LE CHARIVARI
dire des journaux réactionnaires, ia monarchie
compte pour être rétablie à bref délai.
Ces pieux voyageurs se proposent, n’en doutez
pas, de réclamer l’intervention céleste en faveur de
la restauration projetée. Ils espèrent que la Vierge
aux apparitions fera une petite tournée électorale
afin de ramener des voix à la bonne cause.
Acceptée l’épreuve. Que Lourde reçoive le plus
grand nombre de pèlerins possible. Vous tous qui
croyez ou feignez de croire, précipitez-vous tous
dans les trains de dévotion.
Plus nombreux vous serez, mieux démontrées se-
ront en même temps et l'impuissance de la grotte et
l’impuissance de la réaction.
Double résultat qui n’est pas pour nous déplaire.
André Laroche
ABSINTHE BAILLYSSfflB
X?T A Tl/rivr A TVTr* SPECIALITE POUR BALS ET SOIREES
r JÜ/ilVliVl AIY Lt glacier, 16, Hue Thorel (
\ (Gymnase).
ET CHARLES XI?...
Un abonné récalcitrant nous écrit.
En substance, sa lettre nous dit :
— Pourquoi ne nous avez-vous pas parlé des
Blancs d’Espagne et de leur manifestation récente ?
A l’abonné récalcitrant, nous répondrons :
— Estimable lecteur, le Charivari avait cru vous
être particulièrement agréable en économisant votre
temps, qu’il suppose précieux. Vous parler des
Blancs d’Espagne? Et pourquoi, ô mon Dieu ?
N’avons-nous pas déjà assez de prétendants oisifs
et de prétentions oiseuses, sans ajouter Don Carlos
à la liste ?
Le carlisme français compte peut-être bien deux
mille adhérents, sur une population de 38 millions
d’habitants.
Cette arithmétique nous pa-aît dispenser de tout
commentaire. C'est un peu moius sérieux que l’Ar-
mée du Salut.
Don Carlos, c’est comme qui dirait le Loyson de
la royauté.
Dans ces conditions, estimable lecteur, il nous a
semblé fort superflu de vous infliger un article —
même spirituel — sur cette absence de sujet... ou
de sujets.
Aucune monarchie n’a, pour l’instant, de chance
valable. Mais celle-là 1
Vous parler de l’avènement possible de Charles XI,
en dehors du l«r avril, aurait été par nous considéré
comme un anachronisme.
Et puis, pourquoi diable voudriez-vous que Don
Carlos eût envie de venir en France, où il n’y a plus
de diligences?...
Paul Girard.
Cordial au rhum, 3 fr. le 1. Pesjui Bouscal (Giron ’•) Agenls demandé»
PLUME HUMBOLDT
de J. ALEXANDRE
EXIGER PORTRAIT
GUKrN OLETîiritable, C OINTBiE ATT d’ANCElS
CHRONIQUE DIJ JOUR
Le nombre des collisions dans la Manche augmente
d’une façon désespérante. II ne se passe pas de semaines
où l’on ne lise une dépêche annonçant que le Beresford,
par exemple, a roucontré le vapeur German-Emperor,
et que celui-ci a coulé bas avec ses passagers.
Et il n’y a pas moyen d’élargir le Pas-de-Calais,
comme le demandait sérieusement, l’autre jour, un in-
génieur anglais, qui trouve probablement que la France
et l’Angleterre sont encore trop rapprochées.
Avec les dangers de la traversée, le nombre des pèle-
rins qui vont voir le général Boulanger ou assister aux
noces d’argent du comte de Paris est capable de dimi-
nuer d’une façon désespérante !
Los journaux ont annoncé la réception à l’Elysée du
nouveau ministre des Etats-Unis, et ont ajouté un dé-
tail original : M. Whitélaw-Read ne parle pas le fran-
çais.
Evidemment, le gouvernement des Etats-Unis n’au-
rait pas choisi son nouvel ambassadeur s’il no réunis-
sait toutes les qualités requises. Mais il semblerait, à
première vue, que la première devrait être de parler la
langue du pays dans lequel on va représenter le sien.
Il est vrai que M. Antoine a éié député au Reiehstadt
sans comprendre la langue allemande et a dû, lui aussi,
se contenter de représenter son pays par gestes.
