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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2. Pér. 35.1887

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Nr. 1
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Bonnaffé, Edmond: Études sur le meuble en France au XVIe siècle, 6
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https://doi.org/10.11588/diglit.24189#0035

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28

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

A jour de feste ou jour de nopces.

Table où on parle négoces,

Puis de la paix, puis de la guerre,

Puis de France, puis d’Angleterre,

Puis de vertu, puis de folye.

Table comme ung miroir polye...

O table honneste et tresnotable,

Table de boys, ô belle table,

Je prie à Dieu qu’il te munisse,

Tant bien t’appreste et te garnisse,

Qu’à tout jamais par tout moyen
Ayns son pain cotidien G

La bonne tenue à table est une des obligations essentielles du
savoir-vivre; les traités de civilité donnent à ce sujet les indications
les plus instructives. On enseigne les formules de politesse et la
façon de s’y prendre quand on apporte l’eau parfumée pour laver les
mains avant et après le repas; comment on doit se placer, s’asseoir,
jeter la serviette sur l’épaule ou le bras gauches, saisir la viande
avec les doigts pour la porter à la bouche, car tout le monde, depuis
le paysan jusqu’au souverain, mangeait alors sans fourchette1 2.
« Prenez ce qu’on vous offre, dit Erasme 3, avec trois doigts, ou
tendez votre assiette pour le recevoir... Il y a des gens qui, à peine
assis, jettent les mains sur les plats... il faut recevoir sur son
assiette ce que l’on ne peut prendre avec les doigts. » Le traité des
Contenances de table dit la même chose plus brutalement :

Ne louche ton nez à main nue
Dont ta viande est tenue.

1. Blason de la Table, 1539.

2. L’usage de la fourchette, comme nous l’entendons aujourd’hui, ne commence
pas en France avant le règne de Henri III. Jusqu’alors la fourchette est une
exception fort rare; elle ne sert que pour manger certains fruits qui pourraient
tacher les doigts, ou des grillades chaudes. Même à la fin du xvie siècle, les gens
les mieux élevés se servent encore, tantôt des doigts, tantôt de la fourchette
nouvellement mise à la mode. Brantôme parle des élégantes qui « lorsqu’elles
mangent des pastez et autres friandises chaudes et y peschent, mettent la main
dedans ou avec les fourchettes ». Montaigne avoue qu’en mangeant il « mord
souvent sa langue, parfois ses doigts, de hastiveté ». De même en Italie, Sabba
da Castiglione (Ricordi, p. 86) raconte qu’un gentilhomme était si soigné de sa
personne que, « pendant douze ans qu’il vécut avec lui, il ne lui arriva qu’une
fois de manger la salade sans gants, pour ne pas se barbouiller les mains. » Plus
loin il dit encore : « Quand il mange, il manœuvre ses doigts plus prestement
qu’un joueur de guitare, fût-il Giovan Maria Guido. »

3. De Civilitate morum, 1530.
 
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