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GAZETTE DES BE AUX-A RTS.
pains à ymaiges et chiponnés 1, comme de ceulx qui serront pains à devises et de plaine
couleur, par l'ordonnance de notre amé vallet chambre et paintre Melcior Broeder-
lein... »
Ces carreaux doivent être payés à raison de un franc d'or les quatre pieds et demi
(carrés), mesure de Hesdin, moyennant quoi l'entrepreneur se charge de tous frais,
parmi lesquels sont énumérés le four, le feu, le plomb, la terre, les peintures... et
toutes les autres choses quelconques nécessaires.
Une avance de payement est faite à Jehan le Voleur, suivant l'habitude du moyen
âge, dans ces sortes de transactions. Et le reçu constate encore qu'il s'agit de « faire
quariau pains pour paver. »
En 1393, Jehan le Voleur a livré sept cent treize pieds et demi de carreaux. 11 en
livre encore l'année suivante au même château de Hesdin, et reçoit une gratification
de cinquante francs pour « supporter les grans frais et missions qu'il lui a convenu
faire et soubstenir pour trouver et avoir les estoffes et matière... »
De ces passages et de plusieurs autres qui constatent l'existence de « carreaux de
painture, » M. J. Houdoy conclut qu'il s'agit de faïences émaillées, bien que l'étain n'y
soit pas mentionné. Et il est difficile de ne pas être de son avis. Cependant, c'est à
peine si à la fin du xivc siècle l'on constate d'une façon positive la connaissance de la
faïence émaillée en Italie. Elle était connue et pratiquée en Espagne, mais alors les
couleurs à reflets métalliques sont appliquées sur les azulejos.
L'on sait, d'un autre côté, que l'on pouvait faire des ensembles avec les pavés incrus-
tés; non-seulement on en composait des ornements, mais aussi des figures entières,
entre autres des .effigies tumulaires. Mais ces assemblages, même lorsqu'ils formaient
des personnages, pouvaient-ils recevoir le nom de peintures? Puis l'on s'étonnerait de
voir Melchior Broederlein, l'auteur des peintures de l'un des retables du musée de
Dijon, commis à la surveillance d'un pareil travail, si l'on ne savait que ces artistes,
qui étaient à moitié artisans, badigeonnaient une crédence de la même main qui avait
peint un chef-d'œuvre.
S'il y a donc de grandes raisons de croire à la fabrication de pavés de faïence
émaillée dans les Flandres à la fin du xive siècle, il y en a aussi de puissantes pour se
maintenir dans un doute prudent, jusqu'à ce qu'une heureuse trouvaille faite à Hesdin
nous donne un spécimen de ces carreaux peints et jolis.
L'on avait douté de même de la réalité de la fabrication à Rouen, en 1542, des
pavés émaillés d'Écouen. Quelle présomption, en effet, qu'il y ait eu en cette ville,
alors qu'il n'en existait nulle part ailleurs, une fabrique capable de donner des pro-
duits excellents, et que cette fabrique ait si complètement disparu que, plus d'un siècle
après, une nouvelle se fondait à l'aide d'un privilège dont la date est bien connue.
De plus, aucun vestige de cette fabrication du xvie siècle n'a été trouvé dans les
nombreux spécimens de poteries de toutes les époques que les fouilles exécutées à
Rouen ont livrés au zèle patient de M. J.-M. Thaurin.
Dans le musée si intéressant créé par cet infatigable chercheur, on voit des poteries
1. Nous espérions tirer quelque lumière du mot chiponné. Mais aucun glossaire, d'aucune époque ni
d'aucun patois, ne nous a donné l'éclaircissement que nous cherchions. M. J. Houdoy le fait venir de chip-
pus, prison, filet (Du Cange) et le traduit par o entrelacs arabesques. » — A cette explication peu satisfai-
sante ne pourrait-on pas opposer que chipomw est peut-être une forme rude et allongée de giper ou gyper,
qui est faire un enduit grossier de plâtre et mortier fouetté à coups de balai? Un carreau giponné serait
alors un carreau semé de couleurs variées, d'autant plus que l'art du corroyeur a conservé le mot gipon
pour désigner la housse de laine avec laquelle on applique le suif sur les peaux.
