LE CHAWVAIU
mettra plus tard de raconter aux fidèles que, pareil à
Pie IX, il a gémi sur la paille humide des cachots. Ça
lui rapportera.
Et d’un 1
Dernièrement, dans une petite commune du Puy-
de-Dôme, mourait un entant naturel. L’usage du
pays veut que, dans ce cas, le cercueil soit conduit
au cimetière par d'autres enfants revêtus de leurs
plus beaux habits. Usage louchant et respectable, s’il
en fut jamais.
Mais tel n’était pas l’avis du « bon curé » de l’en-
droit, dont la colère ne connut pas de bornes en pré-
sence de ce spectacle pieux, au vrai sens du mot.
Horrcsco referons! il s’agissait, en effet, d’un enfant
naturel! Là était, pour cet homme de charité, cet
excellent pasteur, le honteux scandale. Comme si
tous les enfants n’étaient pas naturels!
Aussi invila-t-il les petits porteurs à laisser là le
cadavre de leur camarade.
J’ajoute tout de suite qu’il ne fut tenu aucun
compte de celte injonction. Mais que faut-il penser
d’un prêtre s’acharnant, au nom des rites de sa reli-
gion, contre un pauvre petit être qui n’avait demandé
ni cet excès d'honneur ni cette indignité?
Et de deux !
Mais, vous savez, j’ai pris mes exemples dans le
tas — un gros, très gros tas !
Hélas 1.*..
Achille Brissae
CASSIS Frédéric MUGNIER
l6r PRIX, saute MÉDAILLE d'OR décernée au CASSIS de Dijon
à l’Exposition universelle d’Anvers 1885.
BOCK LYONMIS«B
Brasser!»® de ].2 Môditerrenâ», — MARSEILLE. LÏOM, PARIS.
CHRONIQUE DU JOUR
On chantait dans Gare l'Eau, la célèbre revue de Bo-
bino, un couplet où le Soleil disait à la Lune son épouse :
Notre ménage lait songer
Au ménage trop platonique
D’une demoisell’ de boutique
Avec un garçon boulanger...
Je me suis rappelé ce fragment de haute poésie en
lisant les détails du procès en adultère jugé l’autre jour.
Le prévenu donnait comme excuse :
— J’exerce un métier nocturne. Je loue la nuit ma
chambre à mademoiselle, et ne viens me coucher que le
jour. Voilà pourquoi on l’a trouvée dans mon lit.
Pas mal !
Le lit intermittent ou à deux fins ou à deux types mé-
rite de rester dans les annales ae la cocasserie moderne.
On va refondre les pièces d’or.
Tout s’use.
Ce qui est éternel, c’est la cupidité qui court après la-
dite monnaie.
Nota. — Je crois cette pensée très philosophique et
encore plus prudhommesque.
M. tle Douville-Maillefeu déclare d’avance qu’il ne
veut pas être réélu.
Il y a comme ça des cas où ne pas vouloir devient
synonyme de ne pas pouvoir.
Il paraît qu’on a placé hier un nouveau buste de la
République à l’Hôtel des Postes, galerie des guichets. Ce
buste porle le mot Centenaire, coulé en bronze.
Je parie qu’il y a des gens qui vont prendre ça pour
un buste du père Ghevreul.
Les jeux de cartes, tels que bouillotte, poker, baccara,
viennent d’être défendus à Saint-Cyr.
Ce que je ne comprends pas, c’est qu’on ait eu besoin
de les défendre. Cela prouve qu’on les avait autorisés ou
tolérés.
Or, autorisation et tolérance me paraissent également
invraisemblables 1
Que la Providence soit louée !
Les Félibres iront eneore processionnellement, cet été,
porter des couronnes à feu Florian.
Mon cœur a battu à rompre ma poitrine quand j’ai
appris cette émouvante nouvelle.
Vous êtes-vous aperçu, à un signe quelconque, que le
carnaval officiel a commencé hier jeudi?
Pas même les beuglements de cornet à bouquin, cher
aux voyous de jadis!
C’est fini, bien fini-!
Il est vrai que le carnaval a maintenant toute l’année
pour domaine.
