DOI Heft:
Nr. 1
DOI Artikel:Duret, Théodore: Les expositions de Londres: Dante Gabriel Rossetti
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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
en effet, entré dans la galerie de MM. Dowdeswell et Dowdeswell, dans
Bond Street, nous nous trouvons devant un choix d’œuvres de Manet,
Degas, Claude Monet, Renoir, Pissarro, Sisley, Berthe Morizot, Mlle Cas-
satt, Boudin, Lewis Brown ; tous confondus sous cette épithète commune
d’impressionnistes, qu’en France nous n’appliquerions certainement qu’à
un certain nombre d’entre eux. Mais, à l’étranger, il ne faut pas y regar-
der de si près, et on ne saurait exiger de distinctions subtiles. Je ne
saurais dire quelle vision voluptueuse cette exposition a été pour moi,
se présentant ainsi au loin et tranchant sur tout ce qui l’entourait.
Pour ne parler que de ceux auxquels, en France, nous attachons plus
spécialement l’épithète d’impressionnistes, ces paysages si colorés et si
éclatants de Claude Monet, ces figures de femmes si délicates de Renoir,
ces paysans de Pissarro placés au milieu de motifs si rustiques, ces bords
de rivière si humides de Sisley, ces êtres esquissés d’une touche si légère
par Berthe Morizot, me donnaient une sensation extraordinaire de fraî-
cheur, de lumière, de vie et de jeunesse.
En contemplant cet ensemble de nos impressionnistes, je me suis
rappelé que c’était précisément une exposition du même ordre de pein-
tres anglais, à Paris, qui avait déterminé le mouvement d’une partie de
notre art moderne. C’est à une exposition des peintres anglais, des Con-
stable, des Bonington, qui eut lieu sous la Restauration, qu’est due
cette impulsion qui poussa les Paul Huet et les Théodore Rousseau à
innover dans le paysage. C’est la connaissance de la peinture faite en
Angleterre sur nature, c’est la vue de paysages reproduisant de vrais
ciels et des arbres réels, qui amena nos paysagistes à délaisser définitive-
ment le genre vieilli du paysage de la camisole de force, dit historique,
pour entrer dans cette voie d’indépendance et d’étude de la nature qui,
en passant par Rousseau, Corot et Courbet, a conduit à Claude Monet et
aux artistes qui exposent avec lui à Londres. Cette exposition de nos im-
pressionnistes n’est ainsi qu’une sorte de rendu de l'art français, pour ce
qu’antérieurement il a reçu de l’art anglais. Et puisse notre école du
plein air et des tonalités claires avoir sur certains côtés de l’art anglais
la même heureuse influence qu’eurent autrefois, sur l’art français, ces
peintres anglais qui portaient avec eux la liberté et l’invention I
* ^T
Londres, mai 1883.
THÉODORE DURET.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
en effet, entré dans la galerie de MM. Dowdeswell et Dowdeswell, dans
Bond Street, nous nous trouvons devant un choix d’œuvres de Manet,
Degas, Claude Monet, Renoir, Pissarro, Sisley, Berthe Morizot, Mlle Cas-
satt, Boudin, Lewis Brown ; tous confondus sous cette épithète commune
d’impressionnistes, qu’en France nous n’appliquerions certainement qu’à
un certain nombre d’entre eux. Mais, à l’étranger, il ne faut pas y regar-
der de si près, et on ne saurait exiger de distinctions subtiles. Je ne
saurais dire quelle vision voluptueuse cette exposition a été pour moi,
se présentant ainsi au loin et tranchant sur tout ce qui l’entourait.
Pour ne parler que de ceux auxquels, en France, nous attachons plus
spécialement l’épithète d’impressionnistes, ces paysages si colorés et si
éclatants de Claude Monet, ces figures de femmes si délicates de Renoir,
ces paysans de Pissarro placés au milieu de motifs si rustiques, ces bords
de rivière si humides de Sisley, ces êtres esquissés d’une touche si légère
par Berthe Morizot, me donnaient une sensation extraordinaire de fraî-
cheur, de lumière, de vie et de jeunesse.
En contemplant cet ensemble de nos impressionnistes, je me suis
rappelé que c’était précisément une exposition du même ordre de pein-
tres anglais, à Paris, qui avait déterminé le mouvement d’une partie de
notre art moderne. C’est à une exposition des peintres anglais, des Con-
stable, des Bonington, qui eut lieu sous la Restauration, qu’est due
cette impulsion qui poussa les Paul Huet et les Théodore Rousseau à
innover dans le paysage. C’est la connaissance de la peinture faite en
Angleterre sur nature, c’est la vue de paysages reproduisant de vrais
ciels et des arbres réels, qui amena nos paysagistes à délaisser définitive-
ment le genre vieilli du paysage de la camisole de force, dit historique,
pour entrer dans cette voie d’indépendance et d’étude de la nature qui,
en passant par Rousseau, Corot et Courbet, a conduit à Claude Monet et
aux artistes qui exposent avec lui à Londres. Cette exposition de nos im-
pressionnistes n’est ainsi qu’une sorte de rendu de l'art français, pour ce
qu’antérieurement il a reçu de l’art anglais. Et puisse notre école du
plein air et des tonalités claires avoir sur certains côtés de l’art anglais
la même heureuse influence qu’eurent autrefois, sur l’art français, ces
peintres anglais qui portaient avec eux la liberté et l’invention I
* ^T
Londres, mai 1883.
THÉODORE DURET.