’est ainsi que vous ordonnez une charge
aux soldats de Sa Hautesse? dit sévèrement le mi-
nistre. J’en instruirai qui de droit, colonel.
— Ce n’était donc pas « Amalouchan » qu’il fallait
commander ? fit Samuel piteusement.
— Vous le voyez de reste, il me semble?... Quand
il était si simple de crier...
— Alabamen ! interrompit le pauvre officier supé-
rieur.
— Eh! non, monsieur!... Vous brouillez tous les
mots. Je vous demandais : « Gataléqui », pas davan-
tage.
— Au diable votre, jargon, Excellence !
— Colonel, vous me manquez de respect. Je m'en
plaindrai au Divan !
— Couchez-vous dessus, goddem 1 J’en ai assez
de votre service !
— Et nous du vôtre !... Depuis trois ans que vous
avez l’honneur de marcher à la tête d’un régiment
d’élite, vous auriez eu le temps d’apprendre notre
langue. Désormais, vous continuerez vos études
aux frais de l’Angleterre : vous cessez d’appartenir j
à l’armée turque. Salamaiec !
Pour mettre le comble à i’eonui du fils d’Albion, 1
LE CHARIVARI
son professeur vint le féliciter sur la beauté de ses
commandements :
— Superbe, colonel ! Ah ! on n’a pas besoin de
vous répéter les choses deux fois pour vous les faire
retenir 1 Par Mahomet! quel bel amalouchan, vous
leur avez envoyé !... Us en courent encore !
Louis Leroy.
AVIS IMPORTANT
Sur la demande de nombreux abonnés, nous venons
de faire tirer une nouvelle série de nos MENUS CHA-
RIVARIQUES, le grand succès du jour, la gaieté des
dîners de la saison.
Cetie série de VINGT DESSINS DE GRÉVIN est
tirée avec luxe sur carton teinté et doré. D'un côté, le
croquis avec légende et la place pour le nom du con-
vive ; de l’autre, la place pour écrire le menu.
Nous livrerons ces menus aux abonnés et lecteurs du
Charivari à un prix exceptionnellement réduit de moitié
sur le prix du commerce, soit :
LA SERIE DE VINGT DESSINS, 5 fr., dans une
boîte élégante.
La même, FINEMENT COLORIÉE, 6 fr.
[Ajouter, pour le port, 50 centimes par boîte.)
CHRONIQUE DD JOUR
Ceux qui aimont les comètes vont passer une
joyeuse année.
On annonce qu’il en est jusqu’à trois qui, dans les
semaines prochaines, doivent traverser le ciel pari-
sien.
Ce serait à croire que, douées d’intelligence et de vie
animale, elles ont connaissance des bêtises débitées
sur leur compte par le pubuc et qu’elles viennent
prier nos astronomes de les defendre.
Eu son temps, Pbryné n’agit pas autrement lors-
qu’elle se présenta toute nue devant l'aréopage.
Allons ! un peu de charité pour les gens qui trem-
blent aux approches d’une comète.
Leur peur étant d’être écrasés par ces masses mysté-
rieuses et errantes, voici pour les rassurer un petit cal-
cul auquel s’est livré un ingénieur savant :
Vous prenez un boisseau de blé et en disséminez les
grains sur toute la surface de la France.
(C’est la, bien entendu, une manière de parler; mais
l’opération n’étant pas des plus faciles, on peut du
moins la concevoir théoriquement.)
Le blé éparpillé, une personne se rend sur un point
quelconque du terriioire, dans une vigne de la Gironde
ou sur une montagne du Jura, dans une vallée de
l’Isère ou sur une fataise des Côtes-du-Nord...
Là, elle pique le sol d’un coup d’aiguille à tiicoter.
Or, vous sentez que la chance qu’eile a de rencontrer
et de ramener un des grains de blé est aussi minime
que possible.
Pourtaut cette chance quasi nulle est mathémati-
quement celle que peut avoir une comète de heurter
notre planète perdue dans les grands espaces.
.Et maintenant, si quelques-uns de mes conci-
toyens se plaignent de ce que celte démonstration ne
leur a pas rendu le sommeil, je supposerai que c’est
parce qu’ils ont pris trop de café à leur dîner.