Carnaval politique, littéraire, artistique...
Si j’avais eu le temps, j’aurais fait un article là-dessus.
Consolez-vous, du reste. Il a été fait déjà dix fois avant
moi.
Très grand succès, à Marseille, pour les débuts de Sel-
lier, que les soins du Dr Segond, l’éminent chirurgien,
ont rendu à l’art, après un terrible accident.
Sellier fait fureur.
Sa voix n’a pas gardé des traces des épi-euves doulou-
reuses. Son bras est complètement guéri.
Et chaque soir, ce sont des bravos, des rappels sans
fin.
Nous y joignons nos applaudissements, et pour le
sauvé et pour le sauveur.
Brébant est, comme toujours, le restaurant où se don-
nent les bons repas d’amis et où se réunissent, tout na-
turellement, les compagnies joyeuses. Le D1' Monin y
réunissait, à son tour, des amis qui étaient heureux de
célébrer son entrée dans la Lég ion d’honneur. — Parmi
les convives, en grand nombre, nous avons remarqué
MM. Stephen Pichon, député, Ch. Garnier, de Tencin,
et plusieurs des confrères les mieux connus du spirituel
hygiéniste : MM. les Drs Combe, Duval, Degoix, Apos-
tolq Malécot et Frœmer, directeur de la France Indus
trielle. — On ne s’est pas ennuyé.
Vu, hier, sur une boutique,
qui m’ont paru signifier :
un écriteau avec des mots
Ici on parle volapüh.
Merci, mon Dieu !
Le prince Soltykoff, qui vient de mourir, était un fort
amateur.
Il avait collectionné un tas de choses. II possédait do
vraies merveilles.
Cependant, il lui arriva d’être fourré dedans comme
un autre.
Et il disait spirituellement :
— Plus ou devient connaisseur, plus on s’aperçoit
qu’on n’y connaît rien...
A méditer!
Coquille exquise.
Elle est prise dans l’oraison funèbre d'un diplo-
mate.
«Il (le défunt) c tait particulièrement passionné pour
tout ce qui intéressait le jupon. »
Je pense bien que c’est Japon qu’on voulait dire.
En soirée. On exécute un morceau.
— Quelle cacophonie!
— Ne m’en parlez pas, c’est horrible ! Ce pianiste joue
comme un idiot.
— Et le piano ! Quels sons !
— Il doit avoir été fourni par un facteur rural !...
Paul Girard.
BOURSE-EXPRESS
C’est la Timisie qui doit être vexée !
C’est le Crédit foncier qui ne doit pas être content !
Ce sont les autres établissements de crédit — ceux qui
prêtent aussi leurs guichets à la Conversion tunisienne
- qui doivent être dans leurs petits souliers !
Imaginez-vous que la province de Baliia trouve bon
d’y aller, elle aussi, de sa petite émission... Peuple fran-
çais, on te lance cela dans les jambes au moment même
où le gouvernement tunisien opère.
Pourvu, Seigneur, que Bahia ne fasse pas du tort à
Tunis! — Entre nous, je ne crois pas. Entre les titres de
Bahia et les obligations de Tunis, il y a une toute petite
différence : les derniers sont garantis par la province de
Bahia. Est-ce suffisant? Je crois que poser la question,
c’est la résoudre.
Un beau matin une gantière vit arriver un Brésilien,
chantait Metella. Las ! que les temps sont changés !
Jadis, les Brésiliens de n’importe où nous apportaient
de l’argent. Aujourd’hui, ils nous en demandent...
Ça n’est pas la même chose, qu’en pensez-vous?
Castorine.
LE LUE DIS VINGT-ET-UN
Sous ce titre vient de paraître, chez Calmann Lévy,
un volume qui se recommande à la fois par le talent de
ceux qui l’ont signé collectivement, et par la noblesse
du but qu’il se propose.
Les signataires du livre, parmi lesquels figurent
MM. Jules Simon, Dumas (iis, Halcvy, Coppée, Claretie,
Houssaye, Malot, Arnould, Theuriet, Fabre, Audebrand,
Delpit, etc., ont voulu venir en aide à la veuve septua-
génaire d’un de nos confrères, de Louis Desnoyers, le
spirituel écrivain qui fut uu des fondateurs de ce
journal.
