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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
cheval mort-, toutes les trois appartiennent à cette manière sobre et puis-
sante qui est le propre du talent observateur et consciencieux de M. Guil-
laumet. Il n’est pas seulement aujourd’hui le premier de nos peintres
algériens, mais il en est encore le plus véridique et le plus sérieux.
Quant aux deux tableaux de M. Gabriel Ferrier, la Mère et les Enfants
de Biskra, nous en dirons peu de chose, si ce n’est que ces toiles ruti-
lantes et aveuglantes sont bien trop vastes pour ce que l’artiste avait à
nous dire.
Ce n’est à coup sûr pas Eugène Fromentin, avec son tact si fin et son
goût si sûr, qui aurait jamais conseillé à M. Ferrier d’employer une toile
de près de trois mètres à nous faire le portrait d’une porte !
Quelques réflexions avant de finir. L’Exposition nationale a certaine-
ment obtenu tout le succès que l’on était en droit d’en attendre, mais
combien ce succès n’aurait-il pas été plus retentissant encore si cette
exposition avait offert à l’étude l’ensemble choisi, raisonné, — une sé-
rieuse sélection, enfin — de notre production artistique pendant ces
cinq dernières années ! Ce résultat désirable, l’administration des beaux-
arts devra le poursuivre et s'efforcer de l’atteindre. Dans un délai de
cinq ans, sans doute, elle renouvellera une expérience dont l’intérêt et la
portée ne sont plus à discuter. Si tel est son projet, nous lui conseillons
de ne pas attendre au dernier moment pour l’annoncer aux artistes.
On a beaucoup parlé, dans la presse, du jury d’examen. Son utilité a
été carrément mise en doute. Nous sommes de ceux qui pensent que l’ad-
ministration des beaux-arts doit assumer l’entière responsabilité quant
au choix des ouvrages exposés, et qu’elle peut se passer d’un jury com-
posé presque uniquement d’artistes militants : est-ce que les trois cents
médiocres tableaux qui figurent aux Champs-Ëlysées ne sont pas là pour
prouver à quels abus on a ouvert la porte en constituant, comme on l’a
fait, le jury d’examen? D’ailleurs, combien de peintres et des plus réputés
n’ont pas exposé, parce qu’il ne leur convenait pas de passer sous les
fourches caudines de leurs confrères et rivaux !
Donc, plus de jury oû les peintres aient la majorité ! Il nous semble,
au surplus, qu’une simple commission d’organisation zélée, active, dés-
intéressée, composée d’amateurs éclairés et de critiques, et chargée,
conjointement avec le personnel de l’administration des beaux-arts, de
rechercher et de recueillir les productions vraiment supérieures de nos
artistes, suffirait aussi bien à la besogne et rendrait, à coup sûr, de plus
utiles et sérieux services.
PAUL LEFORT.
(La suite prochainement.)
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
cheval mort-, toutes les trois appartiennent à cette manière sobre et puis-
sante qui est le propre du talent observateur et consciencieux de M. Guil-
laumet. Il n’est pas seulement aujourd’hui le premier de nos peintres
algériens, mais il en est encore le plus véridique et le plus sérieux.
Quant aux deux tableaux de M. Gabriel Ferrier, la Mère et les Enfants
de Biskra, nous en dirons peu de chose, si ce n’est que ces toiles ruti-
lantes et aveuglantes sont bien trop vastes pour ce que l’artiste avait à
nous dire.
Ce n’est à coup sûr pas Eugène Fromentin, avec son tact si fin et son
goût si sûr, qui aurait jamais conseillé à M. Ferrier d’employer une toile
de près de trois mètres à nous faire le portrait d’une porte !
Quelques réflexions avant de finir. L’Exposition nationale a certaine-
ment obtenu tout le succès que l’on était en droit d’en attendre, mais
combien ce succès n’aurait-il pas été plus retentissant encore si cette
exposition avait offert à l’étude l’ensemble choisi, raisonné, — une sé-
rieuse sélection, enfin — de notre production artistique pendant ces
cinq dernières années ! Ce résultat désirable, l’administration des beaux-
arts devra le poursuivre et s'efforcer de l’atteindre. Dans un délai de
cinq ans, sans doute, elle renouvellera une expérience dont l’intérêt et la
portée ne sont plus à discuter. Si tel est son projet, nous lui conseillons
de ne pas attendre au dernier moment pour l’annoncer aux artistes.
On a beaucoup parlé, dans la presse, du jury d’examen. Son utilité a
été carrément mise en doute. Nous sommes de ceux qui pensent que l’ad-
ministration des beaux-arts doit assumer l’entière responsabilité quant
au choix des ouvrages exposés, et qu’elle peut se passer d’un jury com-
posé presque uniquement d’artistes militants : est-ce que les trois cents
médiocres tableaux qui figurent aux Champs-Ëlysées ne sont pas là pour
prouver à quels abus on a ouvert la porte en constituant, comme on l’a
fait, le jury d’examen? D’ailleurs, combien de peintres et des plus réputés
n’ont pas exposé, parce qu’il ne leur convenait pas de passer sous les
fourches caudines de leurs confrères et rivaux !
Donc, plus de jury oû les peintres aient la majorité ! Il nous semble,
au surplus, qu’une simple commission d’organisation zélée, active, dés-
intéressée, composée d’amateurs éclairés et de critiques, et chargée,
conjointement avec le personnel de l’administration des beaux-arts, de
rechercher et de recueillir les productions vraiment supérieures de nos
artistes, suffirait aussi bien à la besogne et rendrait, à coup sûr, de plus
utiles et sérieux services.
PAUL LEFORT.
(La suite prochainement.)