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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
fils d’un gouverneur de la Banque de France, il aurait pu se faire, par
ses relations, une grande position dans le monde de l’argent; mais il
n’avait pas hérité des aptitudes spéciales qui ont assuré à sa famille une
légitime et honorable réputation dans la haute finance et dans l’industrie.
Après un effort loyalement tenté, après s’être convaincu qu’il n’aurait
jamais la vocation de financier ou d’industriel, Charles Davillier résolut de
consacrer sa vie aux études vers lesquelles il se sentait porté. Très heu-
reusement doué par la nature, ayant reçu de naissance l’instinct spécial
du collectionneur, il ne voulut pas se borner, comme tant d’autres, à ne
demander aux arts que des jouissances intelligentes et des distractions
raffinées. Esprit observateur et d’une rare sagacité, il ne se livra pas à
l’art et à la curiosité en simple dilettante. Dès le début, il s’appliqua à
mettre à la disposition de ses goûts d’amateur la science consommée d’un
érudit et les hautes vues d’un historien.
Pendant près de trente ans, Charles Davillier parcourut presque toutes
les contrées de l’Europe, principalement l’Espagne et lTtalie, visitant les
musées et les églises, butinant dans les archives et les bibliothèques,
recueillant pièce à pièce, dans des conditions exceptionnellement avanta-
geuses, la plupart des objets de sa collection. Après chaque voyage, le
nomade amateur rentrait au logis riche des dépouilles glanées ou con-
quises le long du chemin, plus riche encore en fécondes observations.
C’est ainsi qu’il assit sur des bases solides, par la méthode la plus
rigoureusement scientifique, la remarquable doctrine qui avait fait de
lui un arbitre et un maître indiscutés en matière de curiosité.
Davillier attendit longtemps avant d’écrire. Modeste et prudent, il ne
prit la plume que lorsqu’il se sentit sûr de lui. Dédaigneux des travaux
de simple vulgarisation, il estimait que ce n’est pas en savoir assez que de
ne pas pouvoir ajouter à la science des autres, et il aimait les sujets où
tout fût à découvrir. Les problèmes difficiles l’attiraient. Il étudia ainsi,
une aune, quelques-unes des branches les moins connues de la curiosité,
et il coordonna dans de substantielles monographies le résultat des en-
quêtes qu’il ouvrait au cours de ses voyages ou la somme de renseigne-
ments qui découlait de ses lectures et de ses vastes dépouillements
d’archives. Il débuta par une Histoire des faïences hispano-moresques
à reflets métalliques. Paris, 1861, in-8». Ces faïences avaient été jusque-
là confondues avec les produits de la céramique italienne. Le mémoire,
justement remarqué, et dont la Gazette des Beaux-Arts1 a signalé la
première les ingénieuses conclusions, a établi d’une façon péremptoire 1
1. T. XIII, p. 268-281.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
fils d’un gouverneur de la Banque de France, il aurait pu se faire, par
ses relations, une grande position dans le monde de l’argent; mais il
n’avait pas hérité des aptitudes spéciales qui ont assuré à sa famille une
légitime et honorable réputation dans la haute finance et dans l’industrie.
Après un effort loyalement tenté, après s’être convaincu qu’il n’aurait
jamais la vocation de financier ou d’industriel, Charles Davillier résolut de
consacrer sa vie aux études vers lesquelles il se sentait porté. Très heu-
reusement doué par la nature, ayant reçu de naissance l’instinct spécial
du collectionneur, il ne voulut pas se borner, comme tant d’autres, à ne
demander aux arts que des jouissances intelligentes et des distractions
raffinées. Esprit observateur et d’une rare sagacité, il ne se livra pas à
l’art et à la curiosité en simple dilettante. Dès le début, il s’appliqua à
mettre à la disposition de ses goûts d’amateur la science consommée d’un
érudit et les hautes vues d’un historien.
Pendant près de trente ans, Charles Davillier parcourut presque toutes
les contrées de l’Europe, principalement l’Espagne et lTtalie, visitant les
musées et les églises, butinant dans les archives et les bibliothèques,
recueillant pièce à pièce, dans des conditions exceptionnellement avanta-
geuses, la plupart des objets de sa collection. Après chaque voyage, le
nomade amateur rentrait au logis riche des dépouilles glanées ou con-
quises le long du chemin, plus riche encore en fécondes observations.
C’est ainsi qu’il assit sur des bases solides, par la méthode la plus
rigoureusement scientifique, la remarquable doctrine qui avait fait de
lui un arbitre et un maître indiscutés en matière de curiosité.
Davillier attendit longtemps avant d’écrire. Modeste et prudent, il ne
prit la plume que lorsqu’il se sentit sûr de lui. Dédaigneux des travaux
de simple vulgarisation, il estimait que ce n’est pas en savoir assez que de
ne pas pouvoir ajouter à la science des autres, et il aimait les sujets où
tout fût à découvrir. Les problèmes difficiles l’attiraient. Il étudia ainsi,
une aune, quelques-unes des branches les moins connues de la curiosité,
et il coordonna dans de substantielles monographies le résultat des en-
quêtes qu’il ouvrait au cours de ses voyages ou la somme de renseigne-
ments qui découlait de ses lectures et de ses vastes dépouillements
d’archives. Il débuta par une Histoire des faïences hispano-moresques
à reflets métalliques. Paris, 1861, in-8». Ces faïences avaient été jusque-
là confondues avec les produits de la céramique italienne. Le mémoire,
justement remarqué, et dont la Gazette des Beaux-Arts1 a signalé la
première les ingénieuses conclusions, a établi d’une façon péremptoire 1
1. T. XIII, p. 268-281.