Nous ne saurions donc recommander trop vivement à
nos lecteurs de s’associer à cette bonne action en ache-
tant ce charmant recueil de nouvelles et fan’aisies ori-
ginales, dont nous leur donnons ici un échantillon.
P. V.
LE LIVRE A CLEF
Pendant mon séjour à D..., j’ai beaucoup connu un
original nommé Eustache Loriot : — un garçon d’une
quarantaine d’années, frais, rose, blond, un peu replet,
de taille moyenne, avec une grosse tête au front trop
développé, au nez socratique et aux yeux bleu faïence.
Il était de sa profession juge suppléant au tribunal ; mais
comme ses fonctions lui laissaient beaucoup de loisir et
qu’il avait une fortune indépendante, il s’était de bonne
heure abandonné à la passion du bric-à-brac. Il collec-
tionnait un peu de tout : livres rares, médailles, poteries
gallo-romaines...
Comme beaucoup de collectionneurs, il était d’une
naïveté et d’une crédulité enfantine au sujet de ses anti-
quailles ; à propos d’un tesson de poterie ou d’une fer-
raille quelconque, son imagination lui suggérait des his-
toires merveilleuses auxquelles il finissait par croire
comme à des articles de foi. Il avait trouvé par exemple
chez un revendeur un infoi me masque de fer forgé, percé
de trois trous à la place de la bouche et des yeux, et il
était parfaitement convaincu qu’il possédait le vrai
masque de fer, ayant servi à cacher les traits du mysté-
rieux prisonnier des îles Sainte-Marguerite et de la Bas-
tille. Je faillis me brouiller avec lui pour lui avoir insinué
en douceur que, d’après les relations authentiques, le
fameux masefc de fer était en velours noir...
Bien que marié, Eustache Loriot n’avait point d’en-
fants. Sa femme était une jolie brune de vingt-huit ans,
bien faite, sémillante, avec des yeux à la perdition de
son âme et un léger duvet sur la lèvre supérieure.
Élégante, aimant le plaisir, elle s’ennuyait fort dans
la maison silencieuse du quartier des Grangettes, où son
mari entassait ses collections, et où on ne recevait
d’autres visiteurs que quelques vieux antiquaires et un
jeune avocat, ami de Loriot et comme lui amateur de
bouquins. Cet avocat célibataire, uommé Frédéric Si-
monnet, n’avait guère plus de trente ans et passait pour
l’aigle du barreau de D... Je crois plutôt qu’il en était le
coq, car il avait fort bonne tournure, la taille bien prise,
la langue bien pendue ; en deux mots, bon pied, bon
œil. Il venait souvent puiser dans la bibliothèque de
Loriot, et, le soir où j’eus le plaisir de faire sa con-
naissance, il rapportait précisément à son ami un bel ,
exemplaire de Daphnis et Chloê, relié en maroquin rouge |
avec les gravures du Régent. >
— Tenez, me dit avec orgueil Eustache Loriot en me
tendant le volume, voici un bouquin provenant de la
bibliothèque de M. des Armoises, un gentilhomme lor-
rain qui fut emprisonné pendant la Terreur, condamné
à mort, et que sa maîtresse, une blanchisseuse, réussit à
faire évader la veille du jour fixé pour l’exécution. J’a*
eu ce livre presque pour rien à la vente du mobilier de
la propre fille de la femme qui sauva des Armoises.
J’avais pris le volume, et tout on le feuilletant, je re-
marquai un détail singulier : — çà et là, de page en ^
page, il y avait des lignes entières dont certaines lettres ,
étaient soulignées de points ou de tirets minuscules, les I
uns tracés à l’encre rouge, les autres avec une encre
jaunâtre et comme vieillie.
— Tiens! c’est curieux, murmurai-je; aviez-vous vu
cette particularité de votre exemplaire ? demandai-je à
Loriot en lui montrant les pages pointillées.
Eu même temps, je relevai la tête et je fus frappé de
l’expression inquiète et rioublée du visage de l’avocat,
je me retournai alors du côté de Mme Loriot, et j’eus V
»-
mettra plus tard de raconter aux fidèles que, pareil à
Pie IX, il a gémi sur la paille humide des cachots. Ça
lui rapportera.