L’Exposition a fait éclore le pick-pocket photographi-
que. Incapable de voler une montre, celui-ci se con-
tente de prendre des clichés instantanés des divers mo-
dèles exposés par ses concurrents.
On le traîne au poste, tout comme s'il avait fait le
mouchoir, et sa famille est à jamais déconsidérée.
Loin de nous la pensée de prendre la défense de ces
vils concurrents... Mais enfin, à quoi servent les Expo-
sitions, — du moins, selon leur étiquette?
Précisément à se renseigner sur les progrès mutuels,
à profiter des modifications de l’in iustrie, et faire mieux,
si c’est possible, en se servant des innovations réali-
sées.
Eh bien ! non seulement on est arrêté comme escroc
si l’on déploie un minuscule appareil photographique
dans le Champ de Mars, mais encore on vous saute des-
sus si vous prenez un simple croquis de la maison
étrusque. Il est défendu de dessiner le long de ses
murs.
Nous en savons quelque chose!
On flaira par fouiller les visiteurs et par leur enlever
papiers et crayons !
Le phonographe ne suffit plus ! M. G. Guéroult vient
de faire concurrence à Edison en inventant un appareil
chargé d’emmagasiner les jeux de physionomie et le
mouvement des lèvres de l’orateur, pendant que le pho-
nographe recueillera ses paroles.
C’est par une série de photographies instantanées,
prises à intervalles d’un dixième de seconde, qu’on ob-
tient une série de reproductions exactes de la figure du
parleur. On déroule ces photographies à mesure qu’on
tourne le phonographe, et l’auditeur pourra revoir à la
fois le texte et l’action du discours !
— Maintenant que nos tableaux sont assurés, nous
disait hier un artiste, prions Dieu qu’ils brûlent !
Eh bien, pour un peintre qui est heureux, il y en a
beaucoup qui ne le sont guère. L’estimation de leurs
œuvres va être combattue par les experts des Compa-
gnies, et la valeur — en cas d’incendie — inscrite sur le
catalogue.
Vous voyez d’ici la colère de ceux qui seront taxés
trop bas ! Et il y eu aura pas mal qui, demandant à assurer
leur tableau trente mille francs, ne seront guère garan-
tis que pour trois cents !
Dans
l’antichambre do Clara, quartier Bréda :
— Qui a sonné? demande Clara... C’est un étranger?
— Non, Madame, fait la domestique; c’est un abonné!
Mme Taupin et son cousin, sous prétexte de faire de
la photographie d’amateurs, s’enferment tous les jours
dans une chambre noire. Le mari veille à ce que per- t
sonne n’entre, pour ne pas faire rater le cliché.
Hier, Mme Taupin et son complice ont fait la photo-
graphie du mari.
— Où eu êtes-vous?... demande cclui-ci.
— N’ouvrc pas! crie Mme Taupin : nous développons
la tête!
II. Ilcnr.'ot
BOURSE-EXPRESS
La preuve que les affaires vont reprendre, c’est que le
marché des Pieds-IIumides a retrouvé une grande
partie de son animation. Les portières, garde-malades
et marchandes de sangsues qui forment le fon 1s de la
clientèle sont au grand complet. On ne signale que de
rares absences : quelques-unes de ccs daines villégiatu-
rent.
Je ne dois pas vous cacher qu’au rez-de-chaussée
comme au premier étage, — dans le jardin aussi bien
qu’autour de la corbeille, — c’est un certain méconten-
tement qui règne. Le marché des Pieds-IIumides ne vil
que des valeurs qui coûtent entre six sous et trois francs
cinquante; et son personnel attendait comme une
manne céleste l’arrivée de certains litres ém s récem-
ment, — Bons hypothécaires tunisiens, chemins de fer
vénézuéliens, etc. Or, le» chemins de fer vénézuéliens
sont en route, mais , ne sont pas arrivés encore. Quant
aux Bons hypothécaires tunisiens, le marché des Pieds-
IIumides sait qu’il n’en verra jamais la couleur. Pour
qu’un titre vienne sur ce marché, il faut qu’il ait été |
souscrit peu ou prou. Or, comme il n’a pas été souscrit ,
deux douzaines de Bons, — manière de parler,—le '
marché des l’iods-Humides voit ses espérances s’en-
voler.