M. le général Farre, étant ministre de la eUw
soulevé toutes les clameurs pour avoir enlevé ses t’* *
bours à l’infanterie. tai11-
M. le général Lewal, son successeur, ne soulàv
certainement aucun toile pour supprimer l’éDaul t
dans les uniformes de l’armée française. F u e *e
Cela prouve bien que notre na'tion est plug am
reuse de bruit que de passementerie. mo'1.
Voilà pas moins qu’avant peu ceux qui voudront
rendre compte de ce qu’était un « effet d’habillemem i
dont il a été tant parlé dans les récits de nos guerrp I
seront obligés d’aller voir la Fille du régiment àl’Onn»
Comique.
Mais ils n’entendront plus à la ville ces expression
jadis si courantes et désormais rayées de la langue-
«Respecter l’épaulette... Conquérir l’épaulette.. Av
En quoi consistait, à proprement parler, une éoao
Jette?... (C’est une question que vous ne vous été"
peut-être pas faite.)
1° En un corps résistant, destiné à préserver la cia-
vicule des coups de sabre de la cavalerie ;
2» En une frange délicate, molle, et qui semblait fa-
briquée par de mignons doigts.
Donc cuirasse et atour féminin associés pour donner
une fois de plus l’allégorie de « Mars et Venus ».
Appelez-moi pédant si ça vous amuse (et cela vous
ravit, j’en suis sûr) ; mais les nécessités de ma chroni-
que m’amènent a rappeler que « tète » se dit en grec:
céphalè ; eu latin : caput.
Cela acquis, le «capuchon» est la partie du vête-
ment qui couvre la tète.
Alors les moines qui, autrefois (et avant les décretsde
1880), s'etaient fait remarquer par leurs capuchons,
reçureut le sobriquet tout inaique de « capuciiis»,
Leurs similaires féminins devinrent ües « capuci-
nes ».
Mais voyez où l’on peut aller de conséquence en con-
séquence :
Avant la dispersion des ordres monastiques, en 1791,
un couvent de capucins ayant existé sur 1 emplacement
actuel de la rue ue la Paix et de l’avenue de 1 Opéra,
notre boulevard des Capucines ne semble ainsi nommé
que pour conserver un souvenir historique se rédui-
sant a ceci :
« Jadis, dans ces parages, vivaient des femmes reclu-
ses qui mettaient un certain morceau d’étoffe surcc
que les Grecs appelaient céphalè. »
Mais voila que, dit-on, 1 ednite parisienne se propos)
de debapiiser ledit Boulevard des Capucines, pour en
faire le boulevard du 24 Février.
Il y aura des crisl...
Cependant n’est-ii pas naturel que la République cé-
lèbre ses grandes dates, surtout lorsqu'à l’encoignure
d une de nos rues elle laisse s’étaler celle du 29 Juillet
qui rappelle un souvenir monarchique?
Plusieurs de nos confrères se sont empressés,^!
même trop pressés, d’annoncer la venue du printemps.
Mais on sait que, de par la météorologie, le sens dece
mot a changé depuis quelques années et s’est cornai)
refroidi.
Aussi (je v-.is cela de ma fenêtre) les marchands de
bois sont assiégés ; les fabricants de patins n’avancenl
pas à la besogne ; le commerce des fourrures, corn®
celui des parapluies, est florissant.
Une note daus les journaux avait suffi à amener ce®
prospérité industrielle.
La femme est cantatrice.
Le mari est... son mari; rien de plus. Il ne possède
d’ailleurs pas les premiers éléments du solfège.
— Mais, dit l’épouse à l’époux, je t’avais prié de W
baisser ce piano, qui est trop haut et a nui a ma T»1
pendant tout le concert.
— J’ai fait ce que tu m’as dit, chère amie... Les®;
nuisiers sont venus et lui ont rogné les pieds de Plus
de dix centimètres. „
Albert de Lasalle.
PARIS-TABLETTES
NOIES D’UN ISOILEVAHDIEK
C’est décidément dans les procès qu’il faut chercher
la véritable comédie humaine.
Comédie terrib'e et grotesque, dramatique et cocasse.