Et d’un 1
Dernièrement, dans une petite commune du Puy-
de-Dôme, mourait un entant naturel. L’usage du
pays veut que, dans ce cas, le cercueil soit conduit
au cimetière par d'autres enfants revêtus de leurs
plus beaux habits. Usage louchant et respectable, s’il
en fut jamais.
Mais tel n’était pas l’avis du « bon curé » de l’en-
droit, dont la colère ne connut pas de bornes en pré-
sence de ce spectacle pieux, au vrai sens du mot.
Horrcsco referons! il s’agissait, en effet, d’un enfant
naturel! Là était, pour cet homme de charité, cet
excellent pasteur, le honteux scandale. Comme si
tous les enfants n’étaient pas naturels!
Aussi invila-t-il les petits porteurs à laisser là le
cadavre de leur camarade.
J’ajoute tout de suite qu’il ne fut tenu aucun
compte de celte injonction. Mais que faut-il penser
d’un prêtre s’acharnant, au nom des rites de sa reli-
gion, contre un pauvre petit être qui n’avait demandé
ni cet excès d'honneur ni cette indignité?
Et de deux !
Mais, vous savez, j’ai pris mes exemples dans le
tas — un gros, très gros tas !
Hélas 1.*..
Achille Brissae
CASSIS Frédéric MUGNIER
l6r PRIX, saute MÉDAILLE d'OR décernée au CASSIS de Dijon
à l’Exposition universelle d’Anvers 1885.
BOCK LYONMIS«B
Brasser!»® de ].2 Môditerrenâ», — MARSEILLE. LÏOM, PARIS.
CHRONIQUE DU JOUR
On chantait dans Gare l'Eau, la célèbre revue de Bo-
bino, un couplet où le Soleil disait à la Lune son épouse :
Notre ménage lait songer
Au ménage trop platonique
D’une demoisell’ de boutique
Avec un garçon boulanger...
Je me suis rappelé ce fragment de haute poésie en
lisant les détails du procès en adultère jugé l’autre jour.
Le prévenu donnait comme excuse :
— J’exerce un métier nocturne. Je loue la nuit ma
chambre à mademoiselle, et ne viens me coucher que le
jour. Voilà pourquoi on l’a trouvée dans mon lit.
Pas mal !
Le lit intermittent ou à deux fins ou à deux types mé-
rite de rester dans les annales ae la cocasserie moderne.
On va refondre les pièces d’or.
Tout s’use.
Ce qui est éternel, c’est la cupidité qui court après la-
dite monnaie.
Nota. — Je crois cette pensée très philosophique et
encore plus prudhommesque.
M. tle Douville-Maillefeu déclare d’avance qu’il ne
veut pas être réélu.
Il y a comme ça des cas où ne pas vouloir devient
synonyme de ne pas pouvoir.
Il paraît qu’on a placé hier un nouveau buste de la
République à l’Hôtel des Postes, galerie des guichets. Ce
buste porle le mot Centenaire, coulé en bronze.
Je parie qu’il y a des gens qui vont prendre ça pour
un buste du père Ghevreul.
Les jeux de cartes, tels que bouillotte, poker, baccara,
viennent d’être défendus à Saint-Cyr.
Ce que je ne comprends pas, c’est qu’on ait eu besoin
de les défendre. Cela prouve qu’on les avait autorisés ou
tolérés.
Or, autorisation et tolérance me paraissent également
invraisemblables 1
Que la Providence soit louée !
Les Félibres iront eneore processionnellement, cet été,
porter des couronnes à feu Florian.
Mon cœur a battu à rompre ma poitrine quand j’ai
appris cette émouvante nouvelle.
Vous êtes-vous aperçu, à un signe quelconque, que le
carnaval officiel a commencé hier jeudi?
Pas même les beuglements de cornet à bouquin, cher
aux voyous de jadis!
C’est fini, bien fini-!
Il est vrai que le carnaval a maintenant toute l’année
pour domaine.
Carnaval politique, littéraire, artistique...