Gonsole-toi, marché des Pieds-IIumides. Il y a des
affaires sur la planche qui, tôt ou tard, te fourniront tout
le papier dont tu peux avoir besoin, — te le fourniront
à toi et a’ix kiosques lumineux d’alentour I
Casiorine.
L’ADULTERE °
Avec ses assassinats presque hebdomadaires qui re-
mettent en question tout le travail civilisateur de nos
pères, elle est triste à vivre, cette fin du siècle, mortel-
lement trislo. Tuer, c’est la solution de tout. On tue l’a-
mant, on tue le mari, on tue la femme, on tuera le chat
et le chien. Il viendra un innovateur puissant qui tuera
aussi l’avocat, les témoins et les juges. Temps candides
de Fualdès, où êtes-vous? Marie Capelle, cher ange
qu’aima Lachaud, yos petits pullulent, et vous êtes la
mère Gigogne vénérée des joyeux adultérolâtres.
(*) L’Amour en République, 1870-1889, avec un portrait de
l’auteur et une lettre d’Alexandre Dumas fils... Si nous ajou-
tons que le livre qui vient de paraître sous ce titre et avec ces
indications à la librairie Dentu, porte ia signature de notre
confrère Emile Bergerat, on se fera une idée de la verve et de
la fantaisie originale qui s’y donnent carrière. Le chapitre que
nous reproduisons ne peut qu’engager à lire le reste.
Peut-être aussi cherche-t il à être trop pur, ce siècle
fertile en égorgements et imbibé de la philosophie des
Thuggs. Il ne veut pas qu’ou soit l’amant d'une femme
mariée sans étrangler le mari ; il ne souffre plus le co-
cuage hilare et bedonnant ; il ordonne que toute biche
donne lieu au combat de cerfs et que l’un des deux reste
sur la place. Il lui faut des andouillers sanglants. C’est
de la vertu à l’état d’essence, de l’élixir de vertu. Mazette !
le beau siècle ! et pur ! Je m’y mire.
La femme qui n’est qu’à un seul homme à la fois, cet
objet de musée, l’épouse fidèle, dèle, dèle, comme on dit
dans Oscar, de Scribe (mon éternel bréviaire), a donc
enfin dompté la honte d'être montrée au doigt. Elle est
commune, elle court les rues, elle devient le type gé-
néral. Plus de duperie, de feintes et de mystères : vous
l’aimez, elle vous aime, rien n’est plus simple. Vous
montez tranquillement chez elle, vous prenez le mari
par la peau du dos et lui logez dans la nuque un plomb
de calibre moyen. Elle est à vous, sans partage. C’est le
système Peltzer.
Si le mari éprouve le besoin absolu de garder sa
femme pour lui tout seul, il guigne le moment opportun,
sans se presser, sans brûler sa cigarette, et quand
l’amant lui demande du feu, il lui en donne de son re-
volver, système Dubourg et Précorbin, Sa femme ne se ;
le fait pas dire deux fois, et de deux daims elle choisit
le moindre, c’est-à-dire le seul qui lui reste à choisir
Elle reste monogame, en dépit de scs rêves de jeun»
fille.
Nos grands auteurs sont zélateurs de cette admirable
solution du cocuage. Ils la trouvent mathématique et
précise. Les assassins aussi.
La loi est plus coquettement subtile : il lui à111! des
flagrances. Elle veut voir, et il faut qu’on soit en che-
mise pour qu’elle se décide. Si le cerf a gardé ses lire-
telles et la biche son petit kendall, elle n'admot pas la
bigamie. Elle la trouve douteuse. Il faut que tou1 solt
fait et bien fait, pour que sa paillardise soit compétente.
Alors elle ôte ses lunettes et, d’une voix altérée par h
justice, elle crie, elle aussi : Tue, tue, massacre et sup-
prime! De telle sorte, qu’on fait de mariage, la peine de
mort est promulguée.
Ça deviendra difficile de trouver à se marier dans
quelque temps d’ici, je parle pou - ceux qui en conser-
veraient l’envie. Encore faudra-t-il qu’au lieu de trous-
seau les jeunes époux reçoivent de leurs parents une
sérieuse panoplie, fortement hérissée do tubes porta01
loin et de lames dentelées. J’entends, par la pen-ée,ce
dialogue de nuit de noces, à l’heure où pleurent
belles-mères et les crocodiles.
dire des journaux réactionnaires, ia monarchie
compte pour être rétablie à bref délai.
