CINQUANTE QUAlRfÈME ANNEE Prix du Numéro : 25 centimes
VENDREDI 18 DÉCEMBRE 1885
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las abonnements partent des 4 es et 4C de chaque mois
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L’abonnement d’un an donne droit à la prime gratis
DIRECTION
Politique, Littéraire et Artistique
PIERRE 'VÉRON
gSédactenr es» Citait
DIRECTION
Politique, Littéraire et Artistique
PIERRE VÉRON
ÜSéd&ctenr en ChmS
BUREAUX
09 (A RÉDACTION ET DB l’aDMIN’ISTRATK/H
Eue de la Victoire, 20
ANNONCES
4DQLPHE EWIG, fermier de la publicité
Rue Joquelst, ii
JOWUÏAL
BULLETIN POLITIQUE
Le vote de la Chambre, approuvant les mesures
du ministre de l’instruction publique et des cultes
contre les membres du clergé qui ont fait de la
propagande anti-républicaine, devait déchaîner
les colères du cléricalisme.
Il les déchaîne.
Il serait oiseux d’engager de longues polémi-
ques à ce propos. La seule réponse à faire aux
diatribes est si simple!
Supposons que la France, au lieu d’être en Ré-
publique, soit en monarchie. Supposons que cette
monarchie, — empire ou royauté, — ait à pro-
céder à des élections. Supposons enfin qu’au cours
de ces élections, des prêtres se soient faits cour-
tiers électoraux pour des candidatures républi-
caines, qu’ils aient usé de leur influence sacerdo-
tale pour pousser au renversement du gouverne-
ment établi.
Et demandons à ceux qui s’indignent tant au-
jourd'hui, si ce gouvernement serait resté pla-
cidement témoin de ces menées factieuses.
A qui le feraient-ils croire? Et pourraient-ils le
croire eux-mêmes?
Non, bien évidemment, les ministres du roi ou
de l’empereur se seraient empressés de provoquer
une répression rigoureuse. Ils n’auraient pas été
assez sots pour se laisser démolir, sans se défen-
dre, par des adversaires que paie le budget.
Pourquoi, s’il vous plaît, alors, la République
n'aurait-elle pas ce même droit de légitime dé-
fense? Pourquoi ne lui serait-il pas permis de faire
ce que vous auriez fait vous-mêmes?
Les nouvellistes persistent à assurer que le
Congrès sera une boite à surprises. S’il faut les en
croire, plusieurs candidatures à la présidence sur-
giraient in extremis, qui pourraient fort bien ame-
ner un résultat auquel personne ne s’attend.
Parmi les noms qu’on chuchotte ligure le nom
de l'amiral Jauréguiberry. On a parlé aussi de
M. Le Royer, président du Sénat, dont personnel-
lement la situation nous paraîtrait singulièrement
embarrassante, car c’est lui qui doit diriger les
opérations de l’Assemblée nationale qui va siéger
à Versailles. Il aurait quelque peine à être modé-
rateur impartial, s’il était en même temps partie
prenante.
Quoi qu’il en soit, il faut prévoir des éventuali-
tés bizarres.
A quand la petite fête? On parle maintenant du
dernier jour de l’année. L’élection deviendrait
ainsi un cadeau d’étrennes. Et l’on compte que
chacun se dépêcherait de voter, pour s’en aller
ensuite manger des fondants en famille.
Ici encore les calculs pourraient bien être déçus,
et le Congrès aurait parfaitement le droit de se
proroger après une première séance.
De toute façon, autant ii aurait été téméraire
d’avancer outre mesure la réunion du Congrès,
autant il devient puéril de la retarder, comme un
créancier insolvable cherche à reculer une échéance
gênante.
Rien ne se fait, rien n’aboutit avec cette Cham-
bre qui vient de naître et ce ministère qui ne peut
pas se décider à mourir.
Pierre Véron.
LA LARYNGITE DE DON CARLOS
Une grave nouvelle est arrivée de Venise, l’un
de ces jours derniers.