Car ii est entendu que toujours le rire y est à côté
des larmes, comme dans toute la vie d’ailleurs.
Vous avez lu l’affaire Mielle. Glissez, mortels, n’ap-
puyez pas ! Laissons au naturaliste que la besogne
tentera le soin de remuer ces fanges à la pelle, de mon-
trer à ses lecteurs, voire même à ses lectrices, ce monde
boueux du boulevard Bourdon qui dîne du vice et soupe
de l’assassinat, ces hommes-femmes qui, singulière
anomalie, se décollètent et se travestissent pour plaire
à des hommes à qui la femelle répugne.
Pouah 1
Mais, à côté de ces détails stercoraires assez adroite-
ment escamotés par le président, homme de goût, que
de choses baroques I
D’abord l’épisode des voisins et du sergent de ville.
Oh I ce sergent de ville 1... Quel dommage qu’on n’ait
pas donné son nom 1 II méritait de passer à la postérité.
Dans une maison de Paris, on entend tout à coup
crier : Au secours 1 A l'assassin 1 Puis des luttes, puis des
râles. Là-dessus, on va chercher main-forte. Le fantas-
tique représentant de l’autorité arrive. Un homme lui
ouvre. Les débats donnent la description du person-
nage : « hagard, les vêtements en désordre, des gouttes
de sueur grosses .comme des lentilles, cravate défaite,
col de chemise arraché,le plastronde lachemise tordu...»
Le sergent de ville demande :
— Qu’est-ce qu’il y a nonobstant ?
L’autre répond :
— Je suis en train de compter mon linge,
— C’est différent.
— Si vous voulez vous donner la peine d’entrer?
ajoute Mielle.
— C’est inutile. Pardon de vous avoir dérangé.
Là-dessus, cet admirable gardien de notre sécurité
dégringole l’escalier, s’en retourne trauquillement ar-
penter le trottoir.
Que faut-il donc alors pour que ce gaillard s’émeuve,
pour qu’il daigno donner un coup d’œil du haut de sa
grandeur ?
S’il était entré pourtaut, il trouvait le cadavre, épar- j
gnant ainsi à la police dix mois de recherches.
Ah! nous sommes bien gardés. Ah ! c’ost rassurant.
*
# *
Je ne voudrais rien dire de désagréable à un déc1®
Pourtant ou ne doit que la vérité aux morts-
vérité ici n’est pas flâneuse pour la victime.
Ce qui n’empêche pas le prudhommisme du 'anA
judiciaire de déclarer que Lebon était un hotnnte fü*
Un homme rangé 1 Lui qui vivait dans la eonipaJJ
des... Un homme rangé 1 Et les détails du procè» JL
nent l’emploi d’une de ses journées passée en soc
du délicieux Mielle.
Le matin, ils déjeunent, et l’autre s’en va c')eI'c*1*v(.
boire. A quatre heures, ils sont à Charenton ;1 *
lent cinq litres dans chaque cabaret. Une 'xeur^s,jj.
on les retrouve dans uu café, qui recoinniencen
gurgiter des consommations. Et ainsi de suite jUs
soir.
Si c’est là la journée d’un homme rangé, juge ;
ce que doit être la journée d’un homme dérang0
#
iid® ^
L’audition des témoins est aussi toujours féco
épisodes comiques dans ces affaires sinistres.
la parade en proie à une noble confiance.
— Eh bien, lui dit le ministère de la guerre, vous
allez donc commander vos hommes dans leur lan-
gue, colonel ?
— Oui, effendim.
— Je suis certain que vous vous en tirerez à mer-
veille.
— Votre Excellence va en juger.
Le régiment en bataille, Samuel Ulster, avec
l’idée de lui faire faire par le flanc droit, cria d’une
voix de tonnerre : Alabala ! Immédiatement les
hommes firent par le flanc gauche.
Inquiet de voir exécuter ce mouvement contraire,
Samuel se mordait la moustache, s’attendant à re-
cevoir un poil du ministre; mais celui ci, croyant
que telle avait été la pensée du chef de corps, sourit
d’un air approbateur.
Avec Alabamen, Ulster obtint un « à droite » irré-
prochable. « J’ai confondu les mots, se dit-il. Je
m’en méfierai une autre fois. L’important, c’est que
le Turc n'y a vu que du feu. »
— Colonel, dit le ministre, veuillez commander à
vos hommes de charger.