Ces pieux voyageurs se proposent, n’en doutez
pas, de réclamer l’intervention céleste en faveur de
la restauration projetée. Ils espèrent que la Vierge
aux apparitions fera une petite tournée électorale
afin de ramener des voix à la bonne cause.
Acceptée l’épreuve. Que Lourde reçoive le plus
grand nombre de pèlerins possible. Vous tous qui
croyez ou feignez de croire, précipitez-vous tous
dans les trains de dévotion.
Plus nombreux vous serez, mieux démontrées se-
ront en même temps et l'impuissance de la grotte et
l’impuissance de la réaction.
Double résultat qui n’est pas pour nous déplaire.
André Laroche
ABSINTHE BAILLYSSfflB
X?T A Tl/rivr A TVTr* SPECIALITE POUR BALS ET SOIREES
r JÜ/ilVliVl AIY Lt glacier, 16, Hue Thorel (
\ (Gymnase).
ET CHARLES XI?...
Un abonné récalcitrant nous écrit.
En substance, sa lettre nous dit :
— Pourquoi ne nous avez-vous pas parlé des
Blancs d’Espagne et de leur manifestation récente ?
A l’abonné récalcitrant, nous répondrons :
— Estimable lecteur, le Charivari avait cru vous
être particulièrement agréable en économisant votre
temps, qu’il suppose précieux. Vous parler des
Blancs d’Espagne? Et pourquoi, ô mon Dieu ?
N’avons-nous pas déjà assez de prétendants oisifs
et de prétentions oiseuses, sans ajouter Don Carlos
à la liste ?
Le carlisme français compte peut-être bien deux
mille adhérents, sur une population de 38 millions
d’habitants.
Cette arithmétique nous pa-aît dispenser de tout
commentaire. C'est un peu moius sérieux que l’Ar-
mée du Salut.
Don Carlos, c’est comme qui dirait le Loyson de
la royauté.
Dans ces conditions, estimable lecteur, il nous a
semblé fort superflu de vous infliger un article —
même spirituel — sur cette absence de sujet... ou
de sujets.
Aucune monarchie n’a, pour l’instant, de chance
valable. Mais celle-là 1
Vous parler de l’avènement possible de Charles XI,
en dehors du l«r avril, aurait été par nous considéré
comme un anachronisme.
Et puis, pourquoi diable voudriez-vous que Don
Carlos eût envie de venir en France, où il n’y a plus
de diligences?...
Paul Girard.
Cordial au rhum, 3 fr. le 1. Pesjui Bouscal (Giron ’•) Agenls demandé»
PLUME HUMBOLDT
de J. ALEXANDRE
EXIGER PORTRAIT
GUKrN OLETîiritable, C OINTBiE ATT d’ANCElS
CHRONIQUE DIJ JOUR
Le nombre des collisions dans la Manche augmente
d’une façon désespérante. II ne se passe pas de semaines
où l’on ne lise une dépêche annonçant que le Beresford,
par exemple, a roucontré le vapeur German-Emperor,
et que celui-ci a coulé bas avec ses passagers.
Et il n’y a pas moyen d’élargir le Pas-de-Calais,
comme le demandait sérieusement, l’autre jour, un in-
génieur anglais, qui trouve probablement que la France
et l’Angleterre sont encore trop rapprochées.
Avec les dangers de la traversée, le nombre des pèle-
rins qui vont voir le général Boulanger ou assister aux
noces d’argent du comte de Paris est capable de dimi-
nuer d’une façon désespérante !
Los journaux ont annoncé la réception à l’Elysée du
nouveau ministre des Etats-Unis, et ont ajouté un dé-
tail original : M. Whitélaw-Read ne parle pas le fran-
çais.
Evidemment, le gouvernement des Etats-Unis n’au-
rait pas choisi son nouvel ambassadeur s’il no réunis-
sait toutes les qualités requises. Mais il semblerait, à
première vue, que la première devrait être de parler la
langue du pays dans lequel on va représenter le sien.
Il est vrai que M. Antoine a éié député au Reiehstadt
sans comprendre la langue allemande et a dû, lui aussi,
se contenter de représenter son pays par gestes.
