DES ROIS D E FRANCE D E L A IJR RACE, 649
famer. Le i o Novembre, le Connécable de Montmo-
renci lui livre bataille dans la plaine de S. Denis (i) j
cette ailion ne dura que 3 quarts d’heure, 8c chaque
parti, en se retirant, s’attribua la vidoire. Le Con-
nétable y reçut huit bleilTures mortelles, dont la der-
niere fut l’effet d’un coup de pistolet que Robert
Stuart, Ecolsois, ( le même qu’on soupçonna d’avoir
tué le Président Minard en 15 5 9 , ) lui tira dans les
reins. Cependant il eut encore la force de briser la
mâchoire d ce dernier du pomeau de son épée, qu’il
avoit rompue dans le corps d’un cavalier. Avant de
sortir du combat, il vit ses quatre fils arracher à l’en-
nemi les lauriers dont ils couvriroient son tombeau.
11 mourut le surlendemain dans les sentimens cl’un
Héros Chrétien, à l’àge de 74 ( 8c non de 80 ) ans. 11
s’étoit trouvé à huit batailles , & dans quatre il avoit
eu le commandement souverain , avec plus de gloire
| que de fortune. La Reine-Mere qui ne l’aimoit pas,
clit en apprenant le détail du combat : En ce jourfai
deux grandes obligations au Cies Vune quele Conné-
table ait vengé Ie Roi de fes ennemis, V'autre que les en-
riemis du Roi Vayent defait du Connétable. Elle ne
lailsa' pas néanmoins d’honorer publiquement sa mé-
| moire. On lui fit par ses ordres des funérailles presque
| royales 3 car on porta son eftigie à son enterrement,
! 8c les Cours Souveraines astisterent à son service.
1 Après sa mort, le Roi lailsa vacante la place de Con-
nétable , que la Reine-Mere demanda en vain pour
le Duc d’Anjou. Tout jeune que je suis , dit ce Mo-
narque , je me fens ajscqfort pourporter mo,n épée. La
charge de Lieutenant-Général du Royaume fut don-
née, vers le même tems , au Duc d’Anjou , pour le
dédommager de celle qui lui avoit été refusée. Cette
année, au mois de Sept. il se tint à Paris une Assem-
blée générale du Clergé de France ; on y régla , pour
la premiere fois , qu’il s’en tiendroit une semblable
I tous les cinqans. Nicolas de Pellevé , Archevêque de
I Sens, y protesta que cette Assemblée nétoitpas ensor-
me de Synode , ou Concile provincial ou national.
Les Protestans de France n’avoient point d’allié
plus fidele ôc plus zélé que l’Eleèteur Palatin. L’an
15 48 , il fait palser , au mois de Février, un nouveau
corps de troupes au Prince de Condé sous la conduite
de Wolfgang, Duc de Deux-Ponts. Ce corps con-
siftoit en 7 mille hommes de cavalerie , appellés Rei-
tres, ôc 6 mille hommes de pied, nommés Lans-
quenets. C’étoit, dit Brantôme, parlant du Palatin,
un jeune homme très courageux & très ambitieux. Le
pillage des lieux où il pasta , fut tout le fruit de son
expédition. Les Toulousains forment, le 12 Mars ,
une astociation contre les Huguenots, sous le nom
de Croisade , & prennent pour devise ces paroles :
Eamus nos, moriamur cum Christo. Ils avoient déjà
fait quelque chose desemblable en 15 63 3 & cela fervit
de tnodele, dit M. Bostuet, à la grande ligue qui penfa
ruiner l’Etat. ( Voy. les Elect. Palat. 8c les Ducs de
Deux-Ponts. ) La paixse fait cependant avec les Hu-
guenots, le 27 Mars , à Lonjumeau : elle fut nom-
mée la paix sourrée , parce qu’elle se fit tout-à-coup
dans le tems qu’on croyoit îes affaires désespérées ,
& la petite paix, parce qu’elle ne dura que six mois.
