Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 3.1870

DOI Heft:
Nr. 6
DOI Artikel:
Ménard, René: Salon de 1870, [1]
DOI Seite / Zitierlink: 
https://doi.org/10.11588/diglit.21406#0506

DWork-Logo
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

tient près de six mille numéros. Car s'il est facile de passer toute une
journée à l'Exposition, l'attention ne saurait se soutenir d'une façon con-
tinue, et quand on a examiné pendant deux heures des tableaux ou des
statues, l'esprit a déjà perdu de sa fraîcheur et commence à se fatiguer.
Or, en accordant une minute seulement à chacun des ouvrages mar-
qués au catalogue, il faudrait six mille minutes, c'est-à-dire cent heures,
qui, à raison de deux heures d'examen par jour, donneraient cinquante
visites au Salon.

Un groupe assez nombreux d'artistes demande aujourd'hui que le jury
soit plus sévère, afin que les ouvrages sérieux ne soient pas perdus
parmi les œuvres insignifiantes. « Au milieu de cet encombrement,
disent-ils, il est impossible que l'attention publique se porte de prime
abord sur les ouvrages qui en sont dignes, et il est probable que des
toiles médiocres ou détestables seront regardées par le visiteur, tandis
que des ouvrages de mérite lui échapperont complètement. L'excessive
indulgence du jury produit un ensablement qui, si l'on n'y porte re-
mède, finira par étouffer complètement les jeunes talents, par décourager
absolument les efforts sincères, par paralyser toutes les aspirations
élevées. Chaque fois que le jury laisse passer une œuvre mauvaise, il
vole aux bons tableaux la part d'attention publique à laquelle ils avaient
droit, il arrache le blé pour laisser pousser l'ivraie. L'intérêt des artistes
est certainement lésé par tous ces ouvrages de pacotille, qui réclament
une place au nom de l'égalité. Il est heureux pour les musiciens qu'ils
ne soient pas régis par le sentiment démocratique dont sont animés les
peintres, car il n'y aurait pas de raison pour que tout homme ayant la
prétention de savoir fredonner un air n'allât, au nom de l'égalité, prendre
place dans les chœurs de l'Opéra. Laissons la démocratie clans la rue,
où elle est à sa place. Nous sommes tous citoyens au même titre, mais,
en fait d'art, l'injustice ne consiste pas à faire des différences entre un
ouvrage et un autre, elle consiste à n'en point faire. La valeur des pro-
duits de l'intelligence ne se mesure pas au niveau égalitaire, elle s'éche-
lonne hiérarchiquement, et la tyrannie du privilège ne consiste pas à
donner au talent la meilleure place, mais à permettre à la médiocrité de
la lui disputer. »

Les artistes qui tiennent ce langage oublient que, pendant quarante
ans, ils ont demandé appui à la presse pour protester contre ce qu'ils
appelaient des exclusions systématiques ; ils oublient qu'un jury, qu'il
soit inamovible comme l'Institut, ou renouvelé chaque année comme le
jury d'élection, ne saurait être infaillible dans ses jugements, et que si
l'on revenait au système de sévérité qu'ils réclament, ils perdraient tout
 
Annotationen