L’Exposition a fait éclore le pick-pocket photographi-
que. Incapable de voler une montre, celui-ci se con-
tente de prendre des clichés instantanés des divers mo-
dèles exposés par ses concurrents.
On le traîne au poste, tout comme s'il avait fait le
mouchoir, et sa famille est à jamais déconsidérée.
Loin de nous la pensée de prendre la défense de ces
vils concurrents... Mais enfin, à quoi servent les Expo-
sitions, — du moins, selon leur étiquette?
Précisément à se renseigner sur les progrès mutuels,
à profiter des modifications de l’in iustrie, et faire mieux,
si c’est possible, en se servant des innovations réali-
sées.
Eh bien ! non seulement on est arrêté comme escroc
si l’on déploie un minuscule appareil photographique
dans le Champ de Mars, mais encore on vous saute des-
sus si vous prenez un simple croquis de la maison
étrusque. Il est défendu de dessiner le long de ses
murs.
Nous en savons quelque chose!
On flaira par fouiller les visiteurs et par leur enlever
papiers et crayons !
Le phonographe ne suffit plus ! M. G. Guéroult vient
de faire concurrence à Edison en inventant un appareil
chargé d’emmagasiner les jeux de physionomie et le
mouvement des lèvres de l’orateur, pendant que le pho-
nographe recueillera ses paroles.
C’est par une série de photographies instantanées,
prises à intervalles d’un dixième de seconde, qu’on ob-
tient une série de reproductions exactes de la figure du
parleur. On déroule ces photographies à mesure qu’on
tourne le phonographe, et l’auditeur pourra revoir à la
fois le texte et l’action du discours !
— Maintenant que nos tableaux sont assurés, nous
disait hier un artiste, prions Dieu qu’ils brûlent !
Eh bien, pour un peintre qui est heureux, il y en a
beaucoup qui ne le sont guère. L’estimation de leurs
œuvres va être combattue par les experts des Compa-
gnies, et la valeur — en cas d’incendie — inscrite sur le
catalogue.
Vous voyez d’ici la colère de ceux qui seront taxés
trop bas ! Et il y eu aura pas mal qui, demandant à assurer
leur tableau trente mille francs, ne seront guère garan-
tis que pour trois cents !
Dans
l’antichambre do Clara, quartier Bréda :
— Qui a sonné? demande Clara... C’est un étranger?
— Non, Madame, fait la domestique; c’est un abonné!
Mme Taupin et son cousin, sous prétexte de faire de
la photographie d’amateurs, s’enferment tous les jours
dans une chambre noire. Le mari veille à ce que per- t
sonne n’entre, pour ne pas faire rater le cliché.
Hier, Mme Taupin et son complice ont fait la photo-
graphie du mari.
— Où eu êtes-vous?... demande cclui-ci.
— N’ouvrc pas! crie Mme Taupin : nous développons
la tête!
II. Ilcnr.'ot
BOURSE-EXPRESS
La preuve que les affaires vont reprendre, c’est que le
marché des Pieds-IIumides a retrouvé une grande
partie de son animation. Les portières, garde-malades
et marchandes de sangsues qui forment le fon 1s de la
clientèle sont au grand complet. On ne signale que de
rares absences : quelques-unes de ccs daines villégiatu-
rent.
Je ne dois pas vous cacher qu’au rez-de-chaussée
comme au premier étage, — dans le jardin aussi bien
qu’autour de la corbeille, — c’est un certain méconten-
tement qui règne. Le marché des Pieds-IIumides ne vil
que des valeurs qui coûtent entre six sous et trois francs
cinquante; et son personnel attendait comme une
manne céleste l’arrivée de certains litres ém s récem-
ment, — Bons hypothécaires tunisiens, chemins de fer
vénézuéliens, etc. Or, le» chemins de fer vénézuéliens
sont en route, mais , ne sont pas arrivés encore. Quant
aux Bons hypothécaires tunisiens, le marché des Pieds-
IIumides sait qu’il n’en verra jamais la couleur. Pour
qu’un titre vienne sur ce marché, il faut qu’il ait été |
souscrit peu ou prou. Or, comme il n’a pas été souscrit ,
deux douzaines de Bons, — manière de parler,—le '
marché des l’iods-Humides voit ses espérances s’en-
voler.
