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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
rarement; je n’en connais d’exemple, que dans l’édition des Triomphes
de Pétrarque, imprimée à Venise en 1492. Le peintre du panneau de
Rome a donné à son Cupidon, en guise de pieds, des serres d’oiseau
de proie, emblème que l’on ne voit guère attribué à l’Amour que
dans le Triomphe de la Chasteté du Giotto, dans la chapelle de Saint-
François d’Assise. Sur les deux cassoni le char de la Chasteté a la
même forme. Quant aux costumes, nous voyons, dans l’une et
dans l’autre peinture, des femmes coiffées des mêmes grands turbans
d’étoffe à fond d’or richement agrémentés ou bien ornés de plumes,
vêtues d’amples surcots de brocart d’or à glands ramages ou de
dalmatiques fendues depuis l’épaule jusqu’au bas avec des bords
parfois dentelés de chaque côté de cette ouverture. Une femme ainsi
habillée marche à droite du char de la Chasteté; seule, sur le panneau
du rassorte du Musée Industriel de Rome, accompagnée d’une autre
femme, sur celui du Kensington. Le même personnage se retrouve
dans le Triomphe de la Chasteté du Musée des Beaux-Arts à Sienne 1.
Cette analogie une fois constatée, il convient de donner une des-
cription spéciale du cassone qui nous occupe.
Le sujet consiste, ainsi que nous l’avons dit, en trois processions
figurant : le Triomphe de VAmour, le Triomphe de la Chasteté et le
Triomphe de la Mort. Le cortège de la Chasteté occupe le milieu du
tableau.
A gauche, venant de trois quarts, s’avance le char de l’Amour :
les roues sont d’or, la caisse fond violet rayé de rouge, et la plate-
forme sur laquelle se tient le jeune dieu entourée de petites flammes.
Il est traîné par quatre chevaux blancs, attelés deux à deux, avec
des mors, et marchant au pas 2.
L’Amour, nu, est debout sur son char : ce n’est pas un putto aux
1. Ce Triomphe fait partie d’une série composée des Triomphes de l’Amour,
delà Chasteté, de la Renommée et de la Mort, qui formaient, autrefois sans doute,
les panneaux d’un cassone; aujourd’hui, ils sont entourés d’un cadre doré relati-
vement moderne. Le catalogue les attribue à André Vanni, mort dans les premières
années du xive siècle; mais il faut voir dans ces peintures, d’une composition et
d’une facture agréables, l’œuvre d’un artiste ayant vécu vers le milieu du xv° siècle
et non de l’École de Sienne, mais bien plutôt de l’École ombrienne florentine.
2. Cette allure, notonsde en passant, est celle qu’on voit presque toujours dans
les miniatures des manuscrits, les peintures, les tapisseries et les bronzes. L’attelage
au galop, qu’on a peine à comprendre dans une procession triomphale, ne se trouve
guère que dans l’édition de 1492 déjà citée, et dans les éditions postérieures, où
les gravures, quand elles ne sont pas copiées, sont du moins inspirées d’autres
représentations.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
rarement; je n’en connais d’exemple, que dans l’édition des Triomphes
de Pétrarque, imprimée à Venise en 1492. Le peintre du panneau de
Rome a donné à son Cupidon, en guise de pieds, des serres d’oiseau
de proie, emblème que l’on ne voit guère attribué à l’Amour que
dans le Triomphe de la Chasteté du Giotto, dans la chapelle de Saint-
François d’Assise. Sur les deux cassoni le char de la Chasteté a la
même forme. Quant aux costumes, nous voyons, dans l’une et
dans l’autre peinture, des femmes coiffées des mêmes grands turbans
d’étoffe à fond d’or richement agrémentés ou bien ornés de plumes,
vêtues d’amples surcots de brocart d’or à glands ramages ou de
dalmatiques fendues depuis l’épaule jusqu’au bas avec des bords
parfois dentelés de chaque côté de cette ouverture. Une femme ainsi
habillée marche à droite du char de la Chasteté; seule, sur le panneau
du rassorte du Musée Industriel de Rome, accompagnée d’une autre
femme, sur celui du Kensington. Le même personnage se retrouve
dans le Triomphe de la Chasteté du Musée des Beaux-Arts à Sienne 1.
Cette analogie une fois constatée, il convient de donner une des-
cription spéciale du cassone qui nous occupe.
Le sujet consiste, ainsi que nous l’avons dit, en trois processions
figurant : le Triomphe de VAmour, le Triomphe de la Chasteté et le
Triomphe de la Mort. Le cortège de la Chasteté occupe le milieu du
tableau.
A gauche, venant de trois quarts, s’avance le char de l’Amour :
les roues sont d’or, la caisse fond violet rayé de rouge, et la plate-
forme sur laquelle se tient le jeune dieu entourée de petites flammes.
Il est traîné par quatre chevaux blancs, attelés deux à deux, avec
des mors, et marchant au pas 2.
L’Amour, nu, est debout sur son char : ce n’est pas un putto aux
1. Ce Triomphe fait partie d’une série composée des Triomphes de l’Amour,
delà Chasteté, de la Renommée et de la Mort, qui formaient, autrefois sans doute,
les panneaux d’un cassone; aujourd’hui, ils sont entourés d’un cadre doré relati-
vement moderne. Le catalogue les attribue à André Vanni, mort dans les premières
années du xive siècle; mais il faut voir dans ces peintures, d’une composition et
d’une facture agréables, l’œuvre d’un artiste ayant vécu vers le milieu du xv° siècle
et non de l’École de Sienne, mais bien plutôt de l’École ombrienne florentine.
2. Cette allure, notonsde en passant, est celle qu’on voit presque toujours dans
les miniatures des manuscrits, les peintures, les tapisseries et les bronzes. L’attelage
au galop, qu’on a peine à comprendre dans une procession triomphale, ne se trouve
guère que dans l’édition de 1492 déjà citée, et dans les éditions postérieures, où
les gravures, quand elles ne sont pas copiées, sont du moins inspirées d’autres
représentations.