Si j’avais eu le temps, j’aurais fait un article là-dessus.
Consolez-vous, du reste. Il a été fait déjà dix fois avant
moi.
Très grand succès, à Marseille, pour les débuts de Sel-
lier, que les soins du Dr Segond, l’éminent chirurgien,
ont rendu à l’art, après un terrible accident.
Sellier fait fureur.
Sa voix n’a pas gardé des traces des épi-euves doulou-
reuses. Son bras est complètement guéri.
Et chaque soir, ce sont des bravos, des rappels sans
fin.
Nous y joignons nos applaudissements, et pour le
sauvé et pour le sauveur.
Brébant est, comme toujours, le restaurant où se don-
nent les bons repas d’amis et où se réunissent, tout na-
turellement, les compagnies joyeuses. Le D1' Monin y
réunissait, à son tour, des amis qui étaient heureux de
célébrer son entrée dans la Lég ion d’honneur. — Parmi
les convives, en grand nombre, nous avons remarqué
MM. Stephen Pichon, député, Ch. Garnier, de Tencin,
et plusieurs des confrères les mieux connus du spirituel
hygiéniste : MM. les Drs Combe, Duval, Degoix, Apos-
tolq Malécot et Frœmer, directeur de la France Indus
trielle. — On ne s’est pas ennuyé.
Vu, hier, sur une boutique,
qui m’ont paru signifier :
un écriteau avec des mots
Ici on parle volapüh.
Merci, mon Dieu !
Le prince Soltykoff, qui vient de mourir, était un fort
amateur.
Il avait collectionné un tas de choses. II possédait do
vraies merveilles.
Cependant, il lui arriva d’être fourré dedans comme
un autre.
Et il disait spirituellement :
— Plus ou devient connaisseur, plus on s’aperçoit
qu’on n’y connaît rien...
A méditer!
Coquille exquise.
Elle est prise dans l’oraison funèbre d'un diplo-
mate.
«Il (le défunt) c tait particulièrement passionné pour
tout ce qui intéressait le jupon. »
Je pense bien que c’est Japon qu’on voulait dire.
En soirée. On exécute un morceau.
— Quelle cacophonie!
— Ne m’en parlez pas, c’est horrible ! Ce pianiste joue
comme un idiot.
— Et le piano ! Quels sons !
— Il doit avoir été fourni par un facteur rural !...
Paul Girard.
BOURSE-EXPRESS
C’est la Timisie qui doit être vexée !
C’est le Crédit foncier qui ne doit pas être content !
Ce sont les autres établissements de crédit — ceux qui
prêtent aussi leurs guichets à la Conversion tunisienne
- qui doivent être dans leurs petits souliers !
Imaginez-vous que la province de Baliia trouve bon
d’y aller, elle aussi, de sa petite émission... Peuple fran-
çais, on te lance cela dans les jambes au moment même
où le gouvernement tunisien opère.
Pourvu, Seigneur, que Bahia ne fasse pas du tort à
Tunis! — Entre nous, je ne crois pas. Entre les titres de
Bahia et les obligations de Tunis, il y a une toute petite
différence : les derniers sont garantis par la province de
Bahia. Est-ce suffisant? Je crois que poser la question,
c’est la résoudre.
Un beau matin une gantière vit arriver un Brésilien,
chantait Metella. Las ! que les temps sont changés !
Jadis, les Brésiliens de n’importe où nous apportaient
de l’argent. Aujourd’hui, ils nous en demandent...
Ça n’est pas la même chose, qu’en pensez-vous?
Castorine.
LE LUE DIS VINGT-ET-UN
Sous ce titre vient de paraître, chez Calmann Lévy,
un volume qui se recommande à la fois par le talent de
ceux qui l’ont signé collectivement, et par la noblesse
du but qu’il se propose.
Les signataires du livre, parmi lesquels figurent
MM. Jules Simon, Dumas (iis, Halcvy, Coppée, Claretie,
Houssaye, Malot, Arnould, Theuriet, Fabre, Audebrand,
Delpit, etc., ont voulu venir en aide à la veuve septua-
génaire d’un de nos confrères, de Louis Desnoyers, le
spirituel écrivain qui fut uu des fondateurs de ce
journal.
