514
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
vivants. Le Coran, ou du moins les commentaires du Coran, font porter,
en effet, cette proscription par le prophète.
Ce n’est, en réalité, qu’assez tard que les mahométans attachèrent de
l’importance à cette interdiction. Pendant longtemps, ils n’y firent pas
plus attention qu’aux défenses de jouer aux échecs, de boire dans des
vases d’or ou d’argent, etc., qui figurent également dans le livre sacré.
Les khalifes furent les premiers à transgresser la défense de repré-
senter des êtres animés. Les reproductions de monnaies que nous avons
fait faire prouvent qu’ils n’hésitaient pas à y graver leurs effigies.
Les figures représentées sur des monnaies, ou celles assez nombreuses
encore qu’on rencontre sur des vases arabes, fournissent d’utiles indica-
tions sur l’aptitude des Arabes au dessin, mais ne nous disent rien de ce
que pouvaient être leurs connaissances en peinture. Nous ne pouvons les
apprécier que par les récits de leurs historiens. C’est uniquement par eux
que nous savons qu’il y eut plusieurs écoles de peintres arabes. Le très
exact historien Makrisy avait même composé une biographie des peintres
musulmans. Il rapporte que lorsqu’en 460 de l’hégire on pilla le palais
du khalife Mostanser, on y trouva mille pièces d’étoffes sur lesquelles était
représentée la suite des khalifes arabes, avec des guerriers et des
hommes célèbres. Les tentures, formées d’étoffes d’or, de soie et de
velours, étaient couvertes de peintures représentant des figures d’hommes
et d’animaux de toutes sortes.
Les récits de Makrisy donnent une bonne opinion de l’habileté des
peintres arabes du Caire au x' siècle de notre ère. Il parle de deux aimées,
l’une, drapée de voiles blancs et peinte sur fond noir, qui semblait s’en-
foncer dans la muraille sur laquelle elle était représentée ; l’autre, drapée
de rouge et peinte sur fond jaune, semblait s’avancer au contraire vers
les spectateurs. Les peintres de cette époque devaient fort bien connaître
toutes les ressources de la perspective, à en juger par la description que
donne le même Makrisy d’un escalier peint dans l’intérieur d’un palais
du Caire et qui produisait l’illusion d’un escalier véritable. Beaucoup de
manuscrits arabes, principalement ceux traitant d’histoire naturelle,
d’éducation du cheval, etc., contiennent des figures. Il existe encore
plusieurs anciens manuscrits des séances de Hariri, illustrés par des
Arabes. M. Schéfer en possède un de l’année 1236 : Casiri donne la
description d’un manuscrit de l’Escurial du xne siècle, où se trouvent une
quarantaine de figures de rois arabes et persans, reines, généraux, grands
personnages, etc.
Tous les visiteurs de l’Alhambra savent que sur le plafond de la salle
du jugement se trouvent des peintures représentant divers sujets, tels
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
vivants. Le Coran, ou du moins les commentaires du Coran, font porter,
en effet, cette proscription par le prophète.
Ce n’est, en réalité, qu’assez tard que les mahométans attachèrent de
l’importance à cette interdiction. Pendant longtemps, ils n’y firent pas
plus attention qu’aux défenses de jouer aux échecs, de boire dans des
vases d’or ou d’argent, etc., qui figurent également dans le livre sacré.
Les khalifes furent les premiers à transgresser la défense de repré-
senter des êtres animés. Les reproductions de monnaies que nous avons
fait faire prouvent qu’ils n’hésitaient pas à y graver leurs effigies.
Les figures représentées sur des monnaies, ou celles assez nombreuses
encore qu’on rencontre sur des vases arabes, fournissent d’utiles indica-
tions sur l’aptitude des Arabes au dessin, mais ne nous disent rien de ce
que pouvaient être leurs connaissances en peinture. Nous ne pouvons les
apprécier que par les récits de leurs historiens. C’est uniquement par eux
que nous savons qu’il y eut plusieurs écoles de peintres arabes. Le très
exact historien Makrisy avait même composé une biographie des peintres
musulmans. Il rapporte que lorsqu’en 460 de l’hégire on pilla le palais
du khalife Mostanser, on y trouva mille pièces d’étoffes sur lesquelles était
représentée la suite des khalifes arabes, avec des guerriers et des
hommes célèbres. Les tentures, formées d’étoffes d’or, de soie et de
velours, étaient couvertes de peintures représentant des figures d’hommes
et d’animaux de toutes sortes.
Les récits de Makrisy donnent une bonne opinion de l’habileté des
peintres arabes du Caire au x' siècle de notre ère. Il parle de deux aimées,
l’une, drapée de voiles blancs et peinte sur fond noir, qui semblait s’en-
foncer dans la muraille sur laquelle elle était représentée ; l’autre, drapée
de rouge et peinte sur fond jaune, semblait s’avancer au contraire vers
les spectateurs. Les peintres de cette époque devaient fort bien connaître
toutes les ressources de la perspective, à en juger par la description que
donne le même Makrisy d’un escalier peint dans l’intérieur d’un palais
du Caire et qui produisait l’illusion d’un escalier véritable. Beaucoup de
manuscrits arabes, principalement ceux traitant d’histoire naturelle,
d’éducation du cheval, etc., contiennent des figures. Il existe encore
plusieurs anciens manuscrits des séances de Hariri, illustrés par des
Arabes. M. Schéfer en possède un de l’année 1236 : Casiri donne la
description d’un manuscrit de l’Escurial du xne siècle, où se trouvent une
quarantaine de figures de rois arabes et persans, reines, généraux, grands
personnages, etc.
Tous les visiteurs de l’Alhambra savent que sur le plafond de la salle
du jugement se trouvent des peintures représentant divers sujets, tels