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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 3.1870

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Nr. 1
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Galichon, Émile: La galerie de San Donato, [1]
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Lafenestre, Georges: Bernardino Luini, [2]
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https://doi.org/10.11588/diglit.21406#0071

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64 GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

Ses types de femmes, empruntés aux races nationales, peuvent se
ramener à deux principaux, qui semblent avoir hanté jusqu'à la fin son
imagination vive et chaleureuse. L'un est la femme svelte, aux mouve-
ments rapides, de sang aristocratique, fine, délicate, blanche, dont les
blondes tresses crespelées, les yeux noirs perçants et passionnés, le sou-
rire inquiétant et profond, avaient déjà ensorcelé Léonard; l'autre, est
la forte fille du peuple qui monte d'un pied solide les pentes vertes des
lacs de Lombardie, aux épaules carrées, aux larges mâchoires, aux belles
chairs de pourpre, au sourire salubre et franc, aux épaisses torsades
noires. La maternité n'est qu'une gloire sans fatigue pour ces magnifiques
créatures. Les vierges de Luini en reproduisent presque toujours les
traits robustes, de même que ses petits Jésus ou saints Jean, toujours
vivaces, potelés et sanguins, sont les portraits des enfants tapageurs
qu'on voit rouler, tout nus, sur la route poussiéreuse, devant la porte où
sont assises tout le jour ces mères joyeuses, tirant leur quenouillée et
fredonnant une chanson.

Ce sentiment délicieux de la grâce sans affectation chez les femmes,
chez les adolescents, chez les enfants, donne au moindre croquis de
Bernardino une séduction délicate qui lui assure un rang à part dans
l'histoire de l'art. Contemporain des grands metteurs en œuvre, des
habiles à tour de bras, de Rome, de Florence et de Venise, il eut l'inap-
préciable mérite de ne point égarer son talent naturel et sympathique à
la poursuite des grands effets de théâtre et des tours de force d'exécution.
Peintre formé à la plus savante des écoles, il resta néanmoins, par la
candeur des impressions et la modestie des visées, un artiste des temps
primitifs, semblable à ces ouvriers de génie qui firent, presque à leur
insu, la gloire du xive et du xve siècle. Comme eux il ne chercha, dans
les sujets religieux qui lui furent offerts, qu'un prétexte à répandre
l'amour et la pitié dont son âme était pleine, et non pas l'occasion d'étaler
son savoir-faire: comme eux, il ne cessa de s'abandonner, sur son che-
min, aux impressions les plus simples et les plus douces que lui offrait la
nature vivante, et de les rendre, avec une naïve franchise, par tous les
moyens qu'il avait à sa disposition, sans souci de la perfection ni de l'ori-
ginalité; comme eux aussi, il nous pénètre et nous enchaîne par l'expan-
sion d'une poésie sincère et profonde qui disparaîtra chez les artistes
italiens à mesure qu'ils deviendront plus esclaves d'une tradition. Moins
savant et moins hardi, moins puissant et moins libre à coup sûr que son
maître Léonard, moins soigné peut-être dans son exécution que ses con-
disciples Cesare da Sesto, Salai, Solari, moins varié dans ses compositions
et moins riche dans sa couleur que Gandenzio Ferrari, son compagnon et
 
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