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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
indiquant que le sculpteur avait laissé au peintre le soin de compléter
l’exécution des figures. En outre le type est purement conventionnel,
et la tête, avec la crinière divisée par mèches, trahit plutôt le
souvenir d’un modèle d’atelier que l’observation directe de la nature.
Malgré tout, ces animaux ont une Itère tournure. On imagine faci-
lement que, rangés autour du tombeau comme des gardiens fidèles,
la tête haute, la gueule entr’ouverte, ils devaient concourir heureu-
sement à l’effet d’ensemble cherché par les artistes du Mausolée.
Avec les débris du quadrige qui surmontait la pyramide, nous ne
sommes plus en présence d’une œuvre anonyme. L’auteur en est
connu : c’est Pythios, à la fois architecte, sculpteur et écrivain,
génie audacieux et puissant, à qui sans doute il faut faire honneur
de la hardiesse de conception dont témoigne le Mausolée. De ce
quadrige colossal, il ne reste malheureusement qu’une roue, l’arrière-
train d’un cheval et P avant-train d’un autre, reproduit par notre
gravure. La tête est encore garnie d’une têtière en bronze ornée de
ces rondelles que les Grecs appelaient cpdAapa. L’encolure large, le
poitrail robuste, la tête un peu massive, la crinière tombante, et non
pas coupée droit comme au Parthénon, tout cela compose un type de
cheval qui n’est plus celui de l’école attique du ve siècle. A vrai dire,
on pense plutôt aux chevaux de l’art gréco-romain 1 et à ceux de la
Renaissance, si souvent imités de l’antique. Qu’on se rappelle, par
exemple, le superbe buste de cheval en bronze du Musée de Naples,
où Winckelmann reconnaissait une œuvre antique, et dont l’attri-
bution à Donatello paraît certaine 2 : le cheval de Pythios s’en
rapproche plus que de l’admirable tête si fine et si nerveuse du
coursier de Séléné dans le fronton oriental du Parthénon. C’est que
Pythios est en réalité un Asiatique, un des précurseurs des écoles
de Tralles et de Pergame, qui sous les successeurs d’Alexandre
représenteront brillamment cet art hellénistique d’où dérive en
droite ligne l’art gréco-romain.
On considère généralement comme probable que les statues de
Mausole et d’Artémise faisaient partie du groupe sculpté par Pythios.
Toutefois, il est permis d’en douter. Les deux statues pouvaient être
placées dans la cella de l’édifice ionique, et le soin avec lequel elles
sont travaillées dans le moindre détail ne contredit pas cette hypo-
1. Nous signalerons en particulier un buste de cheval, provenant de Civita
Lavinia, récemment donné au Britisli Muséum par sir John Savile Lumley et
placé dans la salle d’Éphèse.
2. Gazette archéologique, 1884, pl. IV. Cf. E. Müntz, Donatello, p. 72.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
indiquant que le sculpteur avait laissé au peintre le soin de compléter
l’exécution des figures. En outre le type est purement conventionnel,
et la tête, avec la crinière divisée par mèches, trahit plutôt le
souvenir d’un modèle d’atelier que l’observation directe de la nature.
Malgré tout, ces animaux ont une Itère tournure. On imagine faci-
lement que, rangés autour du tombeau comme des gardiens fidèles,
la tête haute, la gueule entr’ouverte, ils devaient concourir heureu-
sement à l’effet d’ensemble cherché par les artistes du Mausolée.
Avec les débris du quadrige qui surmontait la pyramide, nous ne
sommes plus en présence d’une œuvre anonyme. L’auteur en est
connu : c’est Pythios, à la fois architecte, sculpteur et écrivain,
génie audacieux et puissant, à qui sans doute il faut faire honneur
de la hardiesse de conception dont témoigne le Mausolée. De ce
quadrige colossal, il ne reste malheureusement qu’une roue, l’arrière-
train d’un cheval et P avant-train d’un autre, reproduit par notre
gravure. La tête est encore garnie d’une têtière en bronze ornée de
ces rondelles que les Grecs appelaient cpdAapa. L’encolure large, le
poitrail robuste, la tête un peu massive, la crinière tombante, et non
pas coupée droit comme au Parthénon, tout cela compose un type de
cheval qui n’est plus celui de l’école attique du ve siècle. A vrai dire,
on pense plutôt aux chevaux de l’art gréco-romain 1 et à ceux de la
Renaissance, si souvent imités de l’antique. Qu’on se rappelle, par
exemple, le superbe buste de cheval en bronze du Musée de Naples,
où Winckelmann reconnaissait une œuvre antique, et dont l’attri-
bution à Donatello paraît certaine 2 : le cheval de Pythios s’en
rapproche plus que de l’admirable tête si fine et si nerveuse du
coursier de Séléné dans le fronton oriental du Parthénon. C’est que
Pythios est en réalité un Asiatique, un des précurseurs des écoles
de Tralles et de Pergame, qui sous les successeurs d’Alexandre
représenteront brillamment cet art hellénistique d’où dérive en
droite ligne l’art gréco-romain.
On considère généralement comme probable que les statues de
Mausole et d’Artémise faisaient partie du groupe sculpté par Pythios.
Toutefois, il est permis d’en douter. Les deux statues pouvaient être
placées dans la cella de l’édifice ionique, et le soin avec lequel elles
sont travaillées dans le moindre détail ne contredit pas cette hypo-
1. Nous signalerons en particulier un buste de cheval, provenant de Civita
Lavinia, récemment donné au Britisli Muséum par sir John Savile Lumley et
placé dans la salle d’Éphèse.
2. Gazette archéologique, 1884, pl. IV. Cf. E. Müntz, Donatello, p. 72.