Gonsole-toi, marché des Pieds-IIumides. Il y a des
affaires sur la planche qui, tôt ou tard, te fourniront tout
le papier dont tu peux avoir besoin, — te le fourniront
à toi et a’ix kiosques lumineux d’alentour I
Casiorine.
L’ADULTERE °
Avec ses assassinats presque hebdomadaires qui re-
mettent en question tout le travail civilisateur de nos
pères, elle est triste à vivre, cette fin du siècle, mortel-
lement trislo. Tuer, c’est la solution de tout. On tue l’a-
mant, on tue le mari, on tue la femme, on tuera le chat
et le chien. Il viendra un innovateur puissant qui tuera
aussi l’avocat, les témoins et les juges. Temps candides
de Fualdès, où êtes-vous? Marie Capelle, cher ange
qu’aima Lachaud, yos petits pullulent, et vous êtes la
mère Gigogne vénérée des joyeux adultérolâtres.
(*) L’Amour en République, 1870-1889, avec un portrait de
l’auteur et une lettre d’Alexandre Dumas fils... Si nous ajou-
tons que le livre qui vient de paraître sous ce titre et avec ces
indications à la librairie Dentu, porte ia signature de notre
confrère Emile Bergerat, on se fera une idée de la verve et de
la fantaisie originale qui s’y donnent carrière. Le chapitre que
nous reproduisons ne peut qu’engager à lire le reste.
Peut-être aussi cherche-t il à être trop pur, ce siècle
fertile en égorgements et imbibé de la philosophie des
Thuggs. Il ne veut pas qu’ou soit l’amant d'une femme
mariée sans étrangler le mari ; il ne souffre plus le co-
cuage hilare et bedonnant ; il ordonne que toute biche
donne lieu au combat de cerfs et que l’un des deux reste
sur la place. Il lui faut des andouillers sanglants. C’est
de la vertu à l’état d’essence, de l’élixir de vertu. Mazette !
le beau siècle ! et pur ! Je m’y mire.
La femme qui n’est qu’à un seul homme à la fois, cet
objet de musée, l’épouse fidèle, dèle, dèle, comme on dit
dans Oscar, de Scribe (mon éternel bréviaire), a donc
enfin dompté la honte d'être montrée au doigt. Elle est
commune, elle court les rues, elle devient le type gé-
néral. Plus de duperie, de feintes et de mystères : vous
l’aimez, elle vous aime, rien n’est plus simple. Vous
montez tranquillement chez elle, vous prenez le mari
par la peau du dos et lui logez dans la nuque un plomb
de calibre moyen. Elle est à vous, sans partage. C’est le
système Peltzer.
Si le mari éprouve le besoin absolu de garder sa
femme pour lui tout seul, il guigne le moment opportun,
sans se presser, sans brûler sa cigarette, et quand
l’amant lui demande du feu, il lui en donne de son re-
volver, système Dubourg et Précorbin, Sa femme ne se ;
le fait pas dire deux fois, et de deux daims elle choisit
le moindre, c’est-à-dire le seul qui lui reste à choisir
Elle reste monogame, en dépit de scs rêves de jeun»
fille.
Nos grands auteurs sont zélateurs de cette admirable
solution du cocuage. Ils la trouvent mathématique et
précise. Les assassins aussi.
La loi est plus coquettement subtile : il lui à111! des
flagrances. Elle veut voir, et il faut qu’on soit en che-
mise pour qu’elle se décide. Si le cerf a gardé ses lire-
telles et la biche son petit kendall, elle n'admot pas la
bigamie. Elle la trouve douteuse. Il faut que tou1 solt
fait et bien fait, pour que sa paillardise soit compétente.
Alors elle ôte ses lunettes et, d’une voix altérée par h
justice, elle crie, elle aussi : Tue, tue, massacre et sup-
prime! De telle sorte, qu’on fait de mariage, la peine de
mort est promulguée.
Ça deviendra difficile de trouver à se marier dans
quelque temps d’ici, je parle pou - ceux qui en conser-
veraient l’envie. Encore faudra-t-il qu’au lieu de trous-
seau les jeunes époux reçoivent de leurs parents une
sérieuse panoplie, fortement hérissée do tubes porta01
loin et de lames dentelées. J’entends, par la pen-ée,ce
dialogue de nuit de noces, à l’heure où pleurent
belles-mères et les crocodiles.