UN PORTRAIT DE REMBRANDT.
dorures et des brillantes fantaisies. Parmi ces tableaux, pour le choix des-
quels l'érudition de Bûrger est venue en aide au tact de son ami, notre Rem-
brandt occupe la place d'honneur. Quand on a l'œil encore tout plein des
capricieuses décorations du boudoir de la Duthé, qu'on vient d'examiner
à la loupe les peintures microscopiques de Blarembergh et d'admirer les
émaux de Petitot, et qu'on aperçoit tout d'un coup le portrait de Rem-
brandt, on se croit en face d'une apparition. Ce n'est plus de l'art, ce
n'est plus de la peinture, c'est la nature elle-même, vivante, frémissante,
c'est le grand maître, Rembrandt en personne, occupé à peindre son
dernier chef-d'œuvre.
Mais quand il s'agit de Rembrandt, il faut laisser la plume à Bûrger,
surtout quand on a la chance de trouver des notes de sa main, expression
de sa pensée la plus intime et la plus personnelle. Voici ce qu'il écrivait
à M. Double à propos de ce tableau : « Cher ami, je suis bien content
pour vous de votre acquisition. C'est la plus belle conquête que nous
ayons faite et que nous ferons jamais. Ce tableau de bonheur, — de
malheur, — a excité chez moi les plus mauvais sentiments, que je vous
avouerai maintenant que la chose est finie; j'ai été tourmenté le jour et
la nuit depuis que je vous ai conduit au trésor, me reprochant de ne l'a-
voir pas emporté tout de suite pour moi. Car vous allez voir le succès
artistique de ce — monstre. C'est un des Rembrandt curieux qui existent,
et qui à San Donato se serait vendu 60,000 fr. ou plus. Vous verrez ce
que j'en dirai dans l'article que je vais faire à la Gazelle de Paris, à la
Gazette de Vienne, etc..... Vendredi, j'attends assez d'amateurs ou
d'artistes.....Si vous passez chez moi, montez et vous entendrez parler,
— comme un simple spectateur, si vous voulez, — de cette merveille,
un des tableaux que j'ai le j)lus désirés dans ma vie, et que nous baptise-
rons : — mon grand-père! »
L'enthousiasme de Burger s'explique facilement. Jamais une pein-
ture n'a étalé avec autant de passion les qualités qu'il aimait et dont il
s'est fait le théoricien dans ses livres. Mais de Bûrger, on est en droit de
demander plus que de l'enthousiasme, il faut des faits, des preuves, des
dates, des documents. Voici ce qu'il dit dans une autre lettre également
adressée à M. Double : « Mon cher ami, une confidence : le tableau est
catalogué dans Smith... En examinant le tableau l'autre jour, j'avais
remarqué derrière, écrit au crayon blanc': Sèle Belvédère. — Qu'est-ce
que ça demandai-je ? — Ça, un Sèle... je ne sais... mais je me suis
rappelé que Smith cite des tableaux dans la collection de lord Scie, à sa
résidence du Belvédère... J'ai donc cherché dans le précieux livre que
vous m'avez donné, et j'ai trouvé tout de suite : « p. 220. Rembrandt,
m. — 2e PÉRIODE. 59
dorures et des brillantes fantaisies. Parmi ces tableaux, pour le choix des-
quels l'érudition de Bûrger est venue en aide au tact de son ami, notre Rem-
brandt occupe la place d'honneur. Quand on a l'œil encore tout plein des
capricieuses décorations du boudoir de la Duthé, qu'on vient d'examiner
à la loupe les peintures microscopiques de Blarembergh et d'admirer les
émaux de Petitot, et qu'on aperçoit tout d'un coup le portrait de Rem-
brandt, on se croit en face d'une apparition. Ce n'est plus de l'art, ce
n'est plus de la peinture, c'est la nature elle-même, vivante, frémissante,
c'est le grand maître, Rembrandt en personne, occupé à peindre son
dernier chef-d'œuvre.
Mais quand il s'agit de Rembrandt, il faut laisser la plume à Bûrger,
surtout quand on a la chance de trouver des notes de sa main, expression
de sa pensée la plus intime et la plus personnelle. Voici ce qu'il écrivait
à M. Double à propos de ce tableau : « Cher ami, je suis bien content
pour vous de votre acquisition. C'est la plus belle conquête que nous
ayons faite et que nous ferons jamais. Ce tableau de bonheur, — de
malheur, — a excité chez moi les plus mauvais sentiments, que je vous
avouerai maintenant que la chose est finie; j'ai été tourmenté le jour et
la nuit depuis que je vous ai conduit au trésor, me reprochant de ne l'a-
voir pas emporté tout de suite pour moi. Car vous allez voir le succès
artistique de ce — monstre. C'est un des Rembrandt curieux qui existent,
et qui à San Donato se serait vendu 60,000 fr. ou plus. Vous verrez ce
que j'en dirai dans l'article que je vais faire à la Gazelle de Paris, à la
Gazette de Vienne, etc..... Vendredi, j'attends assez d'amateurs ou
d'artistes.....Si vous passez chez moi, montez et vous entendrez parler,
— comme un simple spectateur, si vous voulez, — de cette merveille,
un des tableaux que j'ai le j)lus désirés dans ma vie, et que nous baptise-
rons : — mon grand-père! »
L'enthousiasme de Burger s'explique facilement. Jamais une pein-
ture n'a étalé avec autant de passion les qualités qu'il aimait et dont il
s'est fait le théoricien dans ses livres. Mais de Bûrger, on est en droit de
demander plus que de l'enthousiasme, il faut des faits, des preuves, des
dates, des documents. Voici ce qu'il dit dans une autre lettre également
adressée à M. Double : « Mon cher ami, une confidence : le tableau est
catalogué dans Smith... En examinant le tableau l'autre jour, j'avais
remarqué derrière, écrit au crayon blanc': Sèle Belvédère. — Qu'est-ce
que ça demandai-je ? — Ça, un Sèle... je ne sais... mais je me suis
rappelé que Smith cite des tableaux dans la collection de lord Scie, à sa
résidence du Belvédère... J'ai donc cherché dans le précieux livre que
vous m'avez donné, et j'ai trouvé tout de suite : « p. 220. Rembrandt,
m. — 2e PÉRIODE. 59