GAZETTE DES BE AUX-A RTS.
pains à ymaiges et chiponnés 1, comme de ceulx qui serront pains à devises et de plaine
couleur, par l'ordonnance de notre amé vallet chambre et paintre Melcior Broeder-
lein... »
Ces carreaux doivent être payés à raison de un franc d'or les quatre pieds et demi
(carrés), mesure de Hesdin, moyennant quoi l'entrepreneur se charge de tous frais,
parmi lesquels sont énumérés le four, le feu, le plomb, la terre, les peintures... et
toutes les autres choses quelconques nécessaires.
Une avance de payement est faite à Jehan le Voleur, suivant l'habitude du moyen
âge, dans ces sortes de transactions. Et le reçu constate encore qu'il s'agit de « faire
quariau pains pour paver. »
En 1393, Jehan le Voleur a livré sept cent treize pieds et demi de carreaux. 11 en
livre encore l'année suivante au même château de Hesdin, et reçoit une gratification
de cinquante francs pour « supporter les grans frais et missions qu'il lui a convenu
faire et soubstenir pour trouver et avoir les estoffes et matière... »
De ces passages et de plusieurs autres qui constatent l'existence de « carreaux de
painture, » M. J. Houdoy conclut qu'il s'agit de faïences émaillées, bien que l'étain n'y
soit pas mentionné. Et il est difficile de ne pas être de son avis. Cependant, c'est à
peine si à la fin du xivc siècle l'on constate d'une façon positive la connaissance de la
faïence émaillée en Italie. Elle était connue et pratiquée en Espagne, mais alors les
couleurs à reflets métalliques sont appliquées sur les azulejos.
L'on sait, d'un autre côté, que l'on pouvait faire des ensembles avec les pavés incrus-
tés; non-seulement on en composait des ornements, mais aussi des figures entières,
entre autres des .effigies tumulaires. Mais ces assemblages, même lorsqu'ils formaient
des personnages, pouvaient-ils recevoir le nom de peintures? Puis l'on s'étonnerait de
voir Melchior Broederlein, l'auteur des peintures de l'un des retables du musée de
Dijon, commis à la surveillance d'un pareil travail, si l'on ne savait que ces artistes,
qui étaient à moitié artisans, badigeonnaient une crédence de la même main qui avait
peint un chef-d'œuvre.
S'il y a donc de grandes raisons de croire à la fabrication de pavés de faïence
émaillée dans les Flandres à la fin du xive siècle, il y en a aussi de puissantes pour se
maintenir dans un doute prudent, jusqu'à ce qu'une heureuse trouvaille faite à Hesdin
nous donne un spécimen de ces carreaux peints et jolis.
L'on avait douté de même de la réalité de la fabrication à Rouen, en 1542, des
pavés émaillés d'Écouen. Quelle présomption, en effet, qu'il y ait eu en cette ville,
alors qu'il n'en existait nulle part ailleurs, une fabrique capable de donner des pro-
duits excellents, et que cette fabrique ait si complètement disparu que, plus d'un siècle
après, une nouvelle se fondait à l'aide d'un privilège dont la date est bien connue.
De plus, aucun vestige de cette fabrication du xvie siècle n'a été trouvé dans les
nombreux spécimens de poteries de toutes les époques que les fouilles exécutées à
Rouen ont livrés au zèle patient de M. J.-M. Thaurin.
Dans le musée si intéressant créé par cet infatigable chercheur, on voit des poteries
1. Nous espérions tirer quelque lumière du mot chiponné. Mais aucun glossaire, d'aucune époque ni
d'aucun patois, ne nous a donné l'éclaircissement que nous cherchions. M. J. Houdoy le fait venir de chip-
pus, prison, filet (Du Cange) et le traduit par o entrelacs arabesques. » — A cette explication peu satisfai-
sante ne pourrait-on pas opposer que chipomw est peut-être une forme rude et allongée de giper ou gyper,
qui est faire un enduit grossier de plâtre et mortier fouetté à coups de balai? Un carreau giponné serait
alors un carreau semé de couleurs variées, d'autant plus que l'art du corroyeur a conservé le mot gipon
pour désigner la housse de laine avec laquelle on applique le suif sur les peaux.