Don Carlos était atteint d’une laryngite peut-
être sérieuse.
A l’annonce d’un semblable événement, bien
des cœurs se sont serrés, bien des mains ont
tremblé.
Il est vrai que, dès le lendemain, d’autres nou-
velles non moins graves sont arrivées également
de Venise.
Ces nouvelles démentaient la laryngite de don
Carlos.
Et, immédiatement, les cœurs serrés se sont
détendus, et les mains tremblantes ont repris
leur aplomb.
Par contre, ceux dont le cœur ne s’était pas
serré à la première nouvelle, ont été inquiets à la
seconde.
Ce qui a fait compensation.
La probabilité, c’est qu’il n'y a pas de fumée sans
feu et que don Carlos est vraisemblablement at-
teint d’une laryngite.
Sans doute, ce n’est pas une laryngite dont les
conséquences puissent être immédiates.
Mais, avec le temps capricieux dont nous <1 jouis-
sons », les moindres maux peuvent prendre de
grandes proportions et il est bon d’envisager l’ave-
nir sous toutes les perspectives ouvertes par une
maladie de prétendant.
Aussi les carlistes d’Espagne et de France, —
car les personnages de ce parti se font remarquer
clans les deux pays, — font-ils de louables efforts
pour conjurer le fléau.
Il ne se passe sûrement pas de jour sans que cet
excellent don Carlos ne reçoive, de tous les coins
du monde, des caisses pleines de jujube, de gui-
mauve et de pilules de goudron.
Les pharmaciens des deux mondes, qui cultivent
les spécialités de médicaments à l’usage des la-
rynx malades, ne sauraient non plus négliger l'oc-
casion de faire au prétendant un petit cadeau leur
permettant, par la suite, de mettre sur leurs pros-
pectus :
« Fournisseur de S. A. /?. don Carlos. »
Le prince doit voir s’accumuler dans son anti-
chambre les paquets de flanelle, les bouteilles de
sirop, les boîtes de papier Rigollot. \
Et ces marques de sympathies lui sont évidem-
ment sensibles.
Quant aux donateurs, ses partisans, ce qu’ils
demandent surtout au ciel, c’est la conservation
de la vie de leur prince. Qu’il reste malade, bron-
chiteux, catarrheux, rhumatisant, s’il le faut, mais
qu’il vive !
Si don Carlos perd la voix dans sa laryngite, on
s’en consolera, car jamais cette altesse n'a rêvé de
jouer les Gayarré sur les théâtres de son pays.
Ce qu'il faut à don Carlos, c’est la possibilité de
jouer le rôle de roi d’Espagne le plus tôt et le plus
longtemps possible.
Pour cela, tous les moyens seront bons. N’a-t-il
pas été question de faire épouser à son fils la fille
du malheureux Alphonse, le concurrent défunt?..
La susdite enfant, ou plutôt infante, n’ayant que
cinq ans, ne pouvait guère donner son opinion
dans cette combinaison politico-matrimoniale.
L’essentiel était qu’elle donnât sa main, et elle
n’est pas en état de la refuser.
Toutefois, il est naturel que ses parents la re-
fusent pour elle et que le petit don Carlos aille
chercher ailleurs un autre hymen.
Pendant ce temps, don Carlos père aura le temps
de soigner sa gorge.
Seulement, qu’il prenne garde aux médicaments
que lui expédieront ses fidèles.
Les traîtres se glissent partout, et, sous forme
de pastilles de gomme, des ennemis politiques
sont capables de faire avaler à l’altesse la plus
vulgaire des mort-aux-rats.
Un semblable accident serait des plus regretta-
bles, car il reste à l’Espagne beaucoup de dili-
gences à dévaliser, malgré les nouveaux chemins
de fer dont elle a été dotée.
Une campagne carliste donnerait une impulsion
très originale aux « affaires ». Quantité de vaga-
bonds trouveraient là l’occasion de « travailler »,
de faire de bons coups. Pour un moment enfin,
l’Espagne reprendrait vie et originalité.
