LA SCULPTURE ANTIQUE AU BRITISH MUSEUM. 107
desquels apparaissent les têtes des défenseurs. Enfin la ville a capitulé,
les soldats lyciens l'occupent-, et leur chef, coiffé d’une tiare à pointe
retroussée, abrité par un parasol, reçoit les représentants de la
cité qui s’est rendue au vainqueur. Il est à peine besoin de faire
remarquer combien ces procédés de composition sont étrangers au
génie hellénique, qui n’a jamais admis dans la sculpture un tel
réalisme; il faut arriver jusqu’à l’art romain pour retrouver cette
préoccupation de faire parler au marbre le langage de l’histoire. Ici,
nous n’avons aucune peine à reconnaître des principes empruntés à
l’Orient, et à mesure qu’on connaît mieux l’art lycien, les exemples
se multiplient. Sans quitter Londres, on peut voir au Musée du
South-Ivensington les moulages des frises de l’hérôon de Gjolbaschi,
rapportées à Vienne par M. Benndorf et ses compagnons de voyage;
ce sont, à côté de sujets tout à fait grecs, les mêmes scènes de bataille
et d’assauts donnés à une ville forte. Ainsi l’art lycien ne s’est
hellénisé qu’à demi et reste encore fidèle, dans une certaine mesure,
aux traditions réalistes qu’il a reçues de l’Orient.
Nous n’insisterons pas sur les frises plus petites et aussi de
moindre valeur, qui représentent les sacrifices après la victoire, une
scène de banquet, des chasses, des personnages conversant entre
eux. Nous nous arrêterons plus volontiers devant les statues qui
décoraient les entre-colonnements. Les attributs qu’on remarque à la
base de plusieurs de ces figures, poissons, dauphins, coquilles, oiseaux
de mer, les désignent comme des divinités marines; ce sont les
Néréides dont la présence a valu au tombeau du chef lycien le nom
que Lloyd a été le premier à proposer 1. Mais quelle est la signification
de ces figures ainsi placées autour d’un tombeau? Est-ce une allusion
à la situation maritime de la ville de Telmessos, conquise par Périclè's?
Ou bien faut-il y voir le plus ancien exemple de symbolisme funèbre
qui, à l’époque romaine, multiplie sur les sarcophages les divinités
marines ? La question est d’autant plus douteuse que nous connaissons
fort mal les idées religieuses des Lyciens. Quelle que soit la pensée
dont l’artiste s’est inspiré, il en a tiré un motif de décoration fort
original et il l’a traité avec un sentiment très personnel. Il n’y a pas
trace ici de ces compromis que nous avons observés dans les frises :
les statues témoignent d’une grande franchise d’inspiration. Pour
varier les attitudes, le sculpteur les a tournées tantôt à gauche, tantôt
1. Xanthian Mcirbles : The Nereid Monument, Londres, 1845. L’hypothèse de
Gibson, suivant laquelle ces statues représenteraient les villes maritimes de l’Ionie
et de l’Eolide, est tout à fait dénuée de fondement.
desquels apparaissent les têtes des défenseurs. Enfin la ville a capitulé,
les soldats lyciens l'occupent-, et leur chef, coiffé d’une tiare à pointe
retroussée, abrité par un parasol, reçoit les représentants de la
cité qui s’est rendue au vainqueur. Il est à peine besoin de faire
remarquer combien ces procédés de composition sont étrangers au
génie hellénique, qui n’a jamais admis dans la sculpture un tel
réalisme; il faut arriver jusqu’à l’art romain pour retrouver cette
préoccupation de faire parler au marbre le langage de l’histoire. Ici,
nous n’avons aucune peine à reconnaître des principes empruntés à
l’Orient, et à mesure qu’on connaît mieux l’art lycien, les exemples
se multiplient. Sans quitter Londres, on peut voir au Musée du
South-Ivensington les moulages des frises de l’hérôon de Gjolbaschi,
rapportées à Vienne par M. Benndorf et ses compagnons de voyage;
ce sont, à côté de sujets tout à fait grecs, les mêmes scènes de bataille
et d’assauts donnés à une ville forte. Ainsi l’art lycien ne s’est
hellénisé qu’à demi et reste encore fidèle, dans une certaine mesure,
aux traditions réalistes qu’il a reçues de l’Orient.
Nous n’insisterons pas sur les frises plus petites et aussi de
moindre valeur, qui représentent les sacrifices après la victoire, une
scène de banquet, des chasses, des personnages conversant entre
eux. Nous nous arrêterons plus volontiers devant les statues qui
décoraient les entre-colonnements. Les attributs qu’on remarque à la
base de plusieurs de ces figures, poissons, dauphins, coquilles, oiseaux
de mer, les désignent comme des divinités marines; ce sont les
Néréides dont la présence a valu au tombeau du chef lycien le nom
que Lloyd a été le premier à proposer 1. Mais quelle est la signification
de ces figures ainsi placées autour d’un tombeau? Est-ce une allusion
à la situation maritime de la ville de Telmessos, conquise par Périclè's?
Ou bien faut-il y voir le plus ancien exemple de symbolisme funèbre
qui, à l’époque romaine, multiplie sur les sarcophages les divinités
marines ? La question est d’autant plus douteuse que nous connaissons
fort mal les idées religieuses des Lyciens. Quelle que soit la pensée
dont l’artiste s’est inspiré, il en a tiré un motif de décoration fort
original et il l’a traité avec un sentiment très personnel. Il n’y a pas
trace ici de ces compromis que nous avons observés dans les frises :
les statues témoignent d’une grande franchise d’inspiration. Pour
varier les attitudes, le sculpteur les a tournées tantôt à gauche, tantôt
1. Xanthian Mcirbles : The Nereid Monument, Londres, 1845. L’hypothèse de
Gibson, suivant laquelle ces statues représenteraient les villes maritimes de l’Ionie
et de l’Eolide, est tout à fait dénuée de fondement.