L’ART DANS LES FLANDRES.
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L’histoire des mœurs trouverait aussi à glaner, moins parmi les
comptes de dépenses que parmi les testaments de prêtres, de bourgeois
et de bourgeoises dont M. l’abbé Deshaines nous a donné de
nombreux extraits. Nous y voyons que la bourgeoisie du Nord,
comme les gens de la noblesse, possédait une vaisselle qu’elle divisait
entre ses héritiers ; vaisselle dont le fond était toujours un assortiment
de hanaps soit d’argent, soit de madré, c’est-à-dire de bois avec ou
sans pied, garnis d’argent, que l’on distribuait même à ses exécuteurs
testamentaires. La pièce que l’on rencontre le plus souvent avec les
hanaps, est le drageoir accompagné de sa cuillère qui s’appelle
louche dans laplupart des documents. La salière est rareà rencontrer;
encore plus rares les fourchettes : nous n’en trouvons que deux
en 1350. Des écuelles, des lampes d’argent d’un poids léger, vers la
fin du xive siècle, des couteaux, des ceintures de soie ou de laine
garnies d’or ou d’argent, et munies parfois de ce qu’on y suspendait :
couteau, porte-clefs et aumonière; des coussins pour garnir les
meubles et les « banquiers » que l’on accrochait à leur dossier, se
retrouvent dans tous les testaments. Malheureusement pour ceux qui
voudraient connaitre par le menu le mobilier de la bourgeoisie du
xive siècle, M. l’abbé Dehaisnes a borné le plus souvent ses extraits
à ce qui était l’objet de ses recherches, c’est-à-dire à ce qui pouvait
présenter un caractère d’art.
Parfois on lègue ses habits. Ainsi fait, en 1269, une comtesse de
Flandre pour ses robes neuves et vieilles ; mais un chanoine de Douai,
en 1309, lègue les pièces d’armure qu’il avait rapportées d'Italie ;
tandis qu’un chapelain perpétuel de la cathédrale de Cambrai laissait
à ses héritiers, en 1373, tout un assortiment de coiffures de fer : cha-
peau, heaume, huvette, avec gorgerins, cottes de fer, etc. Des coif-
fures de fer, des gorgerins et un auqueton, fût-il de Rome, étonnent
plus chez des chanoines que chez des bourgeois, qu’on ne peut appeler
paisibles dans ce xiv° siècle si troublé et au milieu des remuantes
cités du Nord. Aussi n’en existe-t-il guère qui n’ait aussi des armes
à transmettre à ses héritiers. Une veuve de bourgeois, en 1365,
lègue à son beau-frère celles de son mari ; un boulanger de Douai,
en 1390, à son filleul une armure complète. C’était plus que cela que
possédait, en 1367, un marchand cirier de Douai, qui vendait aussi
des épices ; d’après son inventaire qui nous montre qu’il était en outre
amplement pourvu de vaisselle d’argent et de joyaux, d’habits et de
linge, de batterie de cuisine et de meubles, qui n’étaient pas tous
des coffres. En outre d’un cheval il avait de bons écus monnayés
21
XXXV. — 2e PÉRIODE.
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L’histoire des mœurs trouverait aussi à glaner, moins parmi les
comptes de dépenses que parmi les testaments de prêtres, de bourgeois
et de bourgeoises dont M. l’abbé Deshaines nous a donné de
nombreux extraits. Nous y voyons que la bourgeoisie du Nord,
comme les gens de la noblesse, possédait une vaisselle qu’elle divisait
entre ses héritiers ; vaisselle dont le fond était toujours un assortiment
de hanaps soit d’argent, soit de madré, c’est-à-dire de bois avec ou
sans pied, garnis d’argent, que l’on distribuait même à ses exécuteurs
testamentaires. La pièce que l’on rencontre le plus souvent avec les
hanaps, est le drageoir accompagné de sa cuillère qui s’appelle
louche dans laplupart des documents. La salière est rareà rencontrer;
encore plus rares les fourchettes : nous n’en trouvons que deux
en 1350. Des écuelles, des lampes d’argent d’un poids léger, vers la
fin du xive siècle, des couteaux, des ceintures de soie ou de laine
garnies d’or ou d’argent, et munies parfois de ce qu’on y suspendait :
couteau, porte-clefs et aumonière; des coussins pour garnir les
meubles et les « banquiers » que l’on accrochait à leur dossier, se
retrouvent dans tous les testaments. Malheureusement pour ceux qui
voudraient connaitre par le menu le mobilier de la bourgeoisie du
xive siècle, M. l’abbé Dehaisnes a borné le plus souvent ses extraits
à ce qui était l’objet de ses recherches, c’est-à-dire à ce qui pouvait
présenter un caractère d’art.
Parfois on lègue ses habits. Ainsi fait, en 1269, une comtesse de
Flandre pour ses robes neuves et vieilles ; mais un chanoine de Douai,
en 1309, lègue les pièces d’armure qu’il avait rapportées d'Italie ;
tandis qu’un chapelain perpétuel de la cathédrale de Cambrai laissait
à ses héritiers, en 1373, tout un assortiment de coiffures de fer : cha-
peau, heaume, huvette, avec gorgerins, cottes de fer, etc. Des coif-
fures de fer, des gorgerins et un auqueton, fût-il de Rome, étonnent
plus chez des chanoines que chez des bourgeois, qu’on ne peut appeler
paisibles dans ce xiv° siècle si troublé et au milieu des remuantes
cités du Nord. Aussi n’en existe-t-il guère qui n’ait aussi des armes
à transmettre à ses héritiers. Une veuve de bourgeois, en 1365,
lègue à son beau-frère celles de son mari ; un boulanger de Douai,
en 1390, à son filleul une armure complète. C’était plus que cela que
possédait, en 1367, un marchand cirier de Douai, qui vendait aussi
des épices ; d’après son inventaire qui nous montre qu’il était en outre
amplement pourvu de vaisselle d’argent et de joyaux, d’habits et de
linge, de batterie de cuisine et de meubles, qui n’étaient pas tous
des coffres. En outre d’un cheval il avait de bons écus monnayés
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XXXV. — 2e PÉRIODE.