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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 3.1870

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Nr. 5
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Les propos de maitre Salebrin
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https://doi.org/10.11588/diglit.21406#0453

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

ne sont pas les plus parfaits du monde. Ces gens de l'ancien régime
sont tous les mêmes. Brave homme au demeurant et sachant son métier,
mais vif comme la poudre, malgré ses 360 à 375 ans; on ne lui donne-
rait jamais son âge.

Le singulier petit vieillard! J'entends encore son pas rapide et sonore,
car il a tout voulu voir. Il allait, il venait, et tout à coup poussait un
cri en sautant en arrière : c'est qu'il apercevait un objet moderne. Une
minute après, quelle joie ! quel large sourire! Il volait, les mains tendues,
comme pour souhaiter le bonjour à un vieil ami.

« — Oui-da! disait-il, voici une ancienne connaissance; c'est bien
cela. » Et redressant sa petite taille : « Yoilà comme nous comprenions
le meuble de notre temps. Regardez cette table : la grande tournure de
ces quatre chimères en manière d'éventail, et le bel enroulement de la
traverse, et ces deux rallonges si habilement imaginées et si proprement
ajustées. Jour de Dieu! la belle menuiserie, et taillée à point, ni trop,
ni trop peu. Et cette console soutenue par deux harpies fièrement cam-
pées sur des lions : c'est élégant, riche, hardi et de bon goût comme un
grand seigneur. On reconnaît du premier coup la main de Philippotle Lyon-
nais un habile homme, mais qui finit par se laisser endoctriner par ces
maudits Italiens. Que voulez-vous? Lyon est sur la route de Florence à
Paris, les jolies filles y foisonnent; on italianisait le pays en passant. Et
puis le feu roi avait la manie de tout prendre à l'Italie, ses peintres, soit;
mais, pour bâtir des maisons et tailler des meubles ou des images, nos
gens en savaient plus long que les ultramontains.

« Tenez! voici de l'œuvre française jusqu'au bout des ongles : une
crédence petite, commode, à la main, et plaisante à voir! Pourtant rien
n'est plus simple; mais tout se tient, tout est bien assis, les lignes sont
heureuses, la proportion à point, chaque ornement bien à son lieu. C'est
un je ne sais quoi qui ne se peut dire, mais qui charme et saisit l'œil
tout ensemble. Remarquez, je vous prie, comme tout accuse un ouvrage
en chêne : la charpente nerveuse, les profils sobres, la sculpture large
et grasse, l'aspect robuste. Tandis que ces cabinets en noyer, par
exemple, sont traités plus finement, avec plus de souplesse, et comme
pour un usage plus délicat. Voilà bien l'art du bois, un art franc, sans
supercherie, qui saute aux yeux du premier coup, et dit tout ce qu'il est.
0 modernes Parisiens, adorateurs des faux dieux, pourquoi n'en faites-
vous plus autant ?

« Je ne suis, j'en conviens, qu'un vieux maître-huchier, fort amoureux
des méthodes et des coutumes du temps passé, choses très-ridicules
aux yeux de la jeunesse d'à présent. Mais laissons les écoliers se gausser
 
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