Au mois de Septembre , le Prince de Condé, averti
par le Maréchal de Tavannes que la Reine veut le
faire arrêter, reprend les armes, 8c entre le 19 dans
la Rochelle, où Jeanne d’Albret, Reine de Navarre,
vient le joindre avec ses enfans. Le 25 du même
mois, Edit par lequel le Roi déclare qu’il ne veut
qu’une religion en France, 8c ordotine à tous les Mi-
nistres de sortir du Royaume. Ce fut le signal dure-
nouvellement de la guerre. Les Huguenots, encou-
ragés par les secours qu’ils venoient de recevoir d’An-
gleterre , joints à ceux qui leur avoient été envoyés
d’Allemagne, se croient également en état d’atta-
quer 8c cle se défendre. Bataille de Jarnac sur la
Charente, gagnée, le 1 3 Mars 1569, par le Duc I
d’Anjou, sous la conduite de Gaspard de Tavannes, I
que la Reine-Mere lui avoit donné pour guide. Le j
Prince de Condé , après y avoir combattu en Héros , jj
ayant un bras en écharpe & la jambe cassée d’un coup |
de pied de cheval, est fait prisonnier par d’Argence,
8c tué de sang froid , à l’âge de 3 9 ans, par Mon- j
tesquiou , Capitaine des Gardes du Duc d’Anjou.
Les Catholiques établirent en plusieurs lieux une
procession annuelle en adtion de graces de cet évé-
nement. Henri III la supprima par l’Edit de pacifica-
tion de 1577. La Reine de Navarre releve le cou-
rage des rébeiles, 8c leur donne pour'Chef Henri, son
fils , Prince de Béarn, âgé de 1 5 ans. L’Amiral de
Coligni prend le commandement de leur armée , ôc
a tout l’avantage au combat de la Roche-Abeille en
Limosin, donné le 25 Juin. Ce fut là que le Prince
de Béarn fit ses premieres armes. Les vainqueurs ne
firent presque aucun quartier , 8c égorgerent même
les prisonniers qu’ils avoient faits. Un mois après,
l’Amiral, contre l’avis du Prince de Béarn , fait le i
siége de Poitiers, qu’il est obligé de lever le 7 Sep- 1
tembre, avec perte de 2000 hommes. Le 3 Odo- 1
bre, il est défait par le Duc d’Anjou , toujours I
guidé par Tavannes à la bataille de Moncontour 3 j!
elle dura bien moins, & fut beaucoup plus sanglante 1
que celle de Jarnac. On compta du côté des Hugue- |
nots 10 à 12 mille hommes de tués, suivant la Let- 1
tre du Roi au Parlement de Toulouse. L’Amiral |
étoit perdu si on l’eût poursuivi; mais le Duc d’An- |
jou le laisse aller, & va faire le siége cle S. Jean- i
d’Angéli, qui lui couta beaucoup de monde. La place 1
à la fin se rendit, le 2 Décembre, au Roi, qui étoit 1
venu à ce siége, le 2 6 Oôtobre, avec îa Reine-Mere. l
L’Amiral étoit prompt à réparer ses pertes. L’an |
1570, après avoir désolé plusieurs Provinces , il en- |
tre en Bourgogne, 8c se saisit du poste d’Arnai-Ie-
Duc , dans le dessein de porter la guerre aux envi-
rons de Paris. Le Maréchal de Cossé vient, au mois
de Juin, pour le déloger, 8c ne peut y réussîr. Troi-
sieme paix faite, le 15 Août, à S. Germain-en-Laye.
La nécessité en di6ta les conditions qui furent très
avantageuses aux Huguenots. Non seulement 011 leur
accorda l’entrée dans toutes les charges , mais ils
obtinrent de plus quatre places de sûreté 3 savoir, la
Rochelle , Montauban, Cognac 8c la Charité. Cette
paix fut appellée la paix boîteufe & mal-afjse, » parce
35 qu’elle avoit été conclue , au nom du Roi, par les
33 sieurs de Biron 8c de Mesmes , dont le premier
33 étoit boîteux , 8c l’autre portoit le nom de sa Sei-
33 gneurie de Malassise. 33 ( Daniel. ) On pensoit
alors à marier le Roi. Le z6 Novembre , il épouse,
à Mezieres , Elisabeth , fille de l’Empereur Ma-
ximilien II.
(1) Le Maréchal de la Vieilleville, suivant l’Auteur de ses Mé-
moires, osa dire au Roi, en parlant de cette bataille : Ce n’est pas
votre M. qui a gagné cette bataille , ni le Prince âe Cotuié. Et qui donc ?
reprit Charles IX, le Roi d’Espagne , dit le Maréchal. C’étoit eneffet
au profit de l’Espagne que tournoient les bons et les mauvais succès
de nos guerres civiles.
