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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 28.1883

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Nr. 1
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Jouin, Henry: Le Salon de 1883, [3], La sculpture
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https://doi.org/10.11588/diglit.24260#0077

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LA SCULPTURE AU SALON.

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sans lacunes est bien près de pouvoir faire une statue. Mais toute statue
d’un personnage ayant existé ne relève pas fatalement de la sculpture
historique proprément dite. Les personnages semi-héroïques, que des
siècles nombreux séparent de notre âge, manquent nécessairement d’in-
dividualité iconique. L’artiste ne peut les représenter : il les interprète.
Les traits de leur visage, les formes de leur corps, leur attitude, toutes
ces choses qui aident si puissamment le statuaire lorsqu’il doit reproduire
un homme ill ustre appartenant aux temps modernes, doivent être cherchés,
pour les personnages anciens, dans les textes où il est parlé de leurs ac-
tions. Le critique est donc tenu de distinguer entre ces catégories de
personnages, et l’analyse d’une figure à’Ere ne doit pas être faite d’après
la même méthode que celle dont on peut user dans l’examen d’une statue
de Mirabeau.

Les Premières Funérailles, par M. Barrias, ont été le plus grand
succès du Salon de 1878. Le marbre n’augmentera pas la réputation de
l’artiste qui a conçu ce groupe. La tête d’Adam, avec ses cheveux incultes,
est plus étrange que belle. Elle n’a pas non plus la vigueur attestée par
le corps d’Adam. Eve, qui marche à côté de lui, dans un état de com-
plète nudité, n’est pas cette mère du genre humain dont nous parle la
Genèse; ce n’est pas même la mère de cet adolescent qu’on emporte à la
tombe : tout au plus, l’artiste l’a-t-il faite la sœur jumelle du jeune
mort. Nous regrettons que dans sa douleur il n’y ait pas plus de passion.
Ce sont les cheveux de son enfant qu’elle effleure de ses lèvres : une
vraie mère eût collé sa bouche sur le front pâli et déjà froid d’Abel.
Le bras droit du mort n’est pas posé d’une façon naturelle : la main
glisserait bien vite si les muscles du bras étaient inertes, comme on est
en droit de le supposer. Mais ce sont là des taches secondaires dont il
serait injuste d’exagérer l’importance. Le groupe des Premières Funé-
railles est une page originale, offrant de très belles parties. Le corps
d’Abel est délicatement modelé, bien ramassé sur lui-même entre les
bras d’Adam. Eve a la morbidesse et la grâce d’une pleureuse antique.
Si le caractère biblique de la scène est moins sensible dans le marbre
de M. Barrias qu’il ne l’était peut-être dans le plâtre, un drame
douloureux n’en demeure pas moins écrit avec art, avec élévation, dans
cette œuvre de bon style, la plus distinguée qui soit sortie des mains de
M. Barrias.

F Eve de M. Hiolle gagnerait à ce que ses formes fussent plus passées,
c’est-à-dire plus sveltes; la tête n'est pas sans lourdeur. Nous voici
devant le groupe de M. Fagel, Martyre de saint Denis. L’opposition
sagement rythmée que l’artiste a su mettre entre ses deux personnages,
 
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