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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 28.1883

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Nr. 1
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Bigot, Charles: Le Salon de 1883, 2
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https://doi.org/10.11588/diglit.24260#0021

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16

GAZETTE DES BEAUX-AKTS.

labeur est écrite sur ce visage : mais les muscles de ce travailleur sont
robustes, et il est le fils d’une race forte; en dépit de sa fatigue, il ira
vaillamment jusqu’au bout de la journée, et je voudrais que le peintre
nous l’eût mieux fait sentir.

A ce tableau de M. Lhermitte je préfère encore, pour ma part, le second
tableau du même auteur, la Fileuse. Il se compose d’une seule figure.
Une femme est assise sur un escabeau devant son rouet, le manche de sa
quenouille passé dans la ceinture de sa robe. Mais comme cette figure est
saine et robuste! Ne lui demandez ni la régularité des traits ni l’élégance
de la Parisienne; elle est une vraie paysanne, bien portante de corps,
simple d’intelligence et que ne hantent point les malsaines rêveries ; elle
accepte sans se plaindre sa destinée ; ses jours réguliers s’écoulent après
les jours, sans autres pensées que son travail, le ménage à soigner, les
enfants à élever ; tout sur elle comme autour d’elle est simple, mais propre
et bien soigné. C'est une femme comme il en faut souhaiter beaucoup à
la France pour la santé physique et morale de la race.

Bien différent est le Bureau de bienfaisance de M. Gervex. Nous
voici à Paris, en hiver; la neige tombe, et nous la voyons par les fenêtres
qui s’attache aux branches des arbres et sur les toits voisins. Ici toutes
les misères — misère noire ou misère décente — se sont donné rendez-
vous. L’employé correct et indifférent se tient au grillage, et derrière le
grillage nous voyons la tête plus indifférente encore du fonctionnaire
chargé de vérifier les bons de bienfaisance et de les acquitter. Parmi les
pauvres clients, les uns viennent d’être payés et s’en vont ; les autres,
debout près du guichet, vont présenter leurs bulletins, d’autres, assis
sur un banc, attendent leur tour avec résignation. Sur tous les visages,
dans toutes les attitudes, sont peintes, avec cette sorte d’abandon qui est
peut-être le plus triste effet de la souffrance, ces douleurs de l’humanité,
la tristesse, l’humiliation, les ravages du froid et de la faim.

Voici un autre tableau, triste aussi : les Deuillants de M. Tattegrain.
Un marin est mort à la mer; la veuve qui tient la croix de l’église à la
main, escortée de ses deux enfants, s’avance dans l’eau vers le cadavre
que portent deux matelots. La funèbre cérémonie commence qui ne s’ar-
rêtera plus qu’au cimetière; la mer est grosse, le ciel gris; tout est bien
d’accord pour nous faire partager l’infortune de ces pauvres gens. Que l’on
nous dise où l’on trouvera mieux, dans l'histoire ou dans la légende, les
larmes humaines que dans ces tristesses et ces deuils de la vie de tous les
jours!

Et maintenant, à côté des tristesses de la vie, ses joies. Est-il donc
besoin d’aller chercher la vierge Marie pour trouver l’image d’une mère
 
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