Tome I. B S
famer. Le i o Novembre, le Connécable de Montmo-
renci lui livre bataille dans la plaine de S. Denis (i) j
cette ailion ne dura que 3 quarts d’heure, 8c chaque
parti, en se retirant, s’attribua la vidoire. Le Con-
nétable y reçut huit bleilTures mortelles, dont la der-
niere fut l’effet d’un coup de pistolet que Robert
Stuart, Ecolsois, ( le même qu’on soupçonna d’avoir
tué le Président Minard en 15 5 9 , ) lui tira dans les
reins. Cependant il eut encore la force de briser la
mâchoire d ce dernier du pomeau de son épée, qu’il
avoit rompue dans le corps d’un cavalier. Avant de
sortir du combat, il vit ses quatre fils arracher à l’en-
nemi les lauriers dont ils couvriroient son tombeau.
11 mourut le surlendemain dans les sentimens cl’un
Héros Chrétien, à l’àge de 74 ( 8c non de 80 ) ans. 11
s’étoit trouvé à huit batailles , & dans quatre il avoit
eu le commandement souverain , avec plus de gloire
| que de fortune. La Reine-Mere qui ne l’aimoit pas,
clit en apprenant le détail du combat : En ce jourfai
deux grandes obligations au Cies Vune quele Conné-
table ait vengé Ie Roi de fes ennemis, V'autre que les en-
riemis du Roi Vayent defait du Connétable. Elle ne
lailsa' pas néanmoins d’honorer publiquement sa mé-
| moire. On lui fit par ses ordres des funérailles presque
| royales 3 car on porta son eftigie à son enterrement,
! 8c les Cours Souveraines astisterent à son service.
1 Après sa mort, le Roi lailsa vacante la place de Con-
nétable , que la Reine-Mere demanda en vain pour
le Duc d’Anjou. Tout jeune que je suis , dit ce Mo-
narque , je me fens ajscqfort pourporter mo,n épée. La
charge de Lieutenant-Général du Royaume fut don-
née, vers le même tems , au Duc d’Anjou , pour le
dédommager de celle qui lui avoit été refusée. Cette
année, au mois de Sept. il se tint à Paris une Assem-
blée générale du Clergé de France ; on y régla , pour
la premiere fois , qu’il s’en tiendroit une semblable
I tous les cinqans. Nicolas de Pellevé , Archevêque de
I Sens, y protesta que cette Assemblée nétoitpas ensor-
me de Synode , ou Concile provincial ou national.
Les Protestans de France n’avoient point d’allié
plus fidele ôc plus zélé que l’Eleèteur Palatin. L’an
15 48 , il fait palser , au mois de Février, un nouveau
corps de troupes au Prince de Condé sous la conduite
de Wolfgang, Duc de Deux-Ponts. Ce corps con-
siftoit en 7 mille hommes de cavalerie , appellés Rei-
tres, ôc 6 mille hommes de pied, nommés Lans-
quenets. C’étoit, dit Brantôme, parlant du Palatin,
un jeune homme très courageux & très ambitieux. Le
pillage des lieux où il pasta , fut tout le fruit de son
expédition. Les Toulousains forment, le 12 Mars ,
une astociation contre les Huguenots, sous le nom
de Croisade , & prennent pour devise ces paroles :
Eamus nos, moriamur cum Christo. Ils avoient déjà
fait quelque chose desemblable en 15 63 3 & cela fervit
de tnodele, dit M. Bostuet, à la grande ligue qui penfa
ruiner l’Etat. ( Voy. les Elect. Palat. 8c les Ducs de
Deux-Ponts. ) La paixse fait cependant avec les Hu-
guenots, le 27 Mars , à Lonjumeau : elle fut nom-
mée la paix sourrée , parce qu’elle se fit tout-à-coup
dans le tems qu’on croyoit îes affaires désespérées ,
& la petite paix, parce qu’elle ne dura que six mois.