Espérons que ces aimables intentions ne s'en
iront pas en eau de boudin et que la laryngite de
don Carlos n’empêchera pas le mal de gorge de ce
prétendant de dégénérer en révolution de...
palais.
Maurice Dancourt.
—- -™ n.... . r 11:1 n
THÉÂTRES
AMBIGU : Flore de Frileuse.
Nous avons ici même présenté Flore de Frileuse
aux lecteurs du Charivari. Mais c’était sous un
autre nom.
Il s’agissait d’un livre, et le livre s’appelait : Le
Viol.
Nous expliquâmes alors pourquoi les audaces
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JOWUÏAL
BULLETIN POLITIQUE
Le vote de la Chambre, approuvant les mesures
du ministre de l’instruction publique et des cultes
contre les membres du clergé qui ont fait de la
propagande anti-républicaine, devait déchaîner
les colères du cléricalisme.
Il les déchaîne.
Il serait oiseux d’engager de longues polémi-
ques à ce propos. La seule réponse à faire aux
diatribes est si simple!
Supposons que la France, au lieu d’être en Ré-
publique, soit en monarchie. Supposons que cette
monarchie, — empire ou royauté, — ait à pro-
céder à des élections. Supposons enfin qu’au cours
de ces élections, des prêtres se soient faits cour-
tiers électoraux pour des candidatures républi-
caines, qu’ils aient usé de leur influence sacerdo-
tale pour pousser au renversement du gouverne-
ment établi.
Et demandons à ceux qui s’indignent tant au-
jourd'hui, si ce gouvernement serait resté pla-
cidement témoin de ces menées factieuses.
A qui le feraient-ils croire? Et pourraient-ils le
croire eux-mêmes?
Non, bien évidemment, les ministres du roi ou
de l’empereur se seraient empressés de provoquer
une répression rigoureuse. Ils n’auraient pas été
assez sots pour se laisser démolir, sans se défen-
dre, par des adversaires que paie le budget.
Pourquoi, s’il vous plaît, alors, la République
n'aurait-elle pas ce même droit de légitime dé-
fense? Pourquoi ne lui serait-il pas permis de faire
ce que vous auriez fait vous-mêmes?
Les nouvellistes persistent à assurer que le
Congrès sera une boite à surprises. S’il faut les en
croire, plusieurs candidatures à la présidence sur-
giraient in extremis, qui pourraient fort bien ame-
ner un résultat auquel personne ne s’attend.
Parmi les noms qu’on chuchotte ligure le nom
de l'amiral Jauréguiberry. On a parlé aussi de
M. Le Royer, président du Sénat, dont personnel-
lement la situation nous paraîtrait singulièrement
embarrassante, car c’est lui qui doit diriger les
opérations de l’Assemblée nationale qui va siéger
à Versailles. Il aurait quelque peine à être modé-
rateur impartial, s’il était en même temps partie
prenante.
Quoi qu’il en soit, il faut prévoir des éventuali-
tés bizarres.
A quand la petite fête? On parle maintenant du
dernier jour de l’année. L’élection deviendrait
ainsi un cadeau d’étrennes. Et l’on compte que
chacun se dépêcherait de voter, pour s’en aller
ensuite manger des fondants en famille.
Ici encore les calculs pourraient bien être déçus,
et le Congrès aurait parfaitement le droit de se
proroger après une première séance.
De toute façon, autant ii aurait été téméraire
d’avancer outre mesure la réunion du Congrès,
autant il devient puéril de la retarder, comme un
créancier insolvable cherche à reculer une échéance
gênante.
Rien ne se fait, rien n’aboutit avec cette Cham-
bre qui vient de naître et ce ministère qui ne peut
pas se décider à mourir.
Pierre Véron.
LA LARYNGITE DE DON CARLOS
Une grave nouvelle est arrivée de Venise, l’un
de ces jours derniers.
Don Carlos était atteint d’une laryngite peut-
être sérieuse.