— Rien de plus facile, Excellence. —Attention !... .
— Pourquoi ce mot anglais? Cela retire de l’ho-
mogénéité au commandement.
— Ancienne habitude, répondit Samuel. Je vais
me rattraper sur le reste. Nous disons donc que
vous voulez une charge à la baïonnette?
— Aussi brillante que possible.
— Amalouchan !... rugit le colonel, et allons-y de
la fourchette, mes enfants !
Obéissant avec un ensemble parfait, les hommes j
firent face en arrière, battant en retraite au pas ;
gymnastique. Le ministre était furieux. Ulster, ne
sachant plus à quelle langue se vouer pour arrêter
le régiment, lançait des « stop » désespérés qui ne
faisaient que précipiter le mouvement rétrograde.
— Ah ! c’est ainsi que vous ordonnez une charge
aux soldats de Sa Hautesse? dit sévèrement le mi-
nistre. J’en instruirai qui de droit, colonel.
— Ce n’était donc pas « Amalouchan » qu’il fallait
commander ? fit Samuel piteusement.
— Vous le voyez de reste, il me semble?... Quand
il était si simple de crier...
— Alabamen ! interrompit le pauvre officier supé-
rieur.
— Eh! non, monsieur!... Vous brouillez tous les
mots. Je vous demandais : « Gataléqui », pas davan-
tage.
— Au diable votre, jargon, Excellence !
— Colonel, vous me manquez de respect. Je m'en
plaindrai au Divan !
— Couchez-vous dessus, goddem 1 J’en ai assez
de votre service !
— Et nous du vôtre !... Depuis trois ans que vous
avez l’honneur de marcher à la tête d’un régiment
d’élite, vous auriez eu le temps d’apprendre notre
langue. Désormais, vous continuerez vos études
aux frais de l’Angleterre : vous cessez d’appartenir j
à l’armée turque. Salamaiec !
Pour mettre le comble à i’eonui du fils d’Albion, 1
LE CHARIVARI
son professeur vint le féliciter sur la beauté de ses
commandements :
— Superbe, colonel ! Ah ! on n’a pas besoin de
vous répéter les choses deux fois pour vous les faire
retenir 1 Par Mahomet! quel bel amalouchan, vous
leur avez envoyé !... Us en courent encore !
Louis Leroy.
AVIS IMPORTANT
Sur la demande de nombreux abonnés, nous venons
de faire tirer une nouvelle série de nos MENUS CHA-
RIVARIQUES, le grand succès du jour, la gaieté des
dîners de la saison.
Cetie série de VINGT DESSINS DE GRÉVIN est
tirée avec luxe sur carton teinté et doré. D'un côté, le
croquis avec légende et la place pour le nom du con-
vive ; de l’autre, la place pour écrire le menu.
Nous livrerons ces menus aux abonnés et lecteurs du
Charivari à un prix exceptionnellement réduit de moitié
sur le prix du commerce, soit :
LA SERIE DE VINGT DESSINS, 5 fr., dans une
boîte élégante.
La même, FINEMENT COLORIÉE, 6 fr.
[Ajouter, pour le port, 50 centimes par boîte.)
CHRONIQUE DD JOUR
Ceux qui aimont les comètes vont passer une
joyeuse année.
On annonce qu’il en est jusqu’à trois qui, dans les
semaines prochaines, doivent traverser le ciel pari-
sien.
Ce serait à croire que, douées d’intelligence et de vie
animale, elles ont connaissance des bêtises débitées
sur leur compte par le pubuc et qu’elles viennent
prier nos astronomes de les defendre.
Eu son temps, Pbryné n’agit pas autrement lors-
qu’elle se présenta toute nue devant l'aréopage.
Allons ! un peu de charité pour les gens qui trem-
blent aux approches d’une comète.
Leur peur étant d’être écrasés par ces masses mysté-
rieuses et errantes, voici pour les rassurer un petit cal-
cul auquel s’est livré un ingénieur savant :
Vous prenez un boisseau de blé et en disséminez les
grains sur toute la surface de la France.
