GAZETTE DES BEAUX-AKTS.
les Français ne le cèdent en rien ; peut-être même est-ce comme portrai-
tistes que leur supériorité est le plus incontestable. Si l’on a de tous
temps fait de beaux portraits, la raison en est bien simple : c’est qu’en
dépit de toutes les modes dont il subissait l’influence, le peintre de por-
traits a toujours subi la nécessité salutaire de regarder en face la nature
et d’être vrai. Si l’on en voulait une preuve, il suffirait de jeter les
yeux sur ces «portraits du siècle» qui, hier encore, étaient réunis à l’Ecole
des Beaux-Arts. Certes, nous sommes bien loin aujourd’hui des Romains
et des Grecs de David, des pâles rêveries romantiques et sentimentales
de Guérin, de la solennité historique d’Ingres, de la violence de Dela-
croix, de toutes les conventions d’un genre ou d’un autre qui ont suivi,
et cependant cette collection de portraits, signée de tant de noms divers,
nous intéresse et nous charme ; nous y retrouvons partout la vérité hu-
maine.
Le Salon de 1883 ne le cède à aucun de ceux qui ont précédé, ni
probablement de ceux qui suivront, pour la qualité de ses portraits. On
y voit bien çà et là nombre d’œuvres où l’auteur s’est appliqué à faire
preuve de virtuose de la couleur plutôt que d’observateur de l’humanité.
Je crains fort que telle n’ait été la principale préoccupation de M. Carolus
Duran dans son portrait de femme en rouge, où j’avouerai que ce que je
préfère est le petit bouquet de roses pâles que le modèle tient à la main.
Je crains bien que tel n’ait été également le souci de M. Albert Aublet
dans son portrait d’enfant assise sur un haut fauteuil. Tel autre encore
s’est appliqué surtout à faire le portrait d’une robe de bal ou d’un costume
de ville, ou encore d’un uniforme aux bottes merveilleusement lustrées ;
mais, en somme, il n’y a point là lieu de s’émouvoir, et c’est bien le
modèle lui-même qui tient presque partout aujourd’hui la place d’hon-
neur comme il convient.
Commençons par M. Bonnat. J’abandonne son portrait do femme, qui
en rappelle d’autres antérieurs et appelle, à juste titre, plus d’uoe cri-
tique. Mais quel superbe portrait que son portrait d’homme, représentant
M. Morton, le ministre des Etats-Unis à Paris. Comme la figure entière
est bien posée, comme la tête, bien éclairée, est individuelle et vivante
autant que bien modelée ; comme l’œil humide et un peu vague est bien
l’œil d’un vieillard!
A côté du portrait de M. Bonnat, je tiens à mentionner aussitôt les
deux portraits de M. Paul Dubois ; l’un, une jeune fille, placée sur un
fond un peu triste, un peu noir, mais merveilleusement modelée, et, on
peut assurer, ressemblante, sous la peau de laquelle court un sang jeune
et frais; l’autre, que, pour mon goût, je préfère encore, le petit portrait
les Français ne le cèdent en rien ; peut-être même est-ce comme portrai-
tistes que leur supériorité est le plus incontestable. Si l’on a de tous
temps fait de beaux portraits, la raison en est bien simple : c’est qu’en
dépit de toutes les modes dont il subissait l’influence, le peintre de por-
traits a toujours subi la nécessité salutaire de regarder en face la nature
et d’être vrai. Si l’on en voulait une preuve, il suffirait de jeter les
yeux sur ces «portraits du siècle» qui, hier encore, étaient réunis à l’Ecole
des Beaux-Arts. Certes, nous sommes bien loin aujourd’hui des Romains
et des Grecs de David, des pâles rêveries romantiques et sentimentales
de Guérin, de la solennité historique d’Ingres, de la violence de Dela-
croix, de toutes les conventions d’un genre ou d’un autre qui ont suivi,
et cependant cette collection de portraits, signée de tant de noms divers,
nous intéresse et nous charme ; nous y retrouvons partout la vérité hu-
maine.
Le Salon de 1883 ne le cède à aucun de ceux qui ont précédé, ni
probablement de ceux qui suivront, pour la qualité de ses portraits. On
y voit bien çà et là nombre d’œuvres où l’auteur s’est appliqué à faire
preuve de virtuose de la couleur plutôt que d’observateur de l’humanité.
Je crains fort que telle n’ait été la principale préoccupation de M. Carolus
Duran dans son portrait de femme en rouge, où j’avouerai que ce que je
préfère est le petit bouquet de roses pâles que le modèle tient à la main.
Je crains bien que tel n’ait été également le souci de M. Albert Aublet
dans son portrait d’enfant assise sur un haut fauteuil. Tel autre encore
s’est appliqué surtout à faire le portrait d’une robe de bal ou d’un costume
de ville, ou encore d’un uniforme aux bottes merveilleusement lustrées ;
mais, en somme, il n’y a point là lieu de s’émouvoir, et c’est bien le
modèle lui-même qui tient presque partout aujourd’hui la place d’hon-
neur comme il convient.
Commençons par M. Bonnat. J’abandonne son portrait do femme, qui
en rappelle d’autres antérieurs et appelle, à juste titre, plus d’uoe cri-
tique. Mais quel superbe portrait que son portrait d’homme, représentant
M. Morton, le ministre des Etats-Unis à Paris. Comme la figure entière
est bien posée, comme la tête, bien éclairée, est individuelle et vivante
autant que bien modelée ; comme l’œil humide et un peu vague est bien
l’œil d’un vieillard!
A côté du portrait de M. Bonnat, je tiens à mentionner aussitôt les
deux portraits de M. Paul Dubois ; l’un, une jeune fille, placée sur un
fond un peu triste, un peu noir, mais merveilleusement modelée, et, on
peut assurer, ressemblante, sous la peau de laquelle court un sang jeune
et frais; l’autre, que, pour mon goût, je préfère encore, le petit portrait