A l’annonce d’un semblable événement, bien
des cœurs se sont serrés, bien des mains ont
tremblé.
Il est vrai que, dès le lendemain, d’autres nou-
velles non moins graves sont arrivées également
de Venise.
Ces nouvelles démentaient la laryngite de don
Carlos.
Et, immédiatement, les cœurs serrés se sont
détendus, et les mains tremblantes ont repris
leur aplomb.
Par contre, ceux dont le cœur ne s’était pas
serré à la première nouvelle, ont été inquiets à la
seconde.
Ce qui a fait compensation.
La probabilité, c’est qu’il n'y a pas de fumée sans
feu et que don Carlos est vraisemblablement at-
teint d’une laryngite.
Sans doute, ce n’est pas une laryngite dont les
conséquences puissent être immédiates.
Mais, avec le temps capricieux dont nous <1 jouis-
sons », les moindres maux peuvent prendre de
grandes proportions et il est bon d’envisager l’ave-
nir sous toutes les perspectives ouvertes par une
maladie de prétendant.
Aussi les carlistes d’Espagne et de France, —
car les personnages de ce parti se font remarquer
clans les deux pays, — font-ils de louables efforts
pour conjurer le fléau.
Il ne se passe sûrement pas de jour sans que cet
excellent don Carlos ne reçoive, de tous les coins
du monde, des caisses pleines de jujube, de gui-
mauve et de pilules de goudron.
Les pharmaciens des deux mondes, qui cultivent
les spécialités de médicaments à l’usage des la-
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Le prince doit voir s’accumuler dans son anti-
chambre les paquets de flanelle, les bouteilles de
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Et ces marques de sympathies lui sont évidem-
ment sensibles.
Quant aux donateurs, ses partisans, ce qu’ils
demandent surtout au ciel, c’est la conservation
de la vie de leur prince. Qu’il reste malade, bron-
chiteux, catarrheux, rhumatisant, s’il le faut, mais
qu’il vive !
Si don Carlos perd la voix dans sa laryngite, on
s’en consolera, car jamais cette altesse n'a rêvé de
jouer les Gayarré sur les théâtres de son pays.
Ce qu'il faut à don Carlos, c’est la possibilité de
jouer le rôle de roi d’Espagne le plus tôt et le plus
longtemps possible.
Pour cela, tous les moyens seront bons. N’a-t-il
pas été question de faire épouser à son fils la fille
du malheureux Alphonse, le concurrent défunt?..
La susdite enfant, ou plutôt infante, n’ayant que
cinq ans, ne pouvait guère donner son opinion
dans cette combinaison politico-matrimoniale.
L’essentiel était qu’elle donnât sa main, et elle
n’est pas en état de la refuser.
Toutefois, il est naturel que ses parents la re-
fusent pour elle et que le petit don Carlos aille
chercher ailleurs un autre hymen.
Pendant ce temps, don Carlos père aura le temps
de soigner sa gorge.
Seulement, qu’il prenne garde aux médicaments
que lui expédieront ses fidèles.
Les traîtres se glissent partout, et, sous forme
de pastilles de gomme, des ennemis politiques
sont capables de faire avaler à l’altesse la plus
vulgaire des mort-aux-rats.
Un semblable accident serait des plus regretta-
bles, car il reste à l’Espagne beaucoup de dili-
gences à dévaliser, malgré les nouveaux chemins
de fer dont elle a été dotée.
Une campagne carliste donnerait une impulsion
très originale aux « affaires ». Quantité de vaga-
bonds trouveraient là l’occasion de « travailler »,
de faire de bons coups. Pour un moment enfin,
l’Espagne reprendrait vie et originalité.
Espérons que ces aimables intentions ne s'en
iront pas en eau de boudin et que la laryngite de
don Carlos n’empêchera pas le mal de gorge de ce
prétendant de dégénérer en révolution de...
palais.
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AMBIGU : Flore de Frileuse.
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Il s’agissait d’un livre, et le livre s’appelait : Le
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