(C’est la, bien entendu, une manière de parler; mais
l’opération n’étant pas des plus faciles, on peut du
moins la concevoir théoriquement.)
Le blé éparpillé, une personne se rend sur un point
quelconque du terriioire, dans une vigne de la Gironde
ou sur une montagne du Jura, dans une vallée de
l’Isère ou sur une fataise des Côtes-du-Nord...
Là, elle pique le sol d’un coup d’aiguille à tiicoter.
Or, vous sentez que la chance qu’eile a de rencontrer
et de ramener un des grains de blé est aussi minime
que possible.
Pourtaut cette chance quasi nulle est mathémati-
quement celle que peut avoir une comète de heurter
notre planète perdue dans les grands espaces.
.Et maintenant, si quelques-uns de mes conci-
toyens se plaignent de ce que celte démonstration ne
leur a pas rendu le sommeil, je supposerai que c’est
parce qu’ils ont pris trop de café à leur dîner.
M. le général Farre, étant ministre de la eUw
soulevé toutes les clameurs pour avoir enlevé ses t’* *
bours à l’infanterie. tai11-
M. le général Lewal, son successeur, ne soulàv
certainement aucun toile pour supprimer l’éDaul t
dans les uniformes de l’armée française. F u e *e
Cela prouve bien que notre na'tion est plug am
reuse de bruit que de passementerie. mo'1.
Voilà pas moins qu’avant peu ceux qui voudront
rendre compte de ce qu’était un « effet d’habillemem i
dont il a été tant parlé dans les récits de nos guerrp I
seront obligés d’aller voir la Fille du régiment àl’Onn»
Comique.
Mais ils n’entendront plus à la ville ces expression
jadis si courantes et désormais rayées de la langue-
«Respecter l’épaulette... Conquérir l’épaulette.. Av
En quoi consistait, à proprement parler, une éoao
Jette?... (C’est une question que vous ne vous été"
peut-être pas faite.)
1° En un corps résistant, destiné à préserver la cia-
vicule des coups de sabre de la cavalerie ;
2» En une frange délicate, molle, et qui semblait fa-
briquée par de mignons doigts.
Donc cuirasse et atour féminin associés pour donner
une fois de plus l’allégorie de « Mars et Venus ».
Appelez-moi pédant si ça vous amuse (et cela vous
ravit, j’en suis sûr) ; mais les nécessités de ma chroni-
que m’amènent a rappeler que « tète » se dit en grec:
céphalè ; eu latin : caput.
Cela acquis, le «capuchon» est la partie du vête-
ment qui couvre la tète.
Alors les moines qui, autrefois (et avant les décretsde
1880), s'etaient fait remarquer par leurs capuchons,
reçureut le sobriquet tout inaique de « capuciiis»,
Leurs similaires féminins devinrent ües « capuci-
nes ».
Mais voyez où l’on peut aller de conséquence en con-
séquence :
Avant la dispersion des ordres monastiques, en 1791,
un couvent de capucins ayant existé sur 1 emplacement
actuel de la rue ue la Paix et de l’avenue de 1 Opéra,
notre boulevard des Capucines ne semble ainsi nommé
que pour conserver un souvenir historique se rédui-
sant a ceci :
« Jadis, dans ces parages, vivaient des femmes reclu-
ses qui mettaient un certain morceau d’étoffe surcc
que les Grecs appelaient céphalè. »
Mais voila que, dit-on, 1 ednite parisienne se propos)
de debapiiser ledit Boulevard des Capucines, pour en
faire le boulevard du 24 Février.
Il y aura des crisl...
Cependant n’est-ii pas naturel que la République cé-
lèbre ses grandes dates, surtout lorsqu'à l’encoignure
d une de nos rues elle laisse s’étaler celle du 29 Juillet
qui rappelle un souvenir monarchique?
Plusieurs de nos confrères se sont empressés,^!
même trop pressés, d’annoncer la venue du printemps.
Mais on sait que, de par la météorologie, le sens dece
mot a changé depuis quelques années et s’est cornai)
refroidi.
Aussi (je v-.is cela de ma fenêtre) les marchands de
bois sont assiégés ; les fabricants de patins n’avancenl
pas à la besogne ; le commerce des fourrures, corn®
celui des parapluies, est florissant.