Nous ne saurions donc recommander trop vivement à
nos lecteurs de s’associer à cette bonne action en ache-
tant ce charmant recueil de nouvelles et fan’aisies ori-
ginales, dont nous leur donnons ici un échantillon.
P. V.
LE LIVRE A CLEF
Pendant mon séjour à D..., j’ai beaucoup connu un
original nommé Eustache Loriot : — un garçon d’une
quarantaine d’années, frais, rose, blond, un peu replet,
de taille moyenne, avec une grosse tête au front trop
développé, au nez socratique et aux yeux bleu faïence.
Il était de sa profession juge suppléant au tribunal ; mais
comme ses fonctions lui laissaient beaucoup de loisir et
qu’il avait une fortune indépendante, il s’était de bonne
heure abandonné à la passion du bric-à-brac. Il collec-
tionnait un peu de tout : livres rares, médailles, poteries
gallo-romaines...
Comme beaucoup de collectionneurs, il était d’une
naïveté et d’une crédulité enfantine au sujet de ses anti-
quailles ; à propos d’un tesson de poterie ou d’une fer-
raille quelconque, son imagination lui suggérait des his-
toires merveilleuses auxquelles il finissait par croire
comme à des articles de foi. Il avait trouvé par exemple
chez un revendeur un infoi me masque de fer forgé, percé
de trois trous à la place de la bouche et des yeux, et il
était parfaitement convaincu qu’il possédait le vrai
masque de fer, ayant servi à cacher les traits du mysté-
rieux prisonnier des îles Sainte-Marguerite et de la Bas-
tille. Je faillis me brouiller avec lui pour lui avoir insinué
en douceur que, d’après les relations authentiques, le
fameux masefc de fer était en velours noir...
Bien que marié, Eustache Loriot n’avait point d’en-
fants. Sa femme était une jolie brune de vingt-huit ans,
bien faite, sémillante, avec des yeux à la perdition de
son âme et un léger duvet sur la lèvre supérieure.
Élégante, aimant le plaisir, elle s’ennuyait fort dans
la maison silencieuse du quartier des Grangettes, où son
mari entassait ses collections, et où on ne recevait
d’autres visiteurs que quelques vieux antiquaires et un
jeune avocat, ami de Loriot et comme lui amateur de
bouquins. Cet avocat célibataire, uommé Frédéric Si-
monnet, n’avait guère plus de trente ans et passait pour
l’aigle du barreau de D... Je crois plutôt qu’il en était le
coq, car il avait fort bonne tournure, la taille bien prise,
la langue bien pendue ; en deux mots, bon pied, bon
œil. Il venait souvent puiser dans la bibliothèque de
Loriot, et, le soir où j’eus le plaisir de faire sa con-
naissance, il rapportait précisément à son ami un bel ,
exemplaire de Daphnis et Chloê, relié en maroquin rouge |
avec les gravures du Régent. >
— Tenez, me dit avec orgueil Eustache Loriot en me
tendant le volume, voici un bouquin provenant de la
bibliothèque de M. des Armoises, un gentilhomme lor-
rain qui fut emprisonné pendant la Terreur, condamné
à mort, et que sa maîtresse, une blanchisseuse, réussit à
faire évader la veille du jour fixé pour l’exécution. J’a*
eu ce livre presque pour rien à la vente du mobilier de
la propre fille de la femme qui sauva des Armoises.
J’avais pris le volume, et tout on le feuilletant, je re-
marquai un détail singulier : — çà et là, de page en ^
page, il y avait des lignes entières dont certaines lettres ,
étaient soulignées de points ou de tirets minuscules, les I
uns tracés à l’encre rouge, les autres avec une encre
jaunâtre et comme vieillie.
— Tiens! c’est curieux, murmurai-je; aviez-vous vu
cette particularité de votre exemplaire ? demandai-je à
Loriot en lui montrant les pages pointillées.
Eu même temps, je relevai la tête et je fus frappé de
l’expression inquiète et rioublée du visage de l’avocat,
je me retournai alors du côté de Mme Loriot, et j’eus V
»-