Au mois de Septembre , le Prince de Condé, averti
par le Maréchal de Tavannes que la Reine veut le
faire arrêter, reprend les armes, 8c entre le 19 dans
la Rochelle, où Jeanne d’Albret, Reine de Navarre,
vient le joindre avec ses enfans. Le 25 du même
mois, Edit par lequel le Roi déclare qu’il ne veut
qu’une religion en France, 8c ordotine à tous les Mi-
nistres de sortir du Royaume. Ce fut le signal dure-
nouvellement de la guerre. Les Huguenots, encou-
ragés par les secours qu’ils venoient de recevoir d’An-
gleterre , joints à ceux qui leur avoient été envoyés
d’Allemagne, se croient également en état d’atta-
quer 8c cle se défendre. Bataille de Jarnac sur la
Charente, gagnée, le 1 3 Mars 1569, par le Duc I
d’Anjou, sous la conduite de Gaspard de Tavannes, I
que la Reine-Mere lui avoit donné pour guide. Le j
Prince de Condé , après y avoir combattu en Héros , jj
ayant un bras en écharpe & la jambe cassée d’un coup |
de pied de cheval, est fait prisonnier par d’Argence,
8c tué de sang froid , à l’âge de 3 9 ans, par Mon- j
tesquiou , Capitaine des Gardes du Duc d’Anjou.
Les Catholiques établirent en plusieurs lieux une
procession annuelle en adtion de graces de cet évé-
nement. Henri III la supprima par l’Edit de pacifica-
tion de 1577. La Reine de Navarre releve le cou-
rage des rébeiles, 8c leur donne pour'Chef Henri, son
fils , Prince de Béarn, âgé de 1 5 ans. L’Amiral de
Coligni prend le commandement de leur armée , ôc
a tout l’avantage au combat de la Roche-Abeille en
Limosin, donné le 25 Juin. Ce fut là que le Prince
de Béarn fit ses premieres armes. Les vainqueurs ne
firent presque aucun quartier , 8c égorgerent même
les prisonniers qu’ils avoient faits. Un mois après,
l’Amiral, contre l’avis du Prince de Béarn , fait le i
siége de Poitiers, qu’il est obligé de lever le 7 Sep- 1
tembre, avec perte de 2000 hommes. Le 3 Odo- 1
bre, il est défait par le Duc d’Anjou , toujours I
guidé par Tavannes à la bataille de Moncontour 3 j!
elle dura bien moins, & fut beaucoup plus sanglante 1
que celle de Jarnac. On compta du côté des Hugue- |
nots 10 à 12 mille hommes de tués, suivant la Let- 1
tre du Roi au Parlement de Toulouse. L’Amiral |
étoit perdu si on l’eût poursuivi; mais le Duc d’An- |
jou le laisse aller, & va faire le siége cle S. Jean- i
d’Angéli, qui lui couta beaucoup de monde. La place 1
à la fin se rendit, le 2 Décembre, au Roi, qui étoit 1
venu à ce siége, le 2 6 Oôtobre, avec îa Reine-Mere. l
L’Amiral étoit prompt à réparer ses pertes. L’an |
1570, après avoir désolé plusieurs Provinces , il en- |
tre en Bourgogne, 8c se saisit du poste d’Arnai-Ie-
Duc , dans le dessein de porter la guerre aux envi-
rons de Paris. Le Maréchal de Cossé vient, au mois
de Juin, pour le déloger, 8c ne peut y réussîr. Troi-
sieme paix faite, le 15 Août, à S. Germain-en-Laye.
La nécessité en di6ta les conditions qui furent très
avantageuses aux Huguenots. Non seulement 011 leur
accorda l’entrée dans toutes les charges , mais ils
obtinrent de plus quatre places de sûreté 3 savoir, la
Rochelle , Montauban, Cognac 8c la Charité. Cette
paix fut appellée la paix boîteufe & mal-afjse, » parce
35 qu’elle avoit été conclue , au nom du Roi, par les
33 sieurs de Biron 8c de Mesmes , dont le premier
33 étoit boîteux , 8c l’autre portoit le nom de sa Sei-
33 gneurie de Malassise. 33 ( Daniel. ) On pensoit
alors à marier le Roi. Le z6 Novembre , il épouse,
à Mezieres , Elisabeth , fille de l’Empereur Ma-
ximilien II.
(1) Le Maréchal de la Vieilleville, suivant l’Auteur de ses Mé-
moires, osa dire au Roi, en parlant de cette bataille : Ce n’est pas
votre M. qui a gagné cette bataille , ni le Prince âe Cotuié. Et qui donc ?
reprit Charles IX, le Roi d’Espagne , dit le Maréchal. C’étoit eneffet
au profit de l’Espagne que tournoient les bons et les mauvais succès
de nos guerres civiles.
Tome I. B S