Une note daus les journaux avait suffi à amener ce®
prospérité industrielle.
La femme est cantatrice.
Le mari est... son mari; rien de plus. Il ne possède
d’ailleurs pas les premiers éléments du solfège.
— Mais, dit l’épouse à l’époux, je t’avais prié de W
baisser ce piano, qui est trop haut et a nui a ma T»1
pendant tout le concert.
— J’ai fait ce que tu m’as dit, chère amie... Les®;
nuisiers sont venus et lui ont rogné les pieds de Plus
de dix centimètres. „
Albert de Lasalle.
PARIS-TABLETTES
NOIES D’UN ISOILEVAHDIEK
C’est décidément dans les procès qu’il faut chercher
la véritable comédie humaine.
Comédie terrib'e et grotesque, dramatique et cocasse.
Car ii est entendu que toujours le rire y est à côté
des larmes, comme dans toute la vie d’ailleurs.
Vous avez lu l’affaire Mielle. Glissez, mortels, n’ap-
puyez pas ! Laissons au naturaliste que la besogne
tentera le soin de remuer ces fanges à la pelle, de mon-
trer à ses lecteurs, voire même à ses lectrices, ce monde
boueux du boulevard Bourdon qui dîne du vice et soupe
de l’assassinat, ces hommes-femmes qui, singulière
anomalie, se décollètent et se travestissent pour plaire
à des hommes à qui la femelle répugne.
Pouah 1
Mais, à côté de ces détails stercoraires assez adroite-
ment escamotés par le président, homme de goût, que
de choses baroques I
D’abord l’épisode des voisins et du sergent de ville.
Oh I ce sergent de ville 1... Quel dommage qu’on n’ait
pas donné son nom 1 II méritait de passer à la postérité.
Dans une maison de Paris, on entend tout à coup
crier : Au secours 1 A l'assassin 1 Puis des luttes, puis des
râles. Là-dessus, on va chercher main-forte. Le fantas-
tique représentant de l’autorité arrive. Un homme lui
ouvre. Les débats donnent la description du person-
nage : « hagard, les vêtements en désordre, des gouttes
de sueur grosses .comme des lentilles, cravate défaite,
col de chemise arraché,le plastronde lachemise tordu...»
Le sergent de ville demande :
— Qu’est-ce qu’il y a nonobstant ?
L’autre répond :
— Je suis en train de compter mon linge,
— C’est différent.
— Si vous voulez vous donner la peine d’entrer?
ajoute Mielle.
— C’est inutile. Pardon de vous avoir dérangé.
Là-dessus, cet admirable gardien de notre sécurité
dégringole l’escalier, s’en retourne trauquillement ar-
penter le trottoir.
Que faut-il donc alors pour que ce gaillard s’émeuve,
pour qu’il daigno donner un coup d’œil du haut de sa
grandeur ?
S’il était entré pourtaut, il trouvait le cadavre, épar- j
gnant ainsi à la police dix mois de recherches.
Ah! nous sommes bien gardés. Ah ! c’ost rassurant.
*
# *
Je ne voudrais rien dire de désagréable à un déc1®
Pourtant ou ne doit que la vérité aux morts-
vérité ici n’est pas flâneuse pour la victime.
Ce qui n’empêche pas le prudhommisme du 'anA
judiciaire de déclarer que Lebon était un hotnnte fü*
Un homme rangé 1 Lui qui vivait dans la eonipaJJ
des... Un homme rangé 1 Et les détails du procè» JL
nent l’emploi d’une de ses journées passée en soc
du délicieux Mielle.
Le matin, ils déjeunent, et l’autre s’en va c')eI'c*1*v(.
boire. A quatre heures, ils sont à Charenton ;1 *
lent cinq litres dans chaque cabaret. Une 'xeur^s,jj.
on les retrouve dans uu café, qui recoinniencen
gurgiter des consommations. Et ainsi de suite jUs
soir.
Si c’est là la journée d’un homme rangé, juge ;
ce que doit être la journée d’un homme dérang0
#
iid® ^
L’audition des témoins est aussi toujours féco
épisodes comiques dans ces affaires sinistres.