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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
quel progrès dans le tableau de Massys, dans l’attitude mutuelle de
la Vierge et de l’Enfant s’étreignant tendrement en un baiser, dans
le rendu naturaliste du nu de l’Enfant, dans la finesse avec laquelle,
en plein coloris vigoureux, la lumière est notée, enfin dans la
facture générale si délicate et si légère !
Le Musée de Berlin possède encore un Portrait d'homme et un
Saint Jérôme dans sa cellule, catalogués comme Quintin Massys.
Quelques-uns n’y veulent voir que d’excellents travaux d’élèves; si
ces deux tableaux ne sont que cela, ils n’en caractérisent pas moins
la manière très particulière de Massys dans le portrait et dans
le genre.
Près de la Madone de Massys se trouve une Madone plus petite et
la Poseuse d'or de Jean Mabuse. Ces deux tableaux montrent bien
comment les successeurs de Massys vont se développer sous l’influence
italienne. Ici, encore, la simplicité des sujets garde l’artiste de ce
style d'apparat italien mal compris et abâtardi ; mais cette influence
se fait jour de la manière la plus sensible dans le Neptune et Amphi-
trite (1506) et dans Y Adam et Ève du même maître. A en juger par la
devise que porte le Neptune, Mabuse peignit sans doute ce Neptune et
Amphitrite pour son protecteur, Philippe de Bourgogne, évêque
d’Utrecht, qui le garda si longtemps avec lui en Italie (1508). La
devise de Bourgogne : autre que vous (ie n’aime), se retrouve sur la
gaine d’un poignard dans un Portrait d'homme acquis par le Musée
comme un Iioibein et faisant partie de la galerie Suermondt : il
faudrait en conclure que ce portrait est d’origine flamande et très
probablement de Mabuse lui-même, attribution que confirme encore
la parenté de ce portrait avec les portraits authentiques du maître au
Louvre et à la National Gallery : même faiblesse, en effet, chez
l’un et chez les autres, malgré la sincérité et l’énergie dans l’indivi-
dualisation de la physionomie, même ton de chair froid, même façon
maniérée de draper, mêmes raccourcis recherchés et quelque peu
malheureux. Le talent de Mabuse reçut en Italie une influence
décisive de Léonard et de son Ecole : on le voit dans ses dernières
œuvres au clair-obscur, au ton d’ivoire des chairs, aux ombres
noirâtres, aux raccourcis singulièrement recherchés. Une Madone,
qui a toujours été considérée comme étant de Mabuse, montre surabon-
damment cette étroite parenté avec l’Ecole de Léonard, en même
temps que les innombrables répétitions et copies qui en furent faites
prouvent l’extraordinaire faveur de ce mouvement rétrograde de
l’art flamand vers le génie italien. A en juger par le style du paysage
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
quel progrès dans le tableau de Massys, dans l’attitude mutuelle de
la Vierge et de l’Enfant s’étreignant tendrement en un baiser, dans
le rendu naturaliste du nu de l’Enfant, dans la finesse avec laquelle,
en plein coloris vigoureux, la lumière est notée, enfin dans la
facture générale si délicate et si légère !
Le Musée de Berlin possède encore un Portrait d'homme et un
Saint Jérôme dans sa cellule, catalogués comme Quintin Massys.
Quelques-uns n’y veulent voir que d’excellents travaux d’élèves; si
ces deux tableaux ne sont que cela, ils n’en caractérisent pas moins
la manière très particulière de Massys dans le portrait et dans
le genre.
Près de la Madone de Massys se trouve une Madone plus petite et
la Poseuse d'or de Jean Mabuse. Ces deux tableaux montrent bien
comment les successeurs de Massys vont se développer sous l’influence
italienne. Ici, encore, la simplicité des sujets garde l’artiste de ce
style d'apparat italien mal compris et abâtardi ; mais cette influence
se fait jour de la manière la plus sensible dans le Neptune et Amphi-
trite (1506) et dans Y Adam et Ève du même maître. A en juger par la
devise que porte le Neptune, Mabuse peignit sans doute ce Neptune et
Amphitrite pour son protecteur, Philippe de Bourgogne, évêque
d’Utrecht, qui le garda si longtemps avec lui en Italie (1508). La
devise de Bourgogne : autre que vous (ie n’aime), se retrouve sur la
gaine d’un poignard dans un Portrait d'homme acquis par le Musée
comme un Iioibein et faisant partie de la galerie Suermondt : il
faudrait en conclure que ce portrait est d’origine flamande et très
probablement de Mabuse lui-même, attribution que confirme encore
la parenté de ce portrait avec les portraits authentiques du maître au
Louvre et à la National Gallery : même faiblesse, en effet, chez
l’un et chez les autres, malgré la sincérité et l’énergie dans l’indivi-
dualisation de la physionomie, même ton de chair froid, même façon
maniérée de draper, mêmes raccourcis recherchés et quelque peu
malheureux. Le talent de Mabuse reçut en Italie une influence
décisive de Léonard et de son Ecole : on le voit dans ses dernières
œuvres au clair-obscur, au ton d’ivoire des chairs, aux ombres
noirâtres, aux raccourcis singulièrement recherchés. Une Madone,
qui a toujours été considérée comme étant de Mabuse, montre surabon-
damment cette étroite parenté avec l’Ecole de Léonard, en même
temps que les innombrables répétitions et copies qui en furent faites
prouvent l’extraordinaire faveur de ce mouvement rétrograde de
l’art flamand vers le génie italien